Mathias Bourgue : «Tout est possible»

22 mai 2017 Non Par SoTennis

L’an dernier, Mathias Bourgue avait fait vaciller Andy Murray sur le court central de Roland-Garros. Après ce coup d’éclat, l’Avignonnais avait connu un passage à vide. Depuis le début d’année, le Frenchie connaît un second souffle, malgré un récent lumbago, qui lui a permis notamment de décrocher un nouveau titre en Challenger et d’aiguiser ses objectifs. Invité une nouvelle fois à disputer le tableau principal à Roland-Garros, ce bosseur acharné et humble, espère y démontrer, tous ses progrès.

Mathias Bourgue / ©SoTennis

Mathias Bourgue / ©SoTennis

Le grand public a fait votre connaissance lorsque vous avez poussé, Andy Murray au cinquième set, au deuxième tour de Roland-Garros 2016. Aujourd’hui, que reste-t-il en vous de ce match ?
Lorsque j’y repense et que je me remémore deux trois séquences de jeu que j’ai pu réaliser, je suis encore un petit peu impressionné, car c’est quelque chose qui ne m’ait pas arrivé depuis, de jouer devant autant de monde et de jouer aussi bien. C’était un moment très fort. Je pense que jusqu’à présent, c’est le plus grand moment que j’ai vécu dans ma carrière. Mais je suis sorti de ce match, de cette ambiance parce que j’ai eu des résultats cette année, je joue bien. Je préfère penser à mon état d’esprit, la continuité que je mets dans mon travail, plus qu’au coup d’éclat que j’ai eu l’an dernier.

L’après Roland-Garros 2016 a été délicat. Comment l’expliquez-vous ?
C’était très dur de repartir. Lors de ce match, il y a eu beaucoup d’émotions, c’était quelque chose que j’avais tellement envie de vivre sur un grand court, avec plein de monde, un match intense contre l’un des meilleurs joueurs du monde. C’était quelque chose que je rêvais de faire un jour. C’était dur de repartir de rejouer des tournois différents de celui-ci. En perdant ensuite quelques matches, la confiance s’en va aussi. J’avais perdu un peu ma motivation. J’ai eu une longue période difficile. Cet hiver, je me suis bien préparé. J’ai repris le bon chemin dès le début de cette saison. J’ai une équipe qui est derrière moi afin que je sois le plus performant possible. Je suis très content de continuer à travailler avec toutes ces personnes. Nous allons continuer à mettre en place des choses afin d’éviter ce coup de mou que j’ai eu l’an dernier, quel que soit le Roland que je fasse.

Croyez-vous aux défaites encourageantes ?
Je crois qu’il y en a. Forcement contre Murray à Roland… Celle-ci, je ne pense pas que c’était une défaite encourageante, puisque derrière il n’y a pas eu trop de suite venant de ma part. Ce match fut plus un panneau indicateur, qui reste dans un coin de ma tête, qu’une référence. J’ai eu cette année des défaites encourageantes, par exemple contre Frances Tiafoe (au deuxième tour des qualifications du Masters 1000 de Miami). Finalement, contre Murray, j’ai pu voir ce que j’étais capable de produire face à un tel joueur.

« Intégrer le Top 100, je pense que j’en suis capable »

Lors du récent tournoi de Bordeaux (Challenger) nous vous avons vu beaucoup vous entraîner (élimination au 1er tour). Plusieurs fois par jour. Pourquoi vous entraînez-vous autant ? Avez-vous besoin d’être rassuré par l’entraînement ?
Quelque part, il y a un besoin d’être rassuré par l’entraînement. C’est quelque chose qui va avec mon état d’esprit, avec ma façon de fonctionner. Après mon récent lumbago, j’avais besoin de me refaire une bonne caisse pour les tournois à venir, pour ceux de cet été, pour par être pris de court. J’avais besoin de mieux jouer et mieux bouger, c’est pour cela que les charges d’entraînement étaient importantes.

Vous vous êtes imposé le 19 février dernier au Challenger de Cherbourg (indoor), à la suite de quoi vous avez occupé votre meilleur classement en simple. Qu’a-t-il représenté ce titre ?
C’est une belle référence. Je suis un joueur qui aime plutôt jouer en extérieur, sur terre battue et j’avais réussi à faire une bonne période en indoor sur surface rapide (½ finale à Rennes, Finale à Sofia, victoire à Cherbourg). Je me suis prouvé que je pouvais bien jouer sur dur indoor. Gagné