La Coupe Davis travestie

La Coupe Davis travestie

2 mars 2018 Non Par SoTennis

Des équipes toutes réunies au même endroit, au même moment, dans un lieu neutre, certainement en Asie, voilà le projet de transformation de la Coupe Davis que les patrons de la Fédération internationale de tennis (ITF) ont concocté. Un projet qui est loin de faire l’unanimité.

Le Saladier d'argent / ©SoTennis

Le Saladier d’argent / ©SoTennis

Créée en 1900 par Dwight Davis, jeune étudiant américain, sa coupe éponyme semble vivre sa dernière année sous le format actuel. Un format qui faisait jusqu’à présent la part belle à la transformation de salles en terrain de tennis, pour accueillir les rencontres, le tout se déroulant sur trois jours. Un public patriote venant, souvent en masse, assister aux matches (au meilleur des cinq sets). Des joueurs transcendés ou méconnaissables faces au poids des enjeux. Mais les patrons de l’ITF (Fédération internationale de tennis) semblent vouloir tout simplement sacrifier ce modèle, sur l’autel du business. Selon leur projet, les équipes seront désormais toutes réunies au même endroit, sans doute en Asie, au même moment, dans un lieu neutre, avec un public qui le sera tout autant, dans une ambiance bien loin de celle que tous les amoureux de la Coupe Davis, d’aujourd’hui, apprécient. Dans un communiqué publié lundi sur son site internet, l’ITF a officialisé un partenariat avec le groupe d’investissement Kosmos, fondé et présidé par le footballeur du FC Barcelone, Gerard Piqué. Ce partenariat, à hauteur de 3 milliards de dollars sur 25 ans, a pour but de transformer la Coupe Davis en une Coupe du monde de tennis et de créer « un festival de tennis et de divertissement, mettant en vedette les plus grands joueurs du monde représentant leurs nations » selon la Fédération internationale de tennis, en mal de cash. Boudés, depuis quelques années, par les cadors du circuit ATP, pour diverses raisons (format de jeu, calendrier…), ses revenus devraient servir à les attirer. Jusqu’à présent, une partie des recettes générées par l’épreuve étaient redistribués aux joueurs. Des montants néanmoins bien inférieurs aux prize-money des tournois les plus lucratifs. Mais disputer et remporter la Coupe Davis, n’est pas, pour un joueur professionnel un moyen de s’enrichir. Cette épreuve, remportée 10 fois par la France, est surtout l’un des rares événements (hors Jeux olympiques) de représenter sa nation et de jouer en équipe une compétition devenue mythique. Concernant le format de jeu, la bande à Dave Haggerty (président de l’ITF) souhaite aussi le modifier. Chaque rencontre sera désormais composée de deux simples et d’un double disputés au meilleur des trois manches. Avec des matches de poule et une phase finale disputés en une semaine, la même attribuée actuellement à la finale de la Coupe Davis version « old school ».



Résistance

Depuis que l’ITF (Fédération internationale de tennis) a « dévoilé » son plan de transformation radicale de la Coupe Davis, les réactions se multiplient dans le monde du tennis. Comme celle de Yannick Noah. L’actuel capitaine des Bleus n’a pas résisté à partager sur les réseaux sociaux sa consternation. « La fin de la Coupe Davis. Quelle tristesse. Ils ont vendu l’âme d’une épreuve historique. Sorry Mister Davis » a-t-il publié sur son compte Twitter. Côté joueurs, Nicolas Mahut et Lucas Pouille, lors d’interviews accordées au journal L’Equipe, n’ont pas hésité à dire tout le mal qu’ils pensaient de cette réforme. Tout comme le président de la Fédération belge, André Stein, qui a déjà annoncé qu’il voterait contre cette réforme en août prochain, lors de l’assemblée générale de l’ITF à Orlando, en Floride, tout comme le vice-président de la Fédération allemande. En ce qui concerne la Fédération française de tennis, son président, M Bernard Giudicelli, qui est aussi chairman de la Coupe Davis à l’ITF, n’a pas encore commenté, la nouvelle formule de Coupe Davis souhaitée par l’ITF. Une formule mis au vote donc cet été, qui consiste à réunir 18 équipes de quatre joueurs en un même lieu une semaine, fin novembre, avec 6 poules de trois équipes. Les 6 premiers et les 2 meilleurs deuxièmes qualifiés pour des quarts de finale. Puis des matches éliminatoires jusqu’à la finale pour désigner le vainqueur, une idée empruntée à l’ATP qui avait des velléités de créer une telle compétition. Chaque rencontre serait constituée de deux simples et d’un double disputés en deux sets gagnants. Lors de l’assemblée générale de l’ITF (13-16 août), 144 des 212 pays affiliés à la Fédération internationale de tennis, pourront voter. Au total, si ces nations, qui n’ont pas toutes le même nombre de voix, comme les quatre pays du Grand Chelem (Australie, France, Grande-Bretagne, États-Unis) et l’Allemagne en possède 12 chacune. Pour que la résolution soit actée, il sera nécessaire que deux tiers des voix au moins se portent sur ce projet, soit 306 voix, sur les 459 si tout le monde se déplace en Floride. 154 « non » suffiraient à jeter dans les « oubliettes » la réforme. Alors que certaines des stars du circuit ATP, comme Novak Djokovic, sont séduits par cette réforme et que les Américains semblent également favorables à ce changement de formule, et que l’Europe y soit réticent, les mois à venir s’annoncent décisifs pour le Saladier d’argent. En coulisse, la résistance s’organise, à l’image du tweet de l’ex-n°1 mondial Evgueni Kafelnikov, en réponse à celui de Yannick Noah : « Et on va laisser faire ça mon ami ? Certainement pas. »

E-A