Gilbert Ysern: “Notre détermination reste entière”

8 novembre 2013 Non Par SoTennis


Gilbert Ysern est un homme passionné. Le Directeur général de la Fédération Française de Tennis et du tournoi de Roland Garros, évoque pour So Tennis, les différents chantiers prioritaires de la FFT, dont notamment la modernisation et l’extension du stade situé Porte d’Auteuil, et de ses droits tv.



 

M YSERN en cette fin d’année quel bilan tirez-vous de cette saison pour nos joueurs Français ?
L’année 2013 est globalement une bonne année, même si on a toujours envie de faire plus et mieux. Nous avons eu le bonheur d’avoir une victoire en Grand Chelem, celle de Marion Bartoli à Wimbledon, une victoire « inattendue ». C’est une victoire pour la Fédération Française de Tennis, qui a été d’autant plus valorisée, que sa victoire a été suivie quelques mois plus tôt d’un retour dans le giron fédéral et en Fed Cup, où elle avait contribué au maintien de l’équipe de France dans le groupe mondial. Côté féminin, c’est un peu l’arbre qui cache la forêt, même si Alizé Cornet est de retour dans le top 30, puis Kristina Mladenovic qui est parmi les 50 meilleures joueuses du monde et Caroline Garcia qui a intégré le top 100. Côté masculin il n’y a pas eu de titre en Grand Chelem et en Masters 1000. Mais c’est malgré tout une belle saison, comme pas mal d’années, avec un beau tire groupé avec deux 1/2 finales en Grand Chelem (Jo-Wilfried Tsonga à Roland Garros et Richard Gasquet à l’US Open). Nous allons finir l’année avec 7 joueurs Français dans le top 50, cela démontre bien la qualité de notre tennis masculin. Même si il manque toujours LE grand titre.

 

En juillet dernier vous avez assisté à Londres au sacre de Marion Bartoli, avez-vous été surpris par l’annonce de sa retraite ?

Oui, cette annonce a pris tout le monde par surprise, car évidement ont peut penser qu’après un titre en Grand Chelem le champion où la championne qui vient de gagner, peut surfer sur ce succès. Dans notre esprit Marion avait encore beaucoup à apporter au tennis Français et à l’équipe de Fed Cup , car elle travaillait avec l’équipe fédérale et préparait sa fin de saison. Nous n’avions vraiment pas imaginé cela. C’est dommage, car elle avait beaucoup à apporter. Elle avait encore quelques années devant elle pour faire partie des meilleures joueuses du monde . Mais c’est sa décision et il faut la respecter, il faut surtout je crois saluer ce sacre à Wimbledon, qui vient consacrer une carrière assise sur des valeurs de travail de persévérance et de courage.

“Nous sommes très attachés à la diffusion en clair, c’est dans l’ADN du tournoi”

L’appel d’offres concernant les droits tv de la diffusion du tournoi de Roland Garros pour la période 2014-208 ne vous a pas donné satisfaction, où en êtes vous aujourd’hui dans vos discussions de gré à gré avec les diffuseurs ?

Effectivement nous avons été déçus de ce premier « tour de table », nous sommes en train d’essayer de comprendre pourquoi un tel résultat. Nous savons qu’il y a eu un climat qui a été crée autour de notre appel d’offres, qui visait clairement la FFT à rester dans le giron de France Télévisions, avec un certain nombre de déclarations que nous avons pu voir ici où là, sur le thème de conserver ce diffuseur. Nous sommes très attachés à la diffusion en clair, c’est dans l’ADN du tournoi, qui à toujours été diffusé en clair, et il est vrai que le partenariat avec France télévisions a contribué à la montée en puissance de ce rendez-vous en France. Bien évidemment continuer à avoir une diffusion en clair nous intéresse. La question aujourd’hui est de savoir si les diffuseurs en clair veulent de Roland Garros. Pour des raisons qui leur appartient TF1 et M6 ne se sont pas manifestés, aujourd’hui France Télévisions connaît semble t-il quelques difficultés budgétaires, mais notre tournoi à une valeur, reste à savoir si ce diffuseur est prêt à payer cette valeur. Sinon il faudra de notre côté jouer d’autres cartes.

