Valentin Royer: «Il faut du caractère, il faut s’imposer»

Valentin Royer: «Il faut du caractère, il faut s’imposer»

1 juillet 2025 Non Par SoTennis

Issu des qualifications, Valentin Royer, 24 ans, 113e mondial, a remporté sa première victoire en Grand Chelem. Lundi, sur le court 12, le Français qui menait 6-3 6-2 a bénéficié de l’abandon de Stefanos Tsitsipas, tête de série n°24, blessé au dos et affrontera au deuxième tour de Wimbledon son compatriote Adrian Mannarino. Le Français, ambitieux, évoque pour nous son parcours et la gestion de ses émotions.

Cette première victoire dans le tableau principal d’un tournoi du Grand Chelem a-t-elle une saveur particulière ?

Bien sûr, ça a une saveur particulière après tout le travail qui a été effectué. C’est vraiment spécial pour moi de pouvoir me qualifier et en plus de passer un tour, c’est juste dingue de vivre ce genre d’émotion. Maintenant, encore une fois, le tournoi n’est pas fini, je ne suis qu’au deuxième tour. Mon objectif final, c’est de gagner ce genre de tournoi. Je n’ai pas froid aux yeux, j’ai envie d’aller chercher des titres sur ce genre de tournoi. Maintenant, chaque chose en son temps. Oui, forcément d’aller chercher sa qualif dans un tableau du Grand Chelem pour la première fois, ça a toujours une saveur particulière parce qu’il n’y en aura pas d’autres de première fois.

Est-ce que ça a joué dans votre préparation, cette récente expérience à Roland-Garros (wild-card), pour aborder ce premier tour ?

On en parlait justement avec mon entraîneur que cette expérience de Roland-Garros, d’avoir fait cinq sets, euh, d’avoir joué plus de quatre heures trente sur un terrain et avec tout le monde qu’il y avait, avec beaucoup de bruit, beaucoup d’agitation à droite à gauche, aujourd’hui (lundi) je pense que je l’ai beaucoup mieux géré. Forcément, ce genre d’expérience à Roland-Garros, ça aide aussi à aborder les autres matchs en Grand Chelem de la meilleure manière possible et aujourd’hui je pense que ouais je me sens prêt pour d’autres matchs et les tours à venir.

Et ce côté préparateur mental, est-ce que c’est vous qui êtes allé le chercher ou est-ce qu’on vous a initié à cela lorsque vous étiez plus jeune ?

Quand j’étais petit, j’avais quand même beaucoup de soucis mentaux sur le terrain. Beaucoup de soucis d’énervement. De frustration. J’étais très nerveux sur le terrain, il fallait à un moment donné canaliser ça. Donc on a beaucoup essayé de travailler le mental. Aujourd’hui je bosse avec un préparateur mental qui s’appelle Dorian Martinez. Avant, j’avais travaillé aussi avec un préparateur mental qui s’appelle Pierre Gauthier et qui m’a vraiment initié aux bases de la préparation mentale. Maintenant, là, ce sont des choses un peu plus spécifiques donc c’est pour ça que je bosse avec une autre personne. Pour moi, c’est primordial, cela représente peut-être même quarante voire cinquante pour cent du travail global pour pouvoir atteindre un niveau de jeu optimal sur le court et d’être dans sa zone pour pouvoir performer de la meilleure manière possible.

Ce travail, consiste-t-il, sur le terrain, à avant tout d’accepter le moment présent ?

Bien sûr, accepter tout ce qui se passe, les conditions, la chaleur, tout ça. C’est toujours dans l’acceptation. Celle de perdre un point. Ok, je l’accepte, on passe au prochain, il y a du vent, il y a du bruit, tout ça, c’est de l’acceptation. Cela aide à rester dans sa bulle, à rester concentré sur ce qui est vraiment important, c’est-à-dire le jeu, la tactique, le plan de base qui a été initié et ça, ça m’aide énormément pour aussi me concentrer et rester concentré pendant toute la durée du matche.

Vous êtes parti jeune vivre dans des pays de l’Est pour suivre votre papa dans ses activités professionnelles. Est-ce que cette jeune vie en mouvement, ça a eu aussi un impact pour cette vie de joueur de tennis professionnelle ?

