Vu de l’extérieur (I/II)

Vu de l’extérieur (I/II)

21 novembre 2017 Non Par SoTennis

Du 24 au 26 novembre, l’équipe de France affrontera la Belgique en finale de la Coupe Davis, au stade Pierre-Mauroy. Alors que l’on connaît « tout » ce qui se passe de l’intérieur, comment la presse belge parle-t-elle de notre très chère équipe de France de Coupe Davis ? Quelle place occupe cette compétition en Belgique ? Nous avons posé ces questions, et bien d’autres encore, à Yves Simon, journaliste belge à Sudpresse, qui nous apporte son éclairage, vu de l’extérieur.

©SoTennis

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Quelle place occupe la Coupe Davis, en Belgique ?
La Coupe Davis est très importante en Belgique. Surtout avec les résultats que l’équipe actuelle obtient depuis quelques années. Je suis le tennis en tant que journaliste depuis 20 ans. C’est assez bizarre à dire, mais depuis que je la suis cette équipe Belge de Coupe Davis, elle n’arrête pas de faire des exploits. Déjà, en 1997, la Belgique avait battu l’équipe de Yannick Noah, qui était la tenante du titre, c’était un exploit. Il y a déjà tout un historique qui date d’une vingtaine d’années, avec des hauts et des bas, pour un pays qui est petit sur le plan de la superficie, des moyens… Mais c’est un pays qui est toujours friand d’exploits. Ici, nous aimons bien ce côté David contre Goliath. La Coupe Davis est une épreuve bien calibrée pour ces exploits. Christophe Van Garsse est un exemple qui illustre bien tout cela. Ce joueur belge, qui n’est pas, malgré son souhait, parvenu à intégrer le Top 100, a durant les années 1990 été un « monstre » en Coupe Davis. Il arrivait à battre des joueurs incroyables. La Belgique vibre au rythme des exploits, des surprises que cette compétition procure.

L’équipe Belge de Coupe Davis s’est qualifiée le 17 septembre dernier pour sa deuxième finale en l’espace de deux ans. Comment peut-on l’expliquer ?
La première finale est arrivée, il faut le reconnaître, avec des aléas favorables. Avec beaucoup de joueurs absents ou blessés dans les équipes sur le parcours des Belges. La Belgique a aussi forcé sa chance, notamment lors du premier tour (de la campagne 2015) où les Suisses étaient venus sans Federer et Wawrinka. Sur le papier, ils devaient gagner les doigts dans le nez. Finalement, David Goffin avait été malade toute cette semaine-là, Steve Darcis s’était fait prendre les deux points, le double avait été gagné par le petit trou de la porte et finalement Goffin avait remporté le dernier match. C’est typiquement un scénario Coupe Davis. Par la suite, le Canada était venu sans Raonic, les Belges avaient battu l’Argentine (gagnante en 2016), une nation forte en Coupe Davis, pour s’incliner en finale face à la Grande-Bretagne. Je dois bien vous avouer que je pensais que je ne revirai jamais un moment pareil. Mais en 2017 un nouveau parcours fabuleux, notamment en Allemagne, sans Goffin, leur permet d’être en finale. J’aime bien rappeler la phrase de Johan Van Herck, le capitaine belge, qui avait dit au soir de la défaite en finale de 2015 : « Nous sommes tombés contre plus fort que nous. Cela ne veut pas dire que l’on n’avait pas notre place. Cela ne veut pas dire non plus qu’on l’aura plus ». Deux ans plus tard, son équipe est encore en finale. Je pense qu’il pensait ce qu’il disait, mais quand même… Il a réussi à créer une réelle équipe de Coupe Davis avec de bons joueurs et des joueurs qui se transcendent pendant cette épreuve, avec toute une ossature autour d’eux.

Steve Darcis a notamment comme surnom Mister Coupe Davis. Selon vous, d’où vient-il ce surnom ?

Cela vient surtout du fait qu’il a souvent apporté le point décisif. Il est parvenu, jusqu’à présent, à le faire quatre fois lorsqu’il y avait 1-2 pour son équipe. Il a souvent fait dans des circonstances assez dramatiques comme en septembre dernier face à l’Australie, alors que la Belgique était menée 2-1. J’avais titré lors de cette rencontre que nous avions deux Mister Coupe Davis. Car pour arriver à 2-2, David Goffin avait fait un sacré boulot en battant Nick Kyrgios. Pour revenir à Steve Darcis, c’est Mister Coupe Davis aussi par la communion qu’il arrive à avoir avec le public. C’est quelqu’un de très extraverti. Il arrive à prendre l’énergie du public pour s’en servir sur le terrain. Ce surnom est mérité. Quand tout va bien pour lui, physiquement ou tennistiquement, c’est un joueur qui n’est jamais battu à l’avance.

