Herbert – Mahut, à l’heure des retrouvailles

Herbert – Mahut, à l’heure des retrouvailles

21 mai 2023 Non Par SoTennis

Près d’un an après leur dernier match ensemble, Pierre-Hugues Herbert et Nicolas Mahut se sont retrouvés à jouer ensemble à l’occasion de l’ATP Challenger 175 de Bordeaux. Avant d’enchaîner avec Roland-Garros, la paire aux cinq titres du Grand Chelem, évoque, avec authenticité, de longs mois compliqués et fait le point sur son avenir qui s’inscrit en pointillé.

Nicolas, avec Pierre-Hugues Herbert, vous vous êtes retrouvés à disputer à nouveau un double ensemble, onze mois après le dernier. Au-delà de vos expériences communes, après une si longue période sans jouer tous les deux, comment remet-on “la machine en marche” ?

Tout d’abord, c’était bien d’avoir ensemble une séance d’entraînement (ndlr: le 16 mai 2023) avant de reprendre la compétition (ndlr: à l’occasion de l’ATP Challenger 175 de Bordeaux où ils ont atteint les demi-finales). Les automatismes se retrouvent rapidement. C’est bien de se retrouver sur le terrain, de refaire des matches, de se retrouver en situation de points, de stress, même si l’on a une communication très fluide, il faut se retrouver en mode match, pour retrouver les repères.

Pierre-Hugues, vous n’aviez pas joué, en double, avec Nicolas depuis le 10 juin 2022, puis il y a eu cette grosse blessure au genou gauche à Ilkley. Tout d’abord, physiquement comment ça va ?

Je me bats. Cela a été dur. Le 17 juin 2022, j’ai eu cette grosse blessure (au genou), depuis cela a été très dur de revenir sur le circuit. J’ai eu pas mal de pépins, je n’ai pas réussi à enchaîner les semaines. Depuis le début de cette année, j’ai fait au max deux semaines de suite et j’ai dû jouer quatre tournois. Pour le moment je suis content d’être en tournoi je me sens bien et j’espère que je vais réussir à enchaîner les matches.

Avant votre premier match officiel, vous avez pu vous entraîner à nouveau avec Nicolas. Pour vous aussi, les automatismes sont vite revenus ?

Niveau automatismes, de mon côté, c’était le néant (sourire). Le but était surtout de passer du temps ensemble. C’était bien d’avoir ce tournoi pour préparer Roland-Garros, car ça aurait été nous lancer dans le grand bain sans avoir de repères. Même si disputer un tournoi, ce n’est pas des repères. C’est bien de passer du temps ensemble de se retrouver, car cela fait un an que je suis blessé que je n’ai pas eu cette occasion-là. À Bordeaux, c’était un peu un coup du sort d’avoir pu jouer ensemble (ndlr: défaite au 1er tour des qualifications à l’ATP Challenger 75 d’Oeiras), donc c’était cool.

Nicolas, depuis la blessure de Pierre-Hugues Herbert, vous avez dû souvent changer de partenaire de double. Comment avez-vous vécu cette forme de “nomadisme” ?

Depuis le début de l’année, je n’ai pas disputé deux tournois de suite avec le même partenaire. C’est assez inédit pour moi. Mais en même temps, cela a été très enrichissant, car j’ai joué avec tout type de joueur, avec d’autres entraîneurs, qui avaient des manières différentes de travailler… J’étais assez curieux et ce fut intéressant. Cela m’a permis aussi de m’adapter. Quelque part cela m’a apporté quelque chose de nouveau. Évidemment, sur le long terme, ce n’est pas quelque chose de viable et c’est difficile d’être performant. Depuis le début de l’année, j’ai disputé dix “super tie-breaks” et j’en ai perdu sept. C’est aussi par manque d’automatismes avec le partenaire. Avec moins de repères, c’est forcément plus difficile. Avec un partenaire plus régulier, je pense que peut-être les statistiques auraient été inversées. Mais je prends les choses du bon côté. Auparavant, cette situation de devoir chercher des partenaires, de ne pas jouer avec les mêmes partenaires, était pour moi stressante. Là, j’ai essayé de prendre les choses différemment, en mettant en avant le positif là où il était et je pense que cela m’a apporté.

Durant cette période-là, avez-vous appris des choses sur vous ?

