Arthur Ashe, le regard de la dignité

Arthur Ashe, le regard de la dignité

22 août 2018 Non Par SoTennis

En 1968, Arthur Ashe remporte la première édition de l’US Open professionnel. Par son palmarès et par sa lutte contre la ségrégation raciale, à la fois aux Etats Unis et en Afrique du Sud, l’Américain a marqué son époque, au-delà des courts de tennis.

Premier noir américain à décrocher un tournoi du Grand Chelem, Arthur Robert Ashe Jr, est né le 10 juillet 1943 à Richmond. À l’âge de 7 ans, sa mère meurt durant une opération. Contraint d’élever seul son fils, son père connaît par la suite des moments difficiles. C’est lui qui lui apprend les rudiments du tennis, au Brookfiel Park (Richmond) et se fait remarquer en 1953 par l’entraîneur Ronald Charity, qui l’inscrit à un stage d’été à Lynchburg, chez le célèbre préparateur, Walter Johnson. Avec le temps, celui-ci deviendra le confident, et le mentor d’Arthur Ashe. En raison des lois de ségrégation raciale en vigueur à Richmond pendant son enfance et au début de son adolescence, Ashe ne peut prendre part aux tournois juniors classiques. En 1957, à l’âge de 14 ans, il devient le premier Américain de couleur à s’aligner dans le championnat du Maryland, sa première épreuve multiraciale. Fatigué par les longs voyages qu’il doit effectuer pour pouvoir affronter des joueurs blancs, Arthur Ashe accepte une proposition d’hébergement chez un dirigeant du tennis américain, à St Louis. Il en profite pour terminer ses études secondaires et obtenir un diplôme de gestion. En août 1963, il est le premier joueur de couleur à intégrer l’équipe américaine de Coupe Davis. Il y joue de 1963 à 1970, puis en 1975, 1976 et 1978. Talentueux et appliqué, il grimpe rapidement au classement, en devenant en 1968 le n°1 américain. Cette année-là, il réalise un record qui ne pourra être égalé, puisqu’il s’adjuge à la fois le championnat amateur des Etats-Unis et la première édition de l’US Open professionnel.

Au-delà des courts

À cette époque, Arthur Ashe est lieutenant de l’armée américaine. S’il veut conserver son éligibilité en équipe de Coupe Davis et éviter de s’acquitter de ses obligations militaires, il doit demeurer amateur. C’est ainsi qu’il remporte le championnat amateur des Etats-Unis à Boston, en triomphant en cinq sets, contre son ami Bob Lutz. C’est à ce moment que les autorités fédérales prennent la décision de faire du traditionnel championnat amateur de Forest Hills une épreuve professionnelle, plus précisément l’US Open. Malgré son statut d’amateur, Ashe se retrouve en demi-finale contre le professionnel néerlandais Tom Okker, qu’il bat en cinq sets. En guise de dédommagement, il reçoit 28 dollars par jour, tandis que son adversaire, dernier professionnel en lice, se voit remettre un chèque de 14 000 dollars. C’est entre autres à l’initiative d’Arthur Ashe que les joueurs créent l’ATP (Assocication of Tennis Professionals), ce qui leur permet d’unifier leur voix pour la première fois dans l’histoire du jeu. Il en sera en 1974 le président. En 1970, Arthur Ashe se voit refuser un visa par les autorités sud-africaines, ce qui l’empêche de participer à l’Open d’Afrique du Sud. Il profite de l’opportunité pour faire connaître la politique de l’apartheid et demande que l’Afrique du Sud soit exclue du circuit professionnel et boycottée par les joueurs. En janvier de cette même année, Ashe surclasse Dick Crealy et remporte l’Open d’Australie son deuxième titre du grand chelem. Embarrassé par la publicité faite autour de l’affaire du visa, le gouvernement sud-africain l’accueille dans son pays dès 1973. Arthur Ashe devient ainsi le premier professionnel noir à prendre part au championnat national sud-africain.

Le déclin

En 1975, quelques jours après ses 32 ans, il bat Jimmy Connors 6-1, 6-1, 5-7, 6-4 à Wimbledon, dans l’une des finales les plus mémorables de l’histoire. Tout en variations de rythme et en accélérations, la tête de série n°6 crée la surprise face à Jimbo. L’année suivante, il atteint le meilleur classement de sa carrière, la deuxième place mondiale. Deux ans plus tard Arthur Ashe épouse la photographe Jeanne Moutoussamy dans la chapelle des Nations unies à New-York. La cérémonie est présidée par Andrew Young, ambassadeur américain aux Nations unies. En décembre 1986, le couple accueille leur premier, et unique, enfant, une fille, Caméra. Après une année 1979 en demi-teinte, Ashe est victime d’une crise cardiaque alors qu’il participe à un stage à New-York. Hospitalisé pendant 10 jours, il subit en juillet de cette même année un quadruple pontage. C’est contraint et forcé qu’il abandonne le tennis professionnel en Avril 1980. Mais les problèmes de santé ne l’éloignent pas définitivement du tennis, puisqu’en 1980, il prend les rênes de l’équipe américaine de Coupe Davis, avec qui il remporte le Saladier d’argent en 1981 et 1982.

Dernier souffle

Il préside par ailleurs l’association American Heart Association, qui sensibilise les Américains aux maladies cardiaques. En raison de soucis récurrents au cœur, Ashe se fait opérer en 1983 pour un double pontage, une intervention qui nécessite une transfusion sanguine. Le remède va s’avérer pire que la maladie… En mars 1988, Arthur Ashe se fait hospitaliser pour un engourdissement de sa main droite. Les premiers examens révèlent une toxoplasmose, une infection bactérienne dont souffrent habituellement les personnes touchées par le VIH. Avec sa femme, ils décident de ne pas divulguer cette information. Ils le font finalement en 1992, cédant aux pressions d’un journal qui menace de rendre publique sa maladie. Arthur Ashe consacre la dernière année de sa vie à la défense des malades du sida. Deux mois avant sa mort, il fonde le Arthur Ashe Institute for Urban Health, dont la mission consiste à trouver des solutions aux problèmes d’inadéquation des traitements. En décembre 1992, à l’occasion de la journée mondiale du sida, Ashe prononce un discours devant l’Assemblée générale des Nations unies, où il exhorte les délégués à débloquer des fonds pour la recherche, et faire connaître la maladie et ses effets. Il s’éteint le 6 février 1993, à l’âge de 49 ans, laissant derrière lui son épouse Jeanne, et sa fille de six ans Camera. Ses funérailles attirent plus de 6 000 personnes, dont le maire de New-York, et le gouverneur de Virginie. Une statue est érigée en sa mémoire à Richmond, représentant le champion avec des livres sous un bras et une raquette dans l’autre. Celui qui a repéré Yannick Noah en 1971, a fait par son engagement et ses prises de position avancer les mentalités et les mœurs, bien au-delà des courts de tennis. Sa vie, son intelligence, sa discrétion et son courage à toute épreuve, ont fait de lui l’un des joueurs les plus marquants de tous les temps.