A l’heure où je vous parle on ne sait pas encore ce que sera la diffusion du tournoi l’année prochaine et dans les années à venir. Nous souhaitons garder toutes les options ouvertes, tant que nous n’avons pas trouvé les conditions qui puissent concilier une diffusion de qualité mais aussi une juste valorisation de nos droits. Je pense que c’est l’occasion de rappeler que Roland Garros appartient à la Fédération Française de Tennis et que toutes les ressources dégagées par ce tournoi sont intégralement reversées au tennis Français, pour sa promotion et son développement. Donc aujourd’hui c’est sans honte que nous affichons notre volonté d’une revalorisation de nos droits, nous ne pouvons les brader, car ce serait l’ensemble du tennis Français qui en serait victime.

En 2012 le chiffre d’affaires du tournoi de Roland Garros s’élevait à plus de 160M€, comment ce montant est-il utilisé pour le tennis Français ?

Les 2/3 tiers des recettes nets dégagées (soit près de 50M€) par le tournoi de Roland Garros sont réinjectées dans le tennis Français sous différentes formes. Elles le sont à travers toutes les structures décentralisées, qui au passage créent beaucoup d’emplois (plus de 1000 emplois à l’année au sein de la FFT) pas seulement au sein du siège de la Fédération, mais aussi dans toutes ses ligues et ses comités départementaux. Ce montant revient également aux clubs, pour un certain nombre d’actions dont ils sont directement bénéficiaires, autant en matière d’équipement et de compétition. Une partie est aussi investie à travers la direction technique nationale pour la formation des joueurs.

Depuis 2011 le projet de modernisation et d’extension du Stade Roland Garros a connu plusieurs rebondissements, aujourd’hui où en est-on ?

C’est une course d’obstacles. Nous en avons déjà franchi un certain nombre avec succès, et avec quelques déconvenues.
Nous avons aujourd’hui déposé un ensemble de permis de construire, cela veut dire que le projet arrive à maturité, nous savons exactement ce que nous allons construire de manière très précise.
Nous avons subi en début d’année un revers devant le tribunal administratif de Paris qui avait annulé la convention qui nous lie à la mairie de Paris, qui fait de nous les locataires de ce site. Il y a quelques semaines, avec satisfaction et soulagement, une décision de la cour administrative d’appel nous a été favorable. Puisque le tribunal administratif avait jugé en début d’année, que la partie de notre projet qui consiste à construire un court dans le jardin des serres d’Auteuil, n’était pas envisageable parce que ce terrain là n’était pas constructible. La court administrative d’appel de Paris vient d’affirmer le contraire. C’est pour nous un moment très important, car c’est un peu l’acte de naissance de notre projet qui a été rétabli, puisqu’elle a confirmé que nous pouvons tout a fait envisager d’aller construire ce court dans le jardin des serres qui est un élément essentiel au projet. Encore une fois nous avons la nécessité d’un toit pour se protéger des intempéries et organiser des sessions de soirée, c’est la partie qui vise à couvrir le court Philippe Chatrier avec une partie amovible. Puis l’autre partie qui elle consiste à une extension territoriale, qui vise à construire un court de l’autre côté de l’avenue Gordon Bennett.

“Notre objectif n’est pas de faire de la démesure, nous ne sommes pas des promoteurs immobiliers”

Aujourd’hui avec le recul, quand vous avez lancé ce projet, vous vous attendiez à ce qu’il y ait autant d’obstacles ?

Oui et non. Il faut le dire ,lorsqu’on a décidé de rester à cet endroit qui est en plein cœur de Paris, qui est sur un site particulièrement sensible en lisière du bois de Boulogne qui est un espace boisé classé, avec le jardin des serres d’Auteuil… ont se doutait bien que ça n’allait pas être un long fleuve tranquille, et que l’ont serait confrontés à un certain nombre de difficultés. Je dirais la surprise relève plus de l’approche d’un acharnement de certains de nos adversaires, qui reconnaissent eux même qu’ils sont dans un combat idéologique contre notre projet. Mais je ne suis pas inquiet, car nous sommes très déterminés, car nous savons que cette modernisation de notre stade et une question quasiment de vie où de mort pour notre tournoi. Notre objectif n’est pas de faire de la démesure, nous ne sommes pas des promoteurs immobiliers.
Notre principale préoccupation reste le tournoi, nous avons un événement qui fait la force et la richesse du tennis Français. Aujourd’hui l’exiguïté du site, une certaine vétusté de nos installations, font que le tournoi est confronté à certaines limites. Nous souhaitons continuer à jouer dans la cour des grands, si ont ne veux pas être dépassés pas des tournois, qui rêve de le faire, il faut vraiment que nous puissions réussir ce projet de modernisation. Notre détermination est entière.

L’Open D’Australie, Wimbledon, L’US Open continuent d’améliorer leur infrastructures avec des projets toujours plus modernes, ces améliorations vous inquiètent-elles ?