Oui, car il y a eu des moments difficiles où j’avais enchaîné des séries avec peu de victoires, même si on avait eu avec Édouard (Roger-Vasselin) un bel automne. Cette saison, cela avait mal débuté, puis il y a eu la finale au Masters 1000 de Miami (ndlr: associé avec l’Américain Austin Krajicek défaite face à la paire Santiago Gonzalez Édouard Roger-Vasselin) . Avant cela, je me suis retrouvé à douter, à enchaîner les défaites. Un joueur, quelle que soit son expérience ou le niveau qu’il a eu, il a besoin de confiance. Lorsque j’enchaînais les défaites forcément, je me remettais en question. Et cette remise en question est d’autant plus grande lorsqu’on a 40 ou 41 ans. “Est-ce que je fais la saison de trop ?” C’est une question qui peut trotter dans la tête… Heureusement, par la suite, il y a eu des victoires. Le niveau est là aussi. Je vois bien que depuis la finale du Masters 1000 de Miami, mon niveau est plus élevé.

L’objectif est-il toujours de disputer les JO de Paris 2024 ?

Oui, cet objectif est toujours là. C’est aussi celui d’être compétitif et d’être qualifié et sélectionné. Tout cela commence après Roland-Garros. La qualification ne va pas être facile.

Avec Pierre-Hugues, en vue de cette qualification, quel est votre programme pour les prochaines semaines ?

Pierre-Hugues a un vrai objectif de revenir en simple, mais nous allons disputer ensemble Roland-Garros. Pour la saison sur gazon, je ne savais pas trop s’il allait jouer sur gazon. De mon côté, je vais jouer vraisemblablement au Queen’s avec Fabrice Martin et à Wimbledon avec Lloyd Glasspool. Ensuite, il va falloir en discuter ensemble pour cet été et voir si on peut disputer quelques tournois ensemble selon son calendrier et voir ce qu’il veut faire à l’US Open. Il va falloir se poser, parler. J’ai bien compris qu’il veut mettre l’accent sur le simple, cela sera alors plus compliqué, il faudra alors pour moi trouver quelqu’un pour me stabiliser, en tout cas pour la saison prochaine.

La course à la sélection pour les JO de Paris 2024 va commencer après Roland-Garros. Votre calendrier ne va-t-il pas s’articuler autour de cela ?

De mon côté, oui, ça c’est sûr. Avec Pierre-Hugues si on a pas les mêmes objectifs, il faudra que l’on se pose. Là, en milieu de saison, c’est difficile de trouver un partenaire fixe, car tout le monde est organisé. Dans ce cas, j’essaierais de finir cette saison du mieux que je peux. Pour l’année prochaine, dans ce cas de figure, il faudra que je me stabilise beaucoup plus, pour être plus performant.

Pierre-Hugues, est-ce toujours un objectif pour vous d’y être à ces JO de Paris 2024, avec Nicolas ?

C’est toujours l’objectif, mais j’en ai d’autres aussi en simple ! Aujourd’hui, je suis 397e joueur mondial en simple. Si je veux m’épanouir sur le circuit, il faut que ce classement soit plus élevé que cela et si je veux jouer les tournois avec Nico c’est pareil, car j’ai aussi ce classement en double (ndlr: au 21 mai, il occupe le 633e rang mondial). J’ai encore neuf tournois durant lesquels je vais pouvoir utiliser mon classement protégé. Tout cela c’est de la gestion. Ces JO sont bien loin, même si la course à la sélection va arriver après Roland. Pour le moment, mon objectif est surtout d’arriver à enchaîner les semaines, donc tout cela c’est très très loin.

Dans votre calendrier il y a le simple, mais quelle place comptez-vous donner au double ?

C’est assez compliqué, nous sommes un peu dans une impasse avec Nico. C’est vrai que lui, il a le double et il va essayer de se qualifier pour le double, moi aussi j’ai envie de jouer les JO, mais je ne veux pas sacrifier une année de carrière, surtout à l’âge que j’ai (ndlr: 32 ans). On va dire qu’il y a encore deux trois années où je peux être performant en simple et je n’ai pas envie de passer à côté. C’est notre problématique avec Nico. Déjà, on va voir comment cela se passe après Roland-Garros.

Comment s’est passée cette période, loin des courts pour cause de blessure ?

Je ne dis pas que cela a été simple, mais j’ai la chance d’avoir une famille, une femme, désormais deux enfants. J’ai été père au foyer, j’ai continué à m’entraîner dans l’ombre et j’espère que cette fois-ci c’est la bonne et que je vais pouvoir repartir et enchaîner les semaines.

Vous sentez-vous pleinement un joueur de tennis professionnel ?

Pas encore. Tant que je ne serai pas parvenu à enchaîner deux trois tournois, un mois, deux mois de compétition, ce sera difficile. Mais oui, je suis toujours un joueur de tennis professionnel. C’est dingue, car pendant près de quinze ans, j’ai réussi à voyager, à éviter les blessures au maximum, et là cela fait une année que je n’y arrive pas…

Propos recueillis par E-A