Le tennis à l’heure saoudienne
16 octobre 2024Le « Six Kings Slam » débarque dans le monde des exhibitions avec sa dotation stratosphérique et la volonté de marquer les esprits. Organisé par l’Arabie Saoudite, cet événement, où Djokovic, Nadal, Alcaraz, Sinner, Medvedev et Rune sont les participants, est pour le royaume un moyen supplémentaire de montrer son intérêt grandissant pour le tennis et son intention de jouer un rôle majeur dans ses institutions.
À Riyad, la capitale de l’Arabie Saoudite, l’heure est venue d’accueillir le “Six Kings Slam” (du 16 au 19 octobre 2024). Après avoir affolé la toile tant sa bande-annonce était digne d’un blockbuster, le tournoi des rois du Grand Chelem, où Novak Djokovic, Rafael Nadal, Carlos Alcaraz, Jannik Sinner, Daniil Medvedev et Holger Rune, qui n’a, à ce jour, jamais gagné de Majeur, sont les participants de cette exhibition sans intérêt sportif mais très lucrative. Le vainqueur empochera 6 millions de dollars (environ 5,5 millions d’euros) et pour ceux éliminés dès leur entrée en lice, 1,5 million de dollars (environ 1,3 million d’euros) leur est garanti. Un moyen pour le royaume de poursuivre son implantation dans le monde du tennis. Le 15 janvier 2024, la Fédération saoudienne de tennis avait fait savoir que Rafael Nadal allait devenir son ambassadeur. L’Espagnol assurera la “promotion du tennis” en Arabie saoudite et a annoncé qu’il y ouvrira un siège de son académie. Après « un partenariat stratégique » avec le circuit masculin ATP annoncé en février 2024, dont le classement se nomme officiellement aujourd’hui le “PIF (Public Investment Fund) ATP Rankings”, le fonds souverain saoudien (PIF) avait signé en mai dernier un « partenariat pluriannuel » avec le circuit féminin WTA. Une annonce qui était intervenue quelques mois après que la capitale du royaume eût été choisie pour organiser le Masters féminin de fin d’année de 2024 à 2026 inclus. « Dans ce pays, les femmes, loin de vivre dans un état d’égalité, sont la propriété des hommes, avaient écrit Chris Evert et Martina Navratilova dans une lettre ouverte publiée dans le Washington Post, avant l’annonce officielle. Il n’y a aucune concession au mouvement LGBTQ, qui est criminalisé et dont les membres risquent également la peine capitale pour leur orientation sexuelle. Jouer là-bas, représenterait une régression, et non un progrès pour le mouvement. Nous attendons de la WTA qu’elle lance un débat ouvert sur cette question, en faisant appel à des experts en droits de l’homme pour clarifier les choses et évaluer si l’Arabie Saoudite est un pas approprié dans la direction du développement du circuit ou si nous sommes face à une nouvelle opération de « sportwashing » ». Par l’intermédiaire d’un communiqué, la WTA avait déclaré : « Nous prenons note des opinions de Martina Navratilova et Chris Evert, deux légendaires joueuses de tennis qui ont joué un rôle clé dans le développement de notre sport et de la WTA. (…) Notre objectif est d’assurer le développement à long terme du tennis féminin et de la WTA, tout en offrant à nos joueuses et aux amateurs un événement qui soit d’envergure internationale. » Depuis 2021, l’Arabie Saoudite, souvent pointée du doigt pour ses violations des droits humains, a investi, sous l’impulsion du prince héritier Mohammed ben Salman, des milliards de dollars dans le sport mondial et semble particulièrement intéressée par la petite balle jaune. Alors que des discussions existent autour de la possible naissance d’un nouveau circuit parallèle, le “Premium Tour”, réservé au Top 100 mondial, qui serait composé des Grands Chelems, des Masters 1000, du Masters et d’une compétition par équipes, au printemps dernier l’Arabie Saoudite avait proposé deux milliards de dollars pour fusionner les circuits WTA et ATP. Actuellement, aucun tournoi masculin du calendrier (ndlr : Le Masters Next Gen se tient depuis 2023 jusqu’en 2027 à Jeddah) ne se dispute sur le territoire saoudien. Mais la création d’un dixième Masters 1000, en début de saison, en Arabie Saoudite, à partir de 2027, semble être plus qu’une possibilité. Bien que plusieurs tractations se mènent autour de l’avenir du tennis professionnel, il est acquis que l’Arabie Saoudite souhaite pleinement s’impliquer dans cette mutation annoncée. Un pays qui tente de redorer son image, mais qui suscite toujours des questionnements. « Je n’ai pas reçu d’offre pour le Six Kings Slam, mais j’ai eu des offres dans le passé pour y jouer et j’ai choisi de ne pas y aller, a déclaré Casper Ruud, jeudi, en conférence de presse lors du tournoi ATP 250 de Stockholm. C’est, bien sûr, un pays controversé à bien des égards, mais il y a aussi d’autres pays controversés dans lesquels nous voyageons et jouons. On peut certes discuter de la Chine et des droits de l’homme, mais nous y allons chaque année. On a beaucoup parlé de Peng Shuai et de ce qui lui est arrivé, et c’est juste pour dire que si vous voulez désigner l’Arabie Saoudite comme un pays controversé, vous devriez également mentionner d’autres pays dont nous ne parlons pas. »
E-A