Non, car c’est bon pour le tennis. Évidemment notre Fédération a besoin que le tennis soit fort dans le monde. D’avoir les autres Majeurs qui grandissent, qui se développent et connaissent un succès de plus en plus important en matière de fréquentation, d’audiences tv, de satisfaction des joueurs, tout cela c’est bien pour le tennis donc pour nous. Mais ce constat peut nous inquiéter aussi, car évidement c’est formidable que le tennis se développe à condition de rester dans le peloton de tête. Aujourd’hui nous avons la chance avec ce statut de Grand Chelem de faire partie des quatre plus grands tournois du monde. Mais il ne faut pas être distancé par les 3 autres. Que ce soit en termes d’infrastructures et de moyen financier. C’est pour cela notamment que nous souhaitons une revalorisation de nos droits tv, nous sommes malgré tout, en concurrence avec les autres Majeurs.

Lors de la dernière édition de Roland Garros vous avez annoncé une augmentation de la dotation (+ de 10M€ sur trois ans), mais vous restez malgré tout le Grand Chelem le moins bien doté. N’y a t-il pas de la part des autres Majeurs une course à l’échalote concernant ces dotations ?

Oui c’est certain. Pour être un peu trivial, les quatre tournois du Grand Chelem se tirent un peu la bourre pour être le meilleur, le plus apprécié des joueurs… Roland Garros est par exemple le plus largement diffusé en clair dans le monde. Nous sommes aujourd’hui avec peut être l’Open D’Australie le grand Chelem qui a un peu moins de moyen, en comparaison de Wimbledon et de l’US Open. En termes de dotation dans le « conflit » qui nous opposait aux joueurs, ses 15 où 18 derniers mois, nous sommes le tournoi qui s’est montré au bout du compte peut être un tout petit peu moins généreux que les autres. Mais les joueurs savent que nous avons une économie qui nous donne légèrement moins de moyen, que par exemple Wimbledon, qui est organisé par un club, et qui a moins à se préoccuper de l’avenir du tennis, comme nous le faisons pour notre territoire .

Dès l’année prochaine le Masters 1000 de Paris-Bercy ne sera de nouveau plus adossé au Masters de Londres, comment avez-vous reçu cette nouvelle ?

Pour nous c’est très important, cette semaine sera de nouveau rétablie, ceci n’est pas une invention. Sauf que l’an dernier, suite à la pression des joueurs qui souhaitaient obtenir une saison plus courte afin de mieux récupérer et mieux préparer la prochaine, l’ATP a souhaité raccourcir le calendrier pour rallonger cette période de repos. Immanquablement, l’ATP a choisi de supprimer la semaine de battement entre la fin du Bnp Paribas Masters, et le début du Masters de Londres. L’an dernier pour la première fois cette semaine a été supprimée, et nous avons eu des conséquences malheureuses, car certains des meilleurs ne sont pas venus, ou ont connu des défaites précoces. Mais comme souvent dans le sport rien n’est figé. Cette année nous avons connu exactement le contraire , avec la présence des huit joueurs qualifiés pour le Masters au stade des quarts de finale, avec des motivations bien différentes. Mais nous sommes très soulagés que l’ATP a réalisé, que ce calendrier n’était pas une bonne chose pour notre tournoi. Dès l’année prochaine nous reviendrons à une semaine de battement entre les deux derniers grands rendez-vous de la saison du circuit masculin, ce qui nous donne une chance supplémentaire de pouvoir compter sur les meilleurs joueurs mondiaux au Masters 1000 de Paris.-Bercy.

Enfin que peut-on souhaiter à la FFT et au tournoi de Roland Garros dans les mois à venir ?

Encore des grands et beaux champions. Il faut que nous ayons toujours de grands joueurs de tennis dans notre Fédération et dans notre pays. Nous en avons actuellement, et il faut que la relève arrive. C’est notre objectif prioritaire, car nous avons la responsabilité du succès de notre sport en France. Nous devons continuer à rester un sport majeur en termes de pratique dans nos clubs, nous avons la chance d’avoir un sport très structuré, avec plus de 8000 clubs et plus de 1 100 000 de licenciés. Il faut que notre sport continue à se développer, à être en bonne santé. C’est très important pour nous, c’est là où tout commence, nous allons d’ailleurs prochainement lancer une campagne de communication qui va dans ce sens « Tous nos champions sont nés dans un club » rien ne se ferait si nous n’avions pas à la base nos clubs, leur bonne santé est essentielle.

Propos recueillis par E-A