Qui veut la peau du Miami Open?

Qui veut la peau du Miami Open?

28 mars 2016 Non Par SoTennis

Le Miami Open va-t-il être contraint de déménager? Voire même de disparaître? Malgré le souhait d’enfin moderniser ses installations (situées au Crandon Park Tennis Center), les organisateurs de cet incontournable événement tennistique, font face depuis plus de deux ans à des obstacles juridiques, qui pourraient conduire à long terme, à la disparition de ce tournoi avant-gardiste.

Le Miami Open en danger. ©MiamiOpen

Le Miami Open est-il en danger? ©MiamiOpen

« Le destin économique du comté de Miami-Dade et de Crandon Park ne dépend pas des deux semaines d’un tournoi de tennis.» Cette déclaration, un brin arrogante, provient de l’un des plus farouches opposants au développement du Miami Open, un certain Bruce Matheson. À Key Biscayne, lieu où se déroule depuis 1987 le tournoi créé par Butch Buchholz, le septuagénaire est comme chez lui. Du moins à Crandon Park. Ce descendant, de la famille qui possédait ce lieu cédait au comté de Miami-Dade afin qu’un pont puisse être construit reliant le continent à l’île de Key Biscayne, est un véritable caillou pointu dans la chaussure des organisateurs du Miami Open. Car ce lopin de terre paradisiaque, est toujours régi par des restrictions d’usage lié au don fait par la famille Matheson à la fin des années 30, prévoyaient que ce lieu puisse être uniquement utilisé comme… un parc public. Et c’est bien là le nœud du problème. Alors qu’un projet de modernisation ( d’un montant de 50 millions de dollars), prévoyant notamment deux autres courts principaux permanents sur les terres du Crandon Park Tennis Center, permettant au tournoi floridien de rentrer dans une nouvelle ère, le lobbyiste Matheson, en bon gardien du temple, pèse de tout son poids pour empêcher les velléités d’IMG, les propriétaires de l’événement depuis 1999. Longtemps considéré comme le cinquième tournoi du Grand Chelem, accumulant les récompenses par ses pairs, le Miami Open est de nos jours en perte de vitesse, et se voit désormais largement dépassé par son rival de toujours, Indian Wells, où ni les moyens financiers, ni la place ne manque.

Vers un déménagement?
En décembre dernier une décision de justice, sonne le glas des espoirs d’extension. Impossible, pour le moment, d’envisager de nouvelles constructions permanentes. “Nous aimons Miami, nous allons rester ici aussi longtemps que nous le pouvons avait déclaré Adam Barett, le directeur du tournoi. Cependant, nous sommes confrontés à des obstacles juridiques qui peuvent être trop grands à surmonter. L’agrandissement du tournoi et des infrastructures sont nécessaires. Nous ne faisons pas de menace, mais il y a des réalités auxquelles nous devons faire face, et il y a d’autres villes (comme Dubaï, Buenos Aires et Shanghai) et investisseurs qui veulent prendre la place de Miami.» Depuis cette déclaration relativement alarmiste et laconique, Mister Barett reste silencieux et discret. Un comble, alors que le tournoi bat son plein. Toutes les demandes d’interviews ont reçu une fin de non-recevoir. Il en est de même pour IMG qui reste, par la voix de ses conseils, consterné par l’impossibilité d’envisager de voir sortir de terre ses nouveaux courts, malgré le « soutien » d’une partie de la population et de certains politiques locaux. En particulier de la maire de Key Biscayne, Mayra Peña Lindsay, qui sait malgré tout, en bonne politicienne, parfaitement manier le langage consensuel. «Perdre le tournoi, qui est très populaire au sein des habitants de l’île, apporterait un grand vide. Chaque année, le Miami Open permet d’amener de nombreux touristes. Depuis les années 80, M Matheson veille à la quiétude des riverains et de leur environnement. Son intérêt est que ce parc reste un parc et d’éviter les nuisances dues au tournoi» assène-t-elle. Un tournoi qui permet néanmoins au comté de Miami-Dade, selon une récente étude, d’engranger par an près de 380 millions de dollars de retombées économiques. Une information que ne manque pas de rappeler Eugene Stearns, qui n’est autre que l’avocat du Miami Open, et qui ne manque pas de dire, dès qu’il en a l’occasion, tout le mal qui pense du très conservateur Bruce Matheson. «Ce type tente de préserver un musée à ciel ouvert datant des années 50. Son but est que ce tournoi parte.» Bien que les organisateurs aient récemment rejeté l’idée de déménager à Orlando, où le nouveau centre national d’entraînement de l’USTA (Fédération américaine de tennis) qui sera terminé en fin d’année, il est pour le moment difficilement imaginable d’envisager que ce tournoi avant-gardiste, qui fut le premier dès 1985 à proposer une compétition féminine et masculine combinée, reste sur ce terrain hostile. Une éventualité qui rend fou son fondateur, Butch Buchholz. «Lorsque j’ai fait venir le tournoi sur l’île de Key Biscayne, qui était sale et puante lors de ma première visite, c’était pour créer un rendez-vous tennistique incontournable entre l’Amérique du Nord et du Sud. Dès le départ j’ai senti une forme d’inimitié et de défiance concernant notre souhait de construire des courts de tennis. Cet endroit est resté public. Aujourd’hui c’est une honte qu’une personne bloque tout. Une personne! » Il semblerait que cette personne soit bien évidemment Bruce Matheson, qui n’en a cure des déclarations peu flatteuses le concernant, et qui n’est pas prêt de bouger d’un iota de son idéologie. Et ce n’est pas la tribune rédigée par Serena Williams, publiée sur le site Internet du New York Times, qui risque de l’émouvoir. « Quand je pense que le tournoi de Miami pourrait quitter une ville que j’aime, parce qu’il ne peut pas faire des modernisations qui profiteraient à tout le monde, cela me rend triste.»  

Ni même celle de Roger Federer, sans contraintes contractuelles, y est allé de sa petite déclaration, lors de sa conférence de presse d’avant-tournoi. «C’est toujours un plaisir de revenir au Miami Open. Il est considéré comme le cinquième Grand Chelem depuis longtemps. C’est un événement important du calendrier. » Il reste encore à IMG huit années de contrat liant le tournoi au comté de Miami-Dade, avant de voir peut-être ses 300 000 spectateurs et leurs dollars, filer ailleurs. «Je ne peux prédire de ce que vont décider les organisateurs, clame Eugene Stearns. Ils vont prendre certainement en considération tous les obstacles du moment.» Dont le dernier, l’impossibilité d’organiser un concert de Duran Duran, sur le court central le 1er avril qui se tiendra finalement à Bayfront Park, qui a créé une nouvelle crispation entre le tournoi et certains riverains. Comme le dit le proverbe coréen « le vent n’a pas de mains, et pourtant il secoue les arbres », avec Bruce Matheson et ses ouailles, ceux de Crandon Park ne sont pas prêts de tomber.

E-A