10 ans sur terre

20 mai 2015 Non Par SoTennis
Rafael Nadal

©GettyImages

Dimanche 5 juin 2005, 18h37. Rafael Nadal tombe à la renverse sur le court central de Roland-Garros. Le Majorquin soulève à 19 ans et deux jours, dès sa première participation, la coupe des Mousquetaires, en dominant en finale l’Argentin Mariano Puerta 37e mondial (6-7, 6-3 ,6-1 ,7-5). 10 ans plus tard « Rafa » a tout renversé sur son passage, et vise en 2015 dans son jardin, la Décima . Focus sur ce premier sacre terrien.

Depuis Manacor, lieu où Rafael Nadal a appris à jouer au tennis, sous l’œil bienveillant et exigeant de son oncle Toni, « Rafa » a longtemps rêvé du tournoi de Roland-Garros, comme une terre promise, et comme une promesse de bonheur. C’est en 2005 que le Majorquin a foulé pour la première fois cette terre d’émotions. Absent par choix chez les juniors, il avait dû renoncer à jouer le « French Open » les deux années précédentes, en raison de diverses blessures. Alors que la coupe des Mousquetaires lui tendait les bras depuis des semaines, c’est en début d’année 2005 que l’Espagnol a façonné son succès porte d’Auteuil. Vainqueur pendant cet hiver là de deux tournois sur terre battue en Amérique du sud, c’est là-bas qu’il a débuté son incroyable moisson de victoires sur sa surface favorite. Il avait par la suite affirmé son écrasante domination lors des Masters Series (ndlr : ancienne appellation des Masters 1000) de Monte-Carlo, Rome ainsi qu’à Barcelone. Lors de cette fameuse quinzaine à la porte d’Auteuil, Nadal a parfaitement géré ses six matches le menant à la finale. Vif, intelligent, rapide, endurant et surpuissant, tous ses adversaires se sont ainsi fracassés les dents face à « l’ogre » de la terre battue. A commencer par un certain Richard Gasquet, qui avait retrouvé lors du 3e tour, le gamin de Manacor. Pour ce premier duel au sommet chez les « grands », le journal l’Équipe avait même titré « le choc des prodiges ». Résultat, une domination et une victoire de Nadal qui s’impose 6-4 6-3 6-3, en 1h57 et sous 34 degrés, renvoyant ainsi « Ritchie » s’entraîner. Au tour suivant, l’Espagnol avait dû se farcir un autre français, en la personne de Sébastien Grosjean tête de série n°23.

