Sur le 1 

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23 mai 2018 Non Par SoTennis

À l’ombre du court Philippe-Chatrier, le court n°1, inauguré en 1980, est voué à disparaître, dans le cadre du Nouveau Roland-Garros. Avant que cette mythique arène ne soit réduite en poussière, focus sur un court pas comme les autres.

 

Jusqu’en 1978, figurait au n°4 de l’avenue Gordon-Bennett un bâtiment de trois étages, l’institut Marey. Ce laboratoire, fondé en 1899 par Etienne-Jules Marey, professeur au collège de France qui, entre autres, inventa la chronophotographie, procédé photographique permettant de décomposer image par image le mouvement de toute forme animée, avait pour particularité d’être le voisin immédiat du…court Central de Roland-Garros. Une proximité devenant de plus en plus gênante par les organisateurs du French Open, qui désirait depuis de nombreuses années étendre le périmètre du stade, devant la saturation provoquée par le succès populaire des Internationaux de France. « Depuis 1968, année du premier tournoi Open, le stade était devenu soudain trop petit, rappelle Christian Duxin, directeur de Roland-Garros à l’époque. On pouvait accueillir un total d’environ 60 000 spectateurs, pas plus. D’où la nécessité de nous agrandir. » Après cinq ans de longues et difficiles négociations, Philippe Chatrier, président de la FFT, réussit en 1978 à obtenir le précieux terrain pour pouvoir y construire un Central bis de 4500 places, le court numéro 1.

 

Des emprunts sur vingt ans auprès de la Caisse des dépôts et consignations et de la BNP, ajoutés aux subventions de l’état et des recettes du tournoi, ainsi qu’une prolongation de la concession du terrain auprès de la ville de Paris, permirent aux travaux de débuter. Tout d’abord, en 1979, la tribune D se vit dotée de 2500 places supplémentaires. Puis l’année suivante, le court n°1 sort de terre, en lieu et place de l’institut Marey. Le coût de la construction de cette arène circulaire de 62 mètres de diamètre, conçue par Claude Girardet et Jean Lovera, s’élèvera à 17 millions de francs (près de 3 millions d’euros). Le vendredi 23 mai 1980, le soleil brille dans le ciel de Paris. En ce jour de tirage au sort des Internationaux de France, deux hommes se préparent dans le vestiaire. Le premier, Jean Borotra, 82 ans, connaît bien les lieux puisqu’il a été, avec ses amis Mousquetaires, le premier joueur à fouler la terre battue du stade Roland-Garros en 1928, année de son édification. Le second Tarik Benhabiles, 15 ans à peine, venu tout droit de l’INSEP dans le bois de Vincennes, n’en mène pas large. C’est lui en effet qui a été désigné par le Président Philippe Chatrier « pour bien illustrer le passage entre deux générations, celle de Borotra qui avait connu ce stade qui n’avait pour ainsi dire pas évolué depuis sa construction, et celle du jeune Benhabiles qui correspondait aux premiers travaux d’extension » rappelle Christian Duxin. Borotra et Benhabiles se rendent donc sur le court n°1 qu’ils vont avoir l’honneur d’inaugurer. Durant un bon quart d’heure et devant une centaine d’officiels, de journalistes, de joueurs, l’ancien et le jeunot échangent les premières balles sur la terre de l’arène tout juste achevée. Ce que le grand public ne savait pas alors, c’était que le stade Roland-Garros n’en était qu’au début d’une évolution qui allait faire passer l’ensemble de 4 à 8 hectares avec les installations les plus modernes et les plus adaptées qui soient à l’organisation d’un tournoi du Grand Chelem selon les critères des années 1990.

 

Une acoustique spécifique

Aujourd’hui le court numéro 1 n’est plus le central bis. Un autre grand court construit en 1994 et baptisé Suzanne Lenglen, d’une capacité de 10 000 places, remplit désormais cet office. Il n’empêche que le « 1 » a gardé ses inconditionnels, séduits par son côté intimiste et son acoustique qui donnent à chaque match une intensité spécifique, même si celui-ci n’est pas d’une qualité extraordinaire. « Dès 1978, j’ai commencé à travailler sur ce projet, nous dit aujourd’hui Jean Lovera, en réalisant quelques esquisses, inspirées à la fois par des stades que j’avais visité dans ma carrière de joueur de tennis, mais aussi par l’histoire de Roland-Garros. Notamment par celle d’Etienne-Jules Marey, qui avait construit à cet endroit sa station physiologique, qui était un cercle, sur lequel il faisait courir les athlètes, les chevaux… Il y a eu une source d’inspiration, avec l’idée du cercle et l’arène des constructions romaines. Le court central était une masse très importante. Nous avions la nécessité de faciliter les flux du public, car l’un des constats de l’époque, même si c’est encore vrai en partie aujourd’hui, c’est qu’entre les matches, il y avait une réelle difficulté à circuler dans les allées de l’enceinte menant vers les (anciens) courts n°2,3,4,5 et 6. Pour que le public puisse mieux circuler, l’aspect circulaire du court n°1 était la meilleure réponse possible. Pendant sa conception, j’ai craint que l’effet d’écho ne soit trop important. Finalement, le fait d’avoir plus de trois mille spectateurs dans les gradins, permet aussi d’absorber ces effets de résonnance. » Voué à disparaître dans le cadre du Nouveau Roland-Garros, pour y laisser place à une vaste esplanade verte, le court n°1 aura vu défiler en plus de 35 ans d’existence pléthore de championnes et de champions, qui ont parfois disputés leur premier match ou qui ont tiré leur révérence. Une arène qui restera, malgré sa destruction, mythique, là où, aussi, l’histoire s’est écrite.

 

E-A