Quand j’étais plus jeune, j’ai souvent changé d’école, en raison des déménagements. Ça m’a aussi forgé un certain caractère parce qu’on se fait des amis, on les perd, on se refait des amis, on les reperd. On perd ses repères… Tout ça, ouais, je pense que ça « aide » à mieux s’adapter en tout cas à des conditions différentes, à voir des gens différents, à voir des endroits différents, à mieux s’adapter parce que le tennis au final, enfin la vie de joueur de tennis professionnel, c’est de l’adaptation. C’est peut-être parfois, enfin souvent même, celui qui ne joue pas le mieux au tennis, mais qui arrive à mieux s’adapter aux conditions qui gagne. Je pense que le fait d’avoir beaucoup voyagé, de m’être adapté à beaucoup de conditions différentes, à des peuples différents, à des valeurs différentes, à des cultures différentes, que ça m’a aidés aussi, même sur le terrain, à construire un caractère qui fait qu’aujourd’hui sur les conditions qu’il y a, sur différents tournois, j’arrive à m’adapter du mieux possible.

Au-delà d’un bon coup droit, d’un bon service, est-ce qu’il faut avant tout, pour supporter ce circuit professionnel avec tout ce que ça comporte, un sacré caractère ?

Ah oui, il en faut un… Sa place, on ne va pas vous la donner, il faut aller la chercher, il faut aller vraiment battre les autres joueurs. Il faut du caractère, il faut s’imposer. Il y a des joueurs qui le font mieux que d’autres. Maintenant, moi, j’ai un caractère qui fait que j’ai envie de m’imposer comme un acteur du circuit principal. C’est en tout cas, ce que j’essaie de faire pour le futur. Donc ouais, ce caractère, il peut prendre une certaine importance et il peut me servir.

Certains joueurs qui sont sur le circuit depuis un petit moment, éprouvent une fatigue mentale, avec en plus l’aspect des réseaux sociaux. Vous, comment gérez-vous cet aspect-là?

J’ai construit une nouvelle équipe. C’est des gens en qui je fais énormément confiance. Je pense que le fait de bien s’entourer, c’est très important, dans ce genre de situation. Pour gérer toutes les sollicitations extérieures, que ce soit les réseaux sociaux, la presse… Parce qu’on peut vite partir vraiment dans tous les sens. D’avoir des gens qui nous cadrent, c’est très important. D’avoir des gens qui nous gardent les pieds sur terre aussi. Là, à Wimbledon, j’ai un peu coupé les réseaux pour pouvoir me concentrer sur ce qui est le plus important, la performance, sur le terrain, l’entraînement, de savoir ce qui est bon à manger, de ce qui est bon à faire. Sur le premier Grand Chelem que j’ai fait de ma vie en qualification à Roland-Garros, j’ai fait l’erreur de m’arrêter à dire bonjour à tout le monde, à passer du temps à discuter avec tout le monde, car c’est une fête du tennis au final, les Grands Chelems. Mais on perd énormément d’influx à aller sur les réseaux, à dire bonjour à tout le monde… Aujourd’hui, je pense que quand on voit les grands joueurs, les Djokovic, les Sinner, les Alcaraz, ils passent le moins de temps possible sur place. Ils ont leurs matchs, leurs obligations médiatiques, leurs entraînements, tout ça, mais cet aspect des réseaux, tout ça, c’est des gens qui les prennent en charge pour eux. Et eux, ils ont juste à se concentrer sur la performance.

En comparaison par exemple à votre premier Grand Chelem, parvenez-vous à trouver un équilibre entre l’émerveillement de disputer dans ce club mythique Wimbledon et une forme de concentration ?

Sur mon premier Grand Chelem, c’est vrai que je restais sur place pour voir un peu tout. Pour avoir la meilleure performance possible, c’est, t’as fini ce que tu as à faire, on y va. Parce que de toute façon, si ça se passe bien pour moi, je vais avoir l’occasion de revenir ici, à Wimbledon des dizaines de fois. Du moins je l’espère. Je pense que c’est ce qu’on est arrivé à faire en partant de Rohampton (ndlr: lieu des qualifications pour le tableau principal à Wimbledon) où c’est un endroit, sympa, mais le fait d’avoir cet équilibre entre s’émerveiller et se dire : « On est quand même dans un super endroit, il faut profiter, mais par contre, il ne faut jamais perdre de vue l’objectif qui est la performance et de bien jouer au tennis pendant les matchs. »

Avez-vous eu des échanges avec des joueurs français ou d’autres nationalités afin de partager leurs expériences et d’éviter de tomber dans certains pièges ?

Oui, je ne vais pas citer de noms, mais oui j’ai pu côtoyer plusieurs anciens joueurs aussi français qui m’ont aussi aidé un peu dans mon voyage on va dire, parce que c’est un voyage au final. J’étais très à l’écoute, forcément, ça m’a aidé à surtout de pas tomber dans certains pièges. Ces informations sont, peut-être, parfois très précieuses.

Propos recueillis par E-A à Wimbledon

Photo © Andre Ferreira / FFT