Sur la plus haute chaise

5 août 2014 Non Par SoTennis



©SoTennis

Il n’y a pas de grands matchs sans grands joueurs, mais aussi sans grands arbitres. Sur le court ils incarnent l’autorité et appliquent le règlement de leur sport. Depuis 2007, la Fédération Française de Tennis compte notamment dans son contingent, 5 arbitres internationaux, détenteurs du « badge d’or », soit la distinction la plus suprême. L’un d’entre eux, Emmanuel Joseph évoque pour So Tennis son métier et son évolution, ainsi que la filière et la formation à l’arbitrage.

Vous êtes arbitre international depuis 1999 et « badge d’or » depuis 2005. L’arbitrage était-ce une vocation?
Tout à débuté dans le club où je jouais au tennis, où était organisé un grand prix des jeunes. L’organisation souhaitait des arbitres du même âge que les joueurs. J’ai démarré l’arbitrage de cette manière. Au fur et à mesure j’ai gravi les différents échelons. En 1999 j’ai obtenu mon « badge de bronze », une certification internationale qui m’a permis de voyager. Lorsque j’ai terminé mes études je me suis accordé un an pour tenter cette aventure. J’ai tout de suite aimé ce rythme de vie, et le métier d’arbitre de chaise international.

Selon vous est-il important pour les jeunes arbitres de pouvoir faire leurs « armes » sur des tournois de types futures, challengers?
On a la chance en France d’avoir un vivier important de tournois futures, ce qui permet une pratique régulière de l’arbitrage à l’international. D’ailleurs notre nation compte 5 arbitres « badge d’or » soit la plus haute des distinctions. Ce qui est unique dans le monde du tennis. Cela démontre bien aussi que la Fédération Française de Tennis fait bien le « boulot » pour inciter les jeunes arbitres à exercer sur ce genre de tournoi.

Durant une saison quel type de tournoi arbitrez-vous?
En tant qu’arbitre de chaise international principalement sur les quatre tournois du Grand Chelem, les rencontres de coupe davis et de fed cup du premier groupe mondial, et quelques tournois WTA et ATP. Mais aussi quelques tournois challengers comme par exemple celui de Nouméa disputé avant l’Open d’Australie, ou encore celui de Bordeaux qui a lieu avant Roland-Garros.

Cela implique d’être éloigné de chez soi un grand nombre de semaines, dans ces conditions il n’est pas simple d’avoir une vie privée…
Sur une année je suis éloigné près de 35 semaines. Mais comme dans tous les métiers il y a du positif et du négatif. Le positif est le fait de voyager énormément, mais en même temps il y a l’éloignement avec ses proches. Il n’est pas simple d’avoir une vie privée. Dans mon cas j’ai la chance d’avoir trouvé la bonne moitié qui est très compréhensive sur ce mode de vie.

Y a-t-il une différence entre arbitrer un match féminin et masculin?
La communication est un peu différente. Les joueurs sont plus directs, en revanche les messages que l’ont souhaite faire passer aux joueuses doivent être fait d’une manière différente. La vitesse de la balle n’est pas la même aussi, donc l’arbitrage « pur » est aussi différent.

« Lorsque je rentre sur le court je suis arbitre avec deux joueurs, tout simplement »

Jusqu’à présent quel est votre meilleur souvenir?
Probablement ma première finale en Grand Chelem lors de la finale dames de Roland-Garros en 2006. C’était à la fois stressant, et à la fois un grand bonheur, car on atteint un but que l’on a recherché pendant des années . C’est aussi gratifiant de recevoir la confiance de l’organisation d’un tournoi, en vous attribuant une finale de Grand Chelem. Tout le cérémonial qui est mis en place avant la finale, pousse à être d’avantage concentré. Ces moments là restent très fort à vivre.

L’ATP a durci sa règle du temps entre deux points. Comment appliquez-vous cette règle qui semble pas très simple à suivre selon l’intensité des matchs?
En réalité la règle de fond n’a pas changé il y a toujours eu 25 secondes entre les points. Le principal changement réside dans la manière de « sanctionner » le joueur. Désormais il y a un avertissement, puis perte du point, et lorsque c’est le serveur qui est en retard, au lieu de la perte du point il y a la perte d’une service. De ce fait c’est beaucoup plus simple à arbitrer. En début d’année lorsque cette règle a été instauré, l’ATP nous a demandé d’être très stricte sur ce point des 25 secondes. Ensuite il y a des situations comme sur terre battue, où un joueur peut tomber et avoir besoin de s’essuyer, nécessite un peu plus de souplesse dans l’application du règlement.

« Le « Hawk-Eye » a changé la façon d’arbitrer, surtout sur le plan de la communication avec les joueurs  »

Avez-vous déjà senti que certains joueurs notamment ceux ayant un palmarès important, exerce une certaine forme de pression sur l’arbitre ?
Pas vraiment. J’ai le sentiment que le tennis reste un sport où lorsque je rentre sur le court je suis arbitre avec deux joueurs, tout simplement. Il n’y a pas de palmarès, de renommée… Une fois que le match est terminé on en revient à des relations cordiales.

Désormais depuis quelques saisons le système du « Hawk-Eye » permet de vérifier notamment sur dur si une balle est bien bonne ou faute. Est-ce que cette nouvelle technologie, a-t-elle changé votre manière d’aborder un match sur cette surface ?
Le « Hawk-Eye » a changé la façon d’arbitrer, surtout sur le plan de la communication avec les joueurs. Avec cette technologie il est simple de vérifier une annonce. Elle offre aussi une deuxième chance de corriger une erreur, ce qui est très « confortable » sur le plan de l’arbitrage. Et souvent aussi de démontrer qu’on a raison, .

Avez-vous déjà pensé à votre reconversion?
On y pense toujours, car il suffit de rater un match pour influencer une carrière. J’ai pas encore envie d’arrêter pour le moment. En tout cas j’aimerais rester dans le sport et dans le tennis, un monde que j’affectionne tout particulièrement.

Propos recueillis par E-A