Sébastien Grosjean :  « Les statistiques sont pour moi un outil de travail »

4 juillet 2015 Non Par SoTennis
Sébastien Grosjean

©PANORAMIC

Même si le tennis se joue toujours raquette en main, le Big Data  a définitivement changé la donne. Toutes ces statistiques permettent désormais de mieux comprendre et anticiper, la bonne tactique à adopter. Sur le circuit professionnel, bons nombres de joueurs et d’entraîneurs, se passionnent à décortiquer toutes ces statistiques, dont le but est de progresser et d’être bien évidement toujours plus compétitif. Sébastien Grosjean, co-entraîneur de Richard Gasquet et consultant pour beIN SPORTS, évoque pour So Tennis cet aspect du jeu, qu’il exploite à fond, notamment pour son protégé.

Lorsque vous étiez joueur à quel moment de votre carrière avez-vous eu accès pour la première fois à vos statistiques de match?
En 1998, pour la première fois, j’ai obtenu à la sortie de mon 1er tour à Roland-Garros face à Carlos Moya (ndlr : futur vainqueur du tournoi), la VHS du match que je venais tout juste de jouer. C’était la première fois que j’avais accès à mon match en vidéo, mais aussi à quelques statistiques de la rencontre. C’était révolutionnaire à l’époque, et cela m’a aidé par la suite à progresser.

Aujourd’hui quel regard portez-vous sur les différentes statistiques que les joueurs et entraîneurs peuvent avoir?
Tout d’abord pratiquement tous les joueurs et leurs entraîneurs utilisent toutes ces statistiques, pour progresser et s’entraîner, mais aussi pour préparer les matches. Mais en même temps, les statistiques ne font pas tout. Le tennis reste un sport imprévisible, dans le sens où les conditions de jeu sont importantes à prendre en considération. Le format de jeu en Grand Chelem, avec des matches qui peuvent aller en cinq sets, n’est pas le même qu’en Masters 1000, où les joueurs jouent au maximum trois sets. Les courts, les balles, la météo… tout cela rentre en jeu avant d’aborder un match.

De plus en plus de tournois mettent l’accent sur le Big Data. Dans quelle mesure utilisez-vous ces données, voire même ces nouveaux équipements?
A Indian Wells, cette année, les organisateurs avaient mis à disposition des joueurs un court équipé de caméras entourant le terrain, permettant de visualiser en temps réel, la vitesse de chaque frappe moyenne, le coup le plus rapide, la distance parcourue… ce qui était très intéressant pour les entraînements. Tout ceci donne des pistes de travail.

 « J’utilise les statistiques fournies notamment par IBM, en particulier celles des services et des retours de Richard »

En tant qu’entraîneur, comment corrélez-vous toutes les statistiques qui vous sont transmises, afin d’en extraire par exemple une tactique à adopter?
Par exemple, pour le service, il est intéressant de consulter les zones du carré de service, dans lesquelles les balles atterrissent, selon si le joueur est droitier ou gaucher, et surtout d’apporter une attention particulière aux moments les plus importants du match. Il y a de fortes chances que ces services atterrissent dans des zones similaires, si par exemple c’est une balle de break à sauver pour le serveur.

En tant que co-entraîneur de Richard Gasquet, quelles statistiques le concernant consultez-vous?
J’utilise les statistiques fournies notamment par IBM, en particulier celles du service et du retour. Pour le service, il est pertinent de regarder le pourcentage de deuxième balle. Aujourd’hui, la plupart des joueurs servent en première balle au-delà des 200 km/h, donc la différence va se faire plutôt sur la qualité de deuxième. Actuellement c’est Roger Federer qui a la meilleure seconde balle du circuit. C’est lui qui a un pourcentage bien bien plus élevé que les autres, notamment en Grand Chelem.

“Pour moi les statistiques sont avant tout un outil de travail”

Ces données vous ont-elles permis d’axer un peu plus votre travail sur l’un de ses coups?
Je regarde également la vitesse de première balle de Richard. C’est un joueur qui est très puissant au niveau des jambes, mais un peu moins au niveau du haut du corps. Nous avons travaillé cet aspect là, afin qu’il se renforce au niveau du dos, de l’épaule, afin qu’il gagne quelques kilomètres-heure au service, afin qu’il dépasse dans la régularité les 200 km/h. Nous avons observé avec Sergi Brugera (ndlr: son autre entraîneur) que Richard avait tendance en match, à ce que sa vitesse de service baissée au fur et à mesure de l’avancement de la rencontre. Ce qui est moins le cas à présent.

A quel moment a-t-il effectué ce renforcement musculaire?
Richard avait souvent des douleurs au dos. Après Indian Wells, il a décidé de prendre six semaines de repos pour soigner ces maux, faire de la rééducation, et se renforcer physiquement en haut du corps. Ça n’a pas été simple de le convaincre, mais il fallait le faire et il l’a fait. Aujourd’hui il est rassuré sur son état physique, et je pense qu’il fera une meilleure deuxième partie de saison.

En plus d’être le co-entraîneur de Richard Gasquet vous êtes également consultant pour beIN SPORTS. Êtes-vous friands des statistiques lorsque vous commentez les matches?
Pour moi les statistiques sont avant tout un outil de travail. Dans mes activités de consultant pour beIN SPORTS, je les utilise pour analyser un match, notamment en fin de set, et commenter quelles données ont pu faire la différence entre les deux joueurs sur le court. C’est important de pouvoir décortiquer tout cela à l’antenne, afin que les abonnés puissent mieux appréhender toutes ces statistiques.

Propos recueillis par E-A