Des leçons à retenir

En ce dimanche 29 mai 2005, sous un ciel menaçant, le court Philippe-Chatrier plein comme un œuf, fut le jour où «Rafa » à découvert la versatilité et le manque de fair-play, que peut parfois adopter une partie du public de Roland-Garros. Après avoir remporté aux pas de charge le premier set 6-4, c’est lors du 1er jeu du deuxième set, qu’un incident d’arbitrage a mis le feu au poudre. Dans une ambiance détestable, et sur une terre battue de plus en plus lourde, et bien que mené 3-2, Sébastien Grosjean avait réussi à inverser la tendance pour empocher cette deuxième manche 6-3, face à un Rafael Nadal qui avait perdu quelques repères. L’Espagnol avait eu le temps de faire le break 3-0 dans la troisième manche, avant que la pluie mette fin au match à 19h30. Le lendemain, lors de la reprise, Nadal ne manque pas son retour sur le court pour rapidement conclure l’affaire, en maîtrisant son sujet en quatre sets (6-4, 3-6, 6-0, 6-3) avec le vent qui avait remplacé la pluie de la veille. « Perdre un set et se retrouver dans un contexte plus compliqué vous pousse à chercher des solutions. Il y a toujours des leçons à retenir. J’ai su gérer cette difficulté » avait-il déclaré à l’issue de la rencontre. Après avoir passé l’obstacle David Ferrer en quarts en le dominant en 3 sets (7-5, 6-2, 6-0), Rafael Nadal a vu se dresser devant lui le n°1 mondial de l’époque… Roger Federer. Pour cette « finale avant la lettre » le jour de ses 19 ans, le Majorquin avait dû patienter un long moment, avant de pénétrer sur le court. C’est finalement à 18h17 que les deux meilleurs ennemis ont pu enfin rentrer en scène. Dès le premier jeu « Rafa » annonça la couleur . Grâce à un passing de coup droit le long de la ligne, il break d’entrée le Suisse visiblement sonné de voir ses coups lui revenir, et qui passa à côté de ce premier set accumulant les fautes directes. Sous un ciel de plus en plus menaçant, le Bâlois profita d’un coup de mou de son adversaire pour revenir à un set partout. Mais pas assez régulier dans l’échange, il laissa passer sa chance à 4-4, 30A lors du troisième set puis à 3-1 avec deux balles pour mener 4-2 sur son service lors du quatrième set. Impérial en défense, Rafael Nadal ne manqua pas de profiter des fautes directes du Suisse pour enfoncer le clou, et pour finalement s’imposer dans une ambiance crépusculaire 6-3, 4-6, 6-4, 6-3, et s’offrir le droit de jouer sa première finale de Grand Chelem. Roger Federer avoua de son côté être passé à côté du match : « J’ai mal commencé, j’ai mal fini » déclara-t-il par la suite. Le dimanche 5 juin 2005, Rafael Nadal affronte lors de cet ultime match de sa folle quinzaine, l’étonnant Argentin Mariano Puerta. A 15h14 c’est lui qui lança les hostilités en menant rapidement 2-0, avec une balle de 3-0. Mais Nadal recolle au score. A 3-1 pour l’Espagnol, Puerta touché à la cuisse se dirige vers l’arbitre pour faire appel au kiné. Gêné à la cuisse droite il se fait poser un strapping à la cuisse droite. A la reprise Puerta sauve deux balles de break, avant de réussir à recoller au score. A 3-3 il rentre définitivement dans sa finale, en bousculant son adversaire, jusqu’au tie-break, où Nadal mène 5-4 avec deux services à suivre. En s’emparant du filet Mariano Puerta réussi à inverser la tendance, en remportant ce tie-break 8 points à 6, le tout avec une prise de risque maximale. Mais pour remporter ce premier set, l’Argentin a consenti beaucoup d’efforts. Face à Nadal, la moindre baisse d’intensité se paie cash. Résultat le Majorquin remporte en mode express les deux sets suivants (6-3, 6-1). Mais Mariano Puerta est un dur à cuire. Il break dès le premier jeu de la quatrième manche, même si Nadal revient immédiatement à la hauteur de l’Argentin, et mene rapidement 3-2. Le combat est homérique sur le court central, les deux hommes se rendant coup pour coup. A 4-4 alors que l’Espagnol est plus approximatif dans ses choix tactiques, c’est à ce moment que Puerta fait de nouveau le break, et sert pour égaliser à deux sets partout. Mais c’est sans compter sur la fantastique force mentale de Nadal qui colle à 40-15 un terrible passing de revers gagnant, pour effacer une première balle de set. Puis la seconde grâce à une amortie. C’est finalement une faute en coup droit qui permet au Majorquin de revenir à 5-5. Une chance qu’il ne laisse pas passer, en confirmant sur son service, pour mener à présent 6-5. A 18h37, Nadal obtient sa première balle de match à 30-40 sur le service adverse, tout son clan est en apnée. Sur une dernière faute en coup droit de Mariano Puerta, Rafael Nadal tombe à la renverse. Il vient de remporter son premier titre du Grand Chelem, qui plus est à Roland-Garros. En se relevant et après avoir salué son adversaire, et l’arbitre, il se dirige vers la tribune présidentielle, où il reçoit les félicitations du Roi d’Espagne, puis vers ses proches. Il tombe dans les bras de ses parents Ana Maria et Sébastien, puis de son oncle Toni, fou de joie, le tout sous le regard émue de son autre oncle, l’ancien footballeur Miguel Angel. Quelques minutes plus tard, « Rafa » rejoint sa chaise où il est en pleure. C’est des mains de Zinédine Zidane qu’il reçoit la Coupe des Mousquetaires, pour conclure une quinzaine inoubliable.

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