Alizé Cornet : «Pourquoi pas moi finalement ?»

Alizé Cornet : «Pourquoi pas moi finalement ?»

24 janvier 2022 Non Par SoTennis

Alizé Cornet s’est qualifiée pour les quarts de finale à l’Open d’Australie, ses premiers en Grand Chelem. Lundi, la Niçoise a battu Simona Halep en trois sets (6-4, 3-6, 6-4). Fixée sur le moment présent, l’actuelle n°61 mondiale pense néanmoins à regarder un peu plus loin.

Après 63 tournois du Grand Chelem, vous êtes, pour la première fois de votre carrière, en quart de finale. Comment avez-vous maintenu cette détermination, ce désir et cette conviction que vous pouviez le faire ?

Je pense que c’est quand on s’y attend le moins et bien cela arrive. J’ai juste continué à travailler durant toutes ces années, en essayant de trouver du plaisir à jouer au tennis, et je me suis juste dit que si ça devait arriver, alors ça arriverait. Peut-être le laisser entre les mains du destin, je ne sais pas. Mais ce que je sais, c’est que j’aime toujours autant le tennis, comme je l’ai dit les jours précédents. C’est ce qui m’aide à continuer à jouer, et je pense que la détermination, c’est pourquoi je suis comme ça. Chaque fois que je fais quelque chose, je suis prête à faire de mon mieux, et oui, c’est moi.

Quand quelque chose est un objectif depuis si longtemps, vous pouvez en quelque sorte le construire dans votre esprit. Le fait d’atteindre les quarts de finale d’un Grand Chelem, vous sentez-vous aussi bien que vous l’espériez ?

Oh, oui (sourire). Ça fait du bien. Je n’arrêtais pas de pleurer après mon match quand j’ai réalisé après la balle de match que j’avais réussi. J’étais très émue. Je ne savais pas que ce serait si bon. Je veux vraiment profiter de ce moment, car je l’attendais depuis très, très longtemps.

De quoi êtes-vous le plus fière sur ce match face à Simona Halep ?

Je suis très fière de ne pas avoir lâché, quand je sentais que ça m’échappait. Je suis très fière de ça, parce que c’est vrai que j’ai eu un gros coup de barre à partir du moment où je n’ai pas fait ma balle de 4-1 (dans le deuxième set), avec des pensées aussi qui me trottaient dans la tête. Mais finalement, je suis restée dans le combat, j’ai aussi accepté le fait qu’elle joue mieux et j’ai essayé de repartir “comme en quarante” dans le troisième, en étant changée. Je m’étais un petit peu rafraichie, ça m’avait fait du bien. Les conditions étaient très difficiles, c’était extrêmement chaud et elle aussi était au plus mal et pourtant, physiquement, c’est un exemple. Mentalement aussi, même sans avoir joué mon meilleur tennis, car parfois c’était un peu tendu des deux côtés, c’était presque de la survie plus que tout, mais je suis restée dans le match. Je n’ai pas lâché, je lui ai montré qu’elle allait passer un sale quart d’heure, enfin plus qu’un quart d’heure (sourire) ! .

Vous avez appelé ce match un drame. La plupart des gens aiment vous associer au “drama”, à des moments dramatiques lors de vos matches. Aimez-vous ça ?

C’est qui je suis. Je veux dire, je ne peux pas cacher ma vraie nature. Si je suis une reine du drame pour les gens, alors je le suis (souriant). Ce que je sais, c’est que je donne tout ce que j’ai sur le terrain. Je pense que c’est pour ça parfois qu’il y a du drame, parce que quand tu joues contre une joueuse comme Halep qui fait la même chose que toi, c’est-à-dire ne pas lâcher un seul point, se battre, cela fait du drame par définition. C’est qui je suis. Je ne peux rien dire d’autres, mais je pense que les gens veulent voir la vérité sur le terrain et l’honnêteté. Je pense que c’est ce que je suis. Il y a donc parfois du bon et du mauvais côté. En ce moment, c’est plutôt du bon côté.

Auriez-vous préféré jouer votre match sous le toit fermé (les conditions météorologiques étaient particulièrement chaudes et humides) ? Pensez-vous que les joueurs devraient pouvoir jouer sous le toit fermé ?

