Serena délivre son épilogue

Serena délivre son épilogue

3 septembre 2022 Non Par SoTennis

Serena Williams tire sa révérence. Battue au troisième tour de l’US Open, l’Américaine, qui avait, début août, lancé le compte à rebours, annonciateur de sa fin de carrière, vient de disputer à l’US Open son dernier match.

Serena Williams est partie comme elle est arrivée. Avec grand fracas. Celle qui a initié une nouvelle évolution du tennis féminin, a disputé l’ultime match de sa carrière, là où tout avait commencé pour elle, à l’US Open. Gagnante, à dix-sept ans, de son premier tournoi du Grand Chelem en 1999, c’est à New York que la cadette des sœurs Williams a clos le chapitre de cette vie de championne. Un voyage long de 27 ans, où la gamine du ghetto de Compton, en Californie, programmée, tout comme sa sœur Venus, pour gagner, est parvenue à se réaliser à travers le tennis et à devenir au fil des succès, des drames, des échecs et des retours gagnants, une icône qui dépasse, à présent, amplement sa discipline. Après s’être construite contre le système, l’ex-n°1 mondiale a traversé les décennies en imposant le sien.

Sur le court, ses lourdes frappes puissantes et son mental d’acier ont toujours été redoutés. En-dehors, ses postures intimidantes et son inébranlable confiance en elle ont longtemps crispé, voire agacés. L’Américaine, qui a séjourné 319 semaines au sommet du classement WTA, reste un exemple d’abnégation et a inspiré plusieurs générations. « L’empreinte qu’elle laisse par sa carrière est quelque chose qu’aucune autre joueuse ne peut probablement espérer atteindre, abonde sa compatriote Coco Gauff (18 ans, n°12 mondiale). C’est quelque chose qui peut inspirer encore bien des générations. (…) J’ai grandi en la regardant jouer, elle est la raison pour laquelle je joue au tennis. (…) Le tennis étant un sport majoritairement blanc, cela a certainement beaucoup aidé. Parce que j’ai vu quelqu’un qui me ressemblait dominer le jeu. Cela m’a fait croire que je pouvais aussi dominer. » Serena en éclaireuse des temps modernes, a ainsi contribué à faire bouger quelques lignes, notamment par ses prises de position, entre autres, contre le racisme, en évoquant les problèmes auxquels son père, Richard, a été confronté. Un fléau que Serena et Venus, ont subi, dans un sport traditionnellement blanc. Comme ce jour de mars 2001, à Indian Wells. Les deux sœurs devaient se rencontrer en demi-finale. Cependant, lorsque Venus s’était retirée sur blessure, Richard et les sœurs ont été accusés de truquer le match. En finale, Serena avait été fortement huée alors qu’elle affrontait la Belge Kim Clijsters. Tout comme Richard et Venus, lors de leur arrivée en tribune, qui ont tous deux déclaré avoir été victimes d’insultes racistes de la part [d’une partie] du public. Serena, après avoir gagné était allée embrasser instantanément son père. Elle et Venus ont ensuite boycotté le tournoi pendant de nombreuses années, Serena n’y revenant qu’en 2015 et Venus un an plus tard. La carrière de Serena est à l’image de sa personnalité. Polymorphe. Un long parcours loin d’être linéaire où ses 73 titres en simple dont 23 en Grand Chelem, ses cinq Masters, ses quatre médailles d’or olympiques ou encore ses 186 semaines consécutives passées à la place de n°1 mondiale, cohabitent avec de grands moments de douleurs. Comme en fin d’année 2003, où elle a perdu sa sœur Yetunde, tuée par balle à Compton. Ou encore en 2010, six mois après avoir remporté Wimbledon, où elle a été victime d’une embolie pulmonaire. En 2017, elle a frôlé la mort en donnant la vie. Comme sur le court, SW s’est relevée de tout. Sa passion pour le tennis et les exploits est restée imperméable au temps qui passe. En 2012, afin de se réinventer, après une traumatisante défaite au 1er tour de Roland-Garros, face à Virginie Razzano, elle a fait appel à un entraîneur français Patrick Mouratoglou. Entre 2012 et 2022 Serena a ajouté 10 Majeurs à son palmarès sous la houlette du Frenchie. Pour rejoindre le record, d’une autre époque, de l’Australienne Margaret Court, et ses 24 Grands Chelems, Serena a poursuivi son voyage, mais a raté à quatre reprises ses finales, face à de coriaces adversaires mais surtout face à sa propre fébrilité. Comme le dit la chanson, ” aucun sable ni la dune n’arrête le sablier. ” Après quelques saisons en pointillés, c’est au cœur de l’été, via une interview accordée pour la version américaine du magazine Vogue, que la Diva du tennis féminin, pas douée pour les au revoirs, a fait comprendre, à sa manière, qu’elle s’apprêtait à ranger ses raquettes pour entamer une nouvelle vie. « Il y a un temps dans la vie où il faut décider de prendre une nouvelle route. C’est un moment toujours difficile quand on aime tellement ce qu’on fait. Et Dieu que j’aime le tennis. Mais maintenant le compte à rebours est enclenché » avait-elle écrit sur son compte Instagram le 9 août dernier. À 40 ans, celle qui a trusté pendant de nombreuses années la première place au classement des sportives les mieux payées, avec des gains de 18 à 29 millions par an entre 2016 et 2019, souhaite à présent investir son temps et son argent autrement. Depuis 2014, elle a investi, entre autres, dans 56 startups et sociétés tech. En mars 2022, son Fonds d’investissements, Serena Ventures, annonce sa première levée de 111 millions de dollars. « Soixante-dix-huit pour cent de notre portefeuille se trouve être des entreprises créées par des femmes et des personnes de couleur, parce que c’est ce que nous sommes » avait-elle précisé. Avant de débuter le premier jour du reste de sa vie, dans un Arthur Ashe Stadium plein comme un œuf, Serena Williams s’est offert, vendredi soir, un dernier frisson. L’épilogue d’un récit made in USA, que pas même l’enfant qu’elle a été n’aurait imaginé. Restera d’elle l’icône, la femme d’affaires, la mère, la battante, Serena.

EA