Rafa, Toni et Carlos

15 février 2017 Non Par SoTennis

Après avoir officialisé leur association en décembre dernier, Rafael Nadal, Toni et Carlos Moya ont débuté leur collaboration lors du récent Open d’Australie, qui s’est soldée par une mémorable finale, perdue, contre Roger Federer. Immersion dans ce team Made in Mallorca, où les échanges verbaux, occupent une place prépondérante.

Rafael Nadal à l'entraînement lors du dernier Open d'Australie / ©SoTennis

Rafael Nadal à l’entraînement lors du dernier Open d’Australie / ©SoTennis

«La chose la plus importante est d’avoir les bonnes personnes autour de soi. Et je les ai.» Voilà comment Rafael Nadal, avec l’authenticité qu’on lui connaît, évoque sa garde rapprochée. Celle, qui depuis tant d’années, s’évertue à le faire évoluer et qui l’a menée à la première place mondiale et à remporter quatorze titres du Grand Chelem (série en cours). Mais après une saison 2015 sous le signe du doute et des contre-performances, où certaines voix se sont élevées affirmant la nécessite d’un changement d’entraîneur et une année 2016 qui fut perturbée notamment par une blessure au poignet gauche, le nonuple vainqueur à Roland-Garros a une nouvelle fois cherché des solutions. Délesté de ses maux, et balayant d’un revers de main ces injonctions, c’est vers un homme de confiance, un intime, un autre Majorquin comme lui, son mentor, qu’il s’est tourné pour étoffer son équipe. Ainsi, en décembre dernier, c’est via un communiqué que le clan Nadal a officialisé, l’arrivée de Carlos Moya au sein de l’équipe technique de l’actuel n°6 mondial. Lui, qui fut dans une autre vie vainqueur de Roland-Garros, en 1998, et n°1 mondial, pendant deux semaines, a toujours suivi de très près la carrière « d’El manacorí » et lui a plus d’une fois glissé, de manière officieuse, pléthore de conseils. Après avoir travaillé en 2016 avec Milos Raonic, qui fut finaliste à Wimbledon, Moya chaperonne donc à présent, en compagnie de Toni, les entraînements de « Rafa ». «C’est Toni qui m’a appelé pour me demander de rejoindre l’équipe, a déclaré Moya à The Tennis Podcast en janvier dernier. Après avoir parlé avec « Rafa » à propos de ses objectifs en 2017, qui sont élevés, j’ai décidé de les rejoindre et c’est un honneur. Nous travaillons sur des choses spécifiques. On ne peut pas changer beaucoup de choses sur un joueur qui a 30 ans et qui a remporté 14 Grands Chelems. Nous pensons néanmoins qu’il peut être plus agressif et qu’il peut mettre plus de pression à ses adversaires avec son service.» C’est à l’occasion du récent Open d’Australie, que ce ménage à trois a cohabité pour la première fois en version originale, celle d’un tournoi, qui plus est du Grand Chelem. «Tout d’abord, cette association est récente, abonde Rafael Nadal. Avant que Carlos rejoigne l’équipe, je m’entraînais bien. Mais le fait qu’il fasse désormais partie de mon team m’apporte quelque chose de spéciale. Il m’aide sur de nombreux points. Il me connaît très bien tout comme mon jeu. Il sait ce que j’ai besoin de faire. C’est important pour moi et c’est une chance de pouvoir mettre en place à l’entraînement certains exercices. »

Practice

Bourreau de travail, Rafael Nadal n’est pas du genre à jouer à la baballe lors de ses entraînements. En revanche, en compagnie de son « nouveau » super entraîneur, ces derniers ont pris une tournure légèrement différente. «Carlos Moya est un petit peu plus actif sur le court, du fait que cela soit un ancien joueur professionnel de premier rang et qu’il joue encore sur l’ATP Champions Tour, nous précise Rafael Plaza, journaliste à El Espanol et à Onda Cero. Ses entraînements, lors de l’Open d’Australie, étaient légèrement différents. Des exercices particuliers étaient réalisés par Rafa, que ce soit pour travailler son coup droit ou son revers.» Comme ceux exécutés lors du « practice » du vendredi 20 janvier 2017. Alors que son entraînement matinal était prévu sur le court n°16, les nuages menaçants et les quelques gouttes de pluie ont poussé Rafael Nadal et son team, à aller taper au National Tennis Centre. Situé juste derrière l’Hisense Arena, le court n°6, de cette structure de verre et de béton accueillant tout au long de l’année l’élite du tennis australien, a été pendant plus de deux heures, le théâtre d’un entraînement intense et très technique, sous le signe de la vitesse et de la précision. Ce jour-là, Marc Lopez, avec qui il a gagné l’or olympique à Rio, a joué, durant plus d’une heure, le rôle de sparring-partner, en compagnie de Carlos Moya, avant de poursuivre seul ce rôle ingrat, le tout sous les yeux de Jordi Robert, alias Tuts, Carlos Costa, Benito Perez Barbadillo et Sebastien Nadal, assis sur des fauteuils Acapulco posés sur la terrasse surplombant le terrain. De l’autre côté du filet, Toni distillait, avec sa voix rocailleuse, ses conseils, avant que Moya ne vienne le rejoindre après avoir installé sur le court des cibles. Au-delà d’un coup droit supersonique retrouvé, ce qui fut et ce qui reste le plus surprenant à observer, ont été les nombreuses discussions, essentiellement en Majorquin, qu’on eut ce trio estampillé Made in Mallorca. Du placement en passant par l’accélération de la tête de raquette tout y est passé. « Nous formons une bonne équipe et je suis content de cela, déclare Rafael Nadal. Carlos et Toni se parlent beaucoup. Ils échangent énormément avec moi sur le court. Je suis heureux de la manière dont cela se passe.»

Dernière année avec Toni

Alors que tout semblait pour le mieux et que les rôles de chacun étaient bien définis, un entretien de Toni Nadal, accordé récemment au site Internet tennisitaliano.it a légèrement changé la donne. «Dès la saison prochaine, je ne suivrai plus Rafael sur le circuit. Je vais me consacrer exclusivement à notre académie (la Rafa Nadal Academy à Manacor). Je veux m’occuper de la formation de jeunes talents. La relation avec mon neveu est toujours très importante, et durant toutes ces années, nous n’avons jamais connu de crise. Jusqu’à ses 17 ans, je décidais de tout. Et puis, Carlos Costa est arrivé en tant que manager, son père s’est rapproché, chacun avec ses opinions. La vérité, c’est qu’année après année je décide de moins en moins, jusqu’au point où je ne décide de rien. J’ai accompagné « Rafa » pendant tant d’années, maintenant je veux prendre du recul et m’occuper des jeunes. Notre académie est l’endroit parfait pour cela » a déclaré Tonton Toni. Une « confession » qui a rendu incrédule la plupart des observateurs de la planète tennis, tant par son caractère inattendu qu’improbable. Mardi, lors d’un entretien téléphonique à l’AFP, Toni Nadal a officialisé cet arrêt à venir. « La décision vient de moi, j’ai l’âge que j’ai.Toute ma vie, mon intérêt a été que les choses se passent bien pour Rafael. Les choses sont allées suffisamment bien en ce début d’année, l’incorporation de Carlos (Moya) a été une grande réussite et il me semble que Rafael est suffisamment bien entouré. Il a été un peu surpris au début mais je lui ai bien expliqué les choses. Rafael a toujours pris les choses très bien. Ce n’est pas un garçon problématique». Après avoir déclaré forfait pour le 1er tour de la Coupe Davis et pour le tournoi de Rotterdam, Rafael Nadal, qui n’a pas encore commenté le choix de son oncle, devrait être de retour sur le circuit à l’occasion du tournoi d’Acapulco. Là-bas, il est prévu qu’il retrouve son troisième entraîneur, Francis Roig, qui devrait également superviser ses entraînements à Indian Wells. « Avoir trois entraîneurs c’est important pour moi, nous avait-il dit à Melbourne. Car chacun d’entre eux peut m’apporter des choses différentes. Ils me connaissent depuis que je suis enfant. J’ai confiance en eux et eux en confiance en moi. » Avant de voir s’éclipser celui qui l’accompagne depuis toujours, Rafael Nadal traversera donc 2017, côté court, avec son oncle Toni, Carlos Moya et avec Francis Roig, par intermittence. Une équipe qui s’efforcera d’éclairer, par les mots, le chemin de celui qui pour la confiance est synonyme de collectif.

Propos recueillis par E-A