C’est une bonne question. Je n’y ai même pas pensé, car pour moi, le toit sert quand il pleut, pas quand il fait 35 degrés. C’est possible, car c’est très, très difficile de jouer dans ces conditions. Ce n’est pas dangereux pour notre santé, mais ça pourrait l’être, vous savez. C’est tellement extrême. Mais nous avons joué juste selon les règles. Si c’est ouvert, alors nous devons juste souffrir et faire de notre mieux, et c’est la même chose pour tout le monde.

Au prochain tour votre adversaire et Danielle Collins. Que savez-vous d’elle ? Comment abordez-vous ce match ?

C’est la première fois que nous allons joué l’une contre l’autre. Eh bien, cela pourrait être un peu dramatique, ce match à coup sûr. Je veux dire, je vois comment elle est sur le terrain. Elle est comme une lionne. Oh, mon Dieu, elle m’impressionne un peu, parce qu’elle joue avec intensité, moi aussi, mais je pense qu’elle est intense au niveau suivant. Elle frappe si fort. Cela va être un bon match. Je suis vraiment contente de jouer contre ce genre de joueuse.

Les organisateurs du tournois ont demandé à l’entrée du stade à des spectateurs d’enlever des t-shirts et confisqués des banderoles de soutien à Peng Shuai. Que pensez-vous de la situation ?

Je ne sais pas trop quoi penser de ça, parce que je ne connais pas les détails de l’histoire (ndlr: le règlement intérieur du tournoi interdit ce genre de manifestation politique.) J’ai été un peu surprise, pour être honnête. Mais je ne sais pas comment ça se passe, et je ne veux pas juger une situation que je ne connais pas. Mais oui, quand j’ai entendu ça, j’ai été surprise. Je pense que tout le monde devrait pouvoir manifester son soutien à Peng Shuai.

Vous avez dit l’autre jour que ce pourrait être votre dernière saison. Pensez-vous que le fait d’avoir cela dans votre esprit vous a libéré d’une manière ou d’une autre ?

Qui sait ? C’est délicat avec le tennis. On ne sait jamais. Mentalement, tout est si fragile, vous savez. Ce que je sais, c’est que j’ai encore travaillé très dur lors de cette inter-saison. J’ai fait quelques changements dans ma structure. Ouais, je me suis dit que ça pourrait être ma dernière saison, c’est vrai. Je ne sais pas si ça aide, je ne sais pas si c’est juste le travail qui paie. Je ne sais pas. Quand je suis sur le court, je me sens bien. Je me sens bien en dehors du court. Je pense que vous pouvez voir la façon dont je joue et dont je me comporte, c’est juste une question de plaisir, de joie. Aujourd’hui, il n’y a pas eu tellement de joie, beaucoup de souffrance (sur le court), mais dans l’ensemble, je pense que je suis très positive et cela aide beaucoup. Après, depuis le début du tournoi, j’ai testé une technique : avant de dormir, tous les soirs, je me dis que je vais gagner le tournoi ! On est très potes avec Maxime Cressy et lui est vachement dans cette mentalité-là, où il est convaincu qu’il va gagner tous les tournois qu’il dispute ! Ça ne fait pas de mal de se faire un peu d’auto conviction positive. On est toujours en train de se poser des questions. Là, je me suis dit : “Pourquoi pas moi finalement ? Pourquoi ne pas aller au bout ?” Si je ne suis pas la première à y croire, personne n’y croira pour moi.

Lors de votre interview, d’après-match, sur le court, vous avez eu un bel échange avec Jelena Dokic (ancienne numéro mondiale)…

Ça avait du sens. Il y a 13 ans, quand j’ai eu ces deux balles de match contre Safina et que je n’ai pas atteint le quart de finale, elle m’attendait en quart de finale et j’étais censé jouer contre elle. Je ne sais pas pourquoi quand j’ai gagné aujourd’hui, j’ai eu une pensée pour elle, car c’est un match que je ne pourrais jamais jouer et nous n’avons jamais joué l’une contre l’autre après ça. Je la suivais, quand elle a publié son livre, et je suivais son histoire. Maintenant, je peux voir comment elle commente et comment elle bien. Je pense qu’elle est géniale. Je voulais juste partager ce moment avec elle, parce que tout avait un sens à ce moment-là.


Propos recueillis par E-A