La maison des Bleu(e)s

23 novembre 2016 Non Par SoTennis

Niché à deux pas de la Porte d’Auteuil, le nouveau Centre National d’Entraînement, de la Fédération française de tennis, s’est doté du dernier cri technologique. Focus sur un lieu étonnant, dont l’ambition reste d’assurer l’avenir du tennis français.

La structure en béton fibré qui abrite une enfilade de six courts en dur intérieur/©SoTennis

La structure en béton fibré qui abrite une enfilade de six courts en dur intérieur/©SoTennis

Il garantit à ses ayants droit les meilleures conditions d’entraînement. Le nouveau C.N.E (Centre National d’Entraînement) de la FFT, désormais situé rue Molitor à Paris (à 500 m de Roland-Garros), n’a plus grand-chose à voir avec sa précédente version, qui était jusque-là abritée (de 1986 à 2015) au sein même du stade Roland-Garros. Réalisé par l’architecte Marc Mimran, cet édifice de 11 000 m², composé de deux bâtiments de 100 m de long pour 4 étages, est le symbole du modernisme que la Fédération française de tennis, tente d’insuffler dans ses rangs. Érigé sur l’ancien site du stade Georges-Hebert, ce nouveau lieu, qui est l’un des volets des travaux du nouveau Roland-Garros, a coûté environ 30 millions d’euros et concentre du sol au plafond le dernier cri technologique. Rien n’a été laissé au hasard pour mieux éclairer, mieux isoler, mieux chauffer et mieux ventiler ce bâtiment classé HQE (Haute Qualité Environnementale), qui est en fonctionnement depuis octobre 2015.

Côté courts

À l’ère du big data, où les joueurs sont abreuvés de statistiques en tous genres, quoi de mieux que de bénéficier d’un court technologique pour progresser? Tel est l’objectif du terrain 3.0 perché au premier étage du C.N.E, avec une tribune de plus de 150 places assises, qui fait la joie de ses hôtes. Scruté par six caméras hautes technologiques, situées autour du terrain, le système PlaySight rend ainsi les entraînements plus « ludiques ». «Ce court technologique permet véritablement une analyse précise et un décorticage des entraînements, dixit Lionel Faugère le coordinateur du C.N.E, donnant ainsi beaucoup d’informations (via un écran situé au bord du terrain) aux entraîneurs et aux joueurs, sur les séquences d’entraînement en cours. Il est aussi possible de les retrouver sur demande, sur DVD. C’est un outil qui ponctuellement, offre la possibilité de faire le point sur les évolutions techniques. Il est très apprécié.» Pour des entraînements moins « morcelés », mais néanmoins tout aussi intensifs, direction la structure en béton fibré qui abrite une enfilade de six courts en dur intérieur (contre cinq à l’ancien C.N.E), l’autre atout de cette maison des Bleu(e)s. En ce lieu, le bleu est présent partout, surtout sur les terrains en GreenSet. Une couleur choisie en concertation avec les principaux concernés… les joueurs. Mais au-delà de cet aspect esthétique, ici, la principale réussite réside aussi dans la volonté de l’architecte Marc Mimran, qui a été de limiter, autant que possible, l’apport de la lumière naturelle tout en permettant de la filtrer. Ainsi, pas d’ombres sur les courts et une intensité d’éclairage (par LED) pratiquement identique du matin au soir sans oublier le système de ventilation écologique situé derrière les bâches de fond de court. À l’extérieur, nouvelle nouveauté par rapport à l’ancien C.N.E, quatre courts en dur (toujours en GreenSet) éclairés (par LED) viennent compléter ce dispositif.