L’équipe de France de Coupe Davis a choisi de disputer cette finale contre la Belgique au stade Pierre-Mauroy. Finalement, les joueurs et les supporters seront quasiment à domicile…

Oui et non. Avec la règle des 10% de billets pour l’équipe qui se déplace, la déception est très grande en Belgique, de ne pas pouvoir avoir plus de billets. Mais ce fut la même règle lors de la finale de 2015, à Gand, lorsque la Belgique avait reçu la Grande-Bretagne. Malgré cette proximité géographique, les Belges ne joueront pas à domicile. Les Français seront largement majoritaires dans les tribunes, ce qui va mettre beaucoup d’ambiance pour ce « derby ». Ce sera avant tout la fête du sport. Les joueurs se connaissent très bien et je pense que le public belge apprécie les joueurs français. Dans ce sens, ce sera sympathique d’assister à une finale entre deux voisins ; dans ce stade, où pour l’anecdote, lors de l’euro 2016 de football, l’équipe belge s’était inclinée face au Pays de Galles. Le choix du stade Pierre-Mauroy convient aussi et surtout à l’équipe de France, qui a sans doute trouvé le lieu parfait pour cette finale, que ce soit pour se préparer et pour jouer.

« Vu d’ici, on se dit « comment cela se fait qu’ils ne soient jamais arrivés à aller jusqu’au bout » »

La surface retenue pour cette finale est le Rebound Ace. Qu’en pensez-vous ?

Je comprends ce choix, mais je ne pense pas qu’il soit super déterminant. C’est vrai que les Belges choisissent souvent la terre battue comme surface pour recevoir leurs adversaires. C’est plutôt dans l’optique de les « ennuyer », comme en septembre dernier face à l’Australie. Les joueurs belges jouent aussi très bien sur surface rapide, la preuve David Goffin a remporté deux tournois de suite sur cette surface en octobre dernier, et sortira du Masters, où la surface sera aussi sur dur. Quant à Steve Darcis, il reste sur une victoire sur dur contre Careno Busta. Je pense que le choix de cette surface ne va pas embêter l’équipe belge qui dispose de joueurs qui savent jouer sur quasiment toutes les surfaces. Ce Rebound Ace, c’est surtout un bon choix pour l’équipe de France.

Concernant cette équipe de France de Coupe Davis, vu de l’extérieur, comment est-elle perçue ?

Il y a toujours un étonnement de voir l’énorme potentiel de cette équipe-là et, de temps en temps, le peu de résultats à très très haut niveau qu’il y a. Lorsque David Goffin réalise un quart de finale en Grand Chelem, la Belgique est « contente ». Lorsqu’on a une génération avec Tsonga, Gasquet, Monfils pour ne parler que d’eux, on s’étonne de ne pas voir l’un d’entre eux ne pas avoir gagné un titre du Grand Chelem. Vu d’ici, on se dit « comment cela se fait qu’ils ne soient jamais arrivés à aller jusqu’au bout ». En même temps, en Coupe Davis, la vraie force de cette équipe de France est sa profondeur de banc. C’est un vrai luxe. Ce n’est pas la même chose côté belge qui tient avec David Goffin et Steve Darcis. Le gros danger de cette finale, c’est à espérer que les meilleurs soient là pour la jouer et que personne ne se blesse.

Le point du double est très important. Les Belges ont-ils les moyens de remporter ce point-là face aux Frenchies ?
Ce point du double est très souvent considéré comme très important, peut être sauf en Belgique (rires). Nous savons bien que ce point, n’est pas notre point fort. Je pense que nous n’avons pas cette tradition du double en Belgique. Nous avons très peu de joueurs qui jouent cette discipline de manière régulière. Nous n’avons pas de spécialistes dévoués à cela. En Coupe Davis, Ruben Bemelmans et Joris De Loore, qui s’est fait récemment opérer du genou sera sans doute un peu juste pour cette finale, ont disputé le double. Cette année, ils ont battu notamment les frères Zverev, chez eux. C’était un double qui commençait à trouver ses marques, à jouer ensemble sur le circuit lorsque c’était possible. En comparaison a la tradition du double que vous avez en France, et aux joueurs que vous avez… Il va falloir un petit miracle. Mais la Coupe Davis est propice aux miracles. Les Belges n’auront certainement rien à perdre.

Propos recueillis par E-A. Entretien réalisé le 5 octobre 2017.