Musculation et récupération

Le physique étant désormais l’un des fondements du tennis moderne, le nouveau C.N.E s’est donné les moyens de proposer à ses visiteurs et à ses pensionnaires tout un arsenal d’appareils les plus modernes pour tenter de travailler sa condition physique. À commencer dans la salle de gym de 600m², trois fois plus grande que la précédente, où différents engins de torture et un espace «cross-fit», invite à repousser ses limites. Non loin de là, l’espace hypoxique de 130m², l’un des plus grands en Europe, où les joueurs s’entraînent ponctuellement sur des tapis de course ou des vélos (elliptique, wattbike ou normaux), dans des conditions de pression atmosphérique reproduisant celles de l’altitude (jusqu’à 3 000 m) et sous surveillance physiologique. L’objectif ici pour les joueurs est de développer leur VO2 Max (quantité maximale d’oxygène consommée à l’effort). «Ici, l’avantage c’est que les joueurs peuvent travailler, avec l’un des préparateurs physiques du C.N.E, comme s’ils étaient en altitude, puis, de jouer tout de suite après, sans les désagréments que peut procurer la pratique du tennis en altitude » nous précise Lionel Faugère. Un espace qui a été développé avec les compétences du docteur Laurent Schmitt, directeur scientifique du Centre National de ski nordique et de Cyril Brechbül, préparateur physique à la FFT et auteur d’une thèse sur l’hypoxie. Pour récupérer de tous ces efforts, direction l’espace balnéothérapie, qui comprend une piscine de récupération avec nage à contre-courant et jacuzzi, ainsi que deux bacs (l’un avec une eau à 8 degrés, l’autre à 38 degrés) utilisés le plus souvent pour des phases de rééducation, ainsi qu’un sauna et un hammam. Puis, pour parfaire et (ou) compléter ces moments de récup’ et prévenir les bobos, rien de mieux que le froid extrême des deux cabines de cryothérapie (l’une à -60 degrés, l’autre à -110 degrés) que les plus courageux empruntent… en petite tenue. Ou de se rendre à la salle des kinésithérapeutes plus spacieuse et lumineuse, avec vue sur les courts extérieurs. Des équipements qui ont été plébiscités et régulièrement utilisés par Victoria Azarenka, Novak Djokovic ou encore Andy Murray, lors de la dernière édition de Roland-Garros.

Côté hébergement

Hormis ce nouvel attrait technologique et écologique, le nouveau Centre National d’Entraînement de la FFT a surtout récupéré sa capacité d’hébergement initial. Car dans l’ancienne version, construite au sein même du stade Roland-Garros, plusieurs chambres avaient été, au fur et à mesure des années et de l’expansion du tournoi, transformées en bureau. Aujourd’hui, le C.N.E abrite 38 chambres, dont certaines à capacité multiple, pouvant accueillir en tout jusqu’à 57 personnes, où avant d’y accéder, il est possible de lire différentes citations inscrites au-dessus des couloirs. Comme celle de René Lacoste : « Confiance, persévérance, rigueur… Avec de telles armes, chacun peut construire sa vie ». Avec un aspect très fonctionnel et peu énergivore, ces chambres offrent aux pensionnaires (actuellement 11 à temps complet), des conditions de vie optimales pour penser et travailler leur tennis, jusqu’à ce qu’ils puissent totalement assumer financièrement leur indépendance. En contrepartie, quelques contraintes d’horaires, de vie en groupe et d’intendance sont à respecter. Récemment, c’est Mathias Bourgue, qui avait une chambre au C.N.E, qui a pris son envol. Des chambres servant également à accueillir ponctuellement des entraîneurs, des joueurs… de passage. Des entraîneurs qui ont à présent tout le loisir d’échanger leurs compétences dans « l’open space » spécialement penser pour eux. Au rez-de-chaussée, près de l’entrée principale, une immense salle aux cloisons modulables est sujette à recevoir différentes réunions ou formations.

Sans forfanterie

Avec ce nouveau Centre National d’Entraînement, doté du dernier cri technologique, la Fédération française de tennis a surtout rattrapé son retard en matière d’équipement et de modernisme. Car avant l’édification de ce nouveau bâtiment, qui ressemble depuis l’extérieur à un immense paquebot, les infrastructures présentes dans l’ancienne version du C.N.E paraissaient totalement obsolètes en comparaison à celles que possédaient déjà certaines fédérations et structures privées, étrangères. Désormais délocalisée à l’extérieur du stade Roland-Garros, cette maison des Bleu(e)s, au gigantisme mesuré, dû à sa localisation, reste néanmoins la «fabrique» à champion du tennis français, où les joueuses et joueurs, entraîneurs nationaux, kinésithérapeutes, préparateurs physiques, médecins, directeur technique national, responsables du haut niveau masculin et féminin et leurs collaborateurs, ont sans doute trouvé enfin un lieu à la mesure des nouvelles ambitions affichées et assumées par la FFT. Celles des résultats plutôt que du potentiel. «Il nous faut acquérir une culture du résultat parce que sur le circuit, la concurrence est de plus en plus dure. Parce que tous les meilleurs disposent de moyens considérables pour se maintenir au plus haut niveau » déclarait Jean Gachassin en février dernier lors de l’ouverture de l’Assemblée générale annuelle de la FFT*. Reste désormais à connaître les effets sur les courts que procure ce nouveau fleuron de la Fédération française de tennis, sur le jeu et le mental, de ses ayants droit qui le fréquentent.

*Tennis Info n°479 mars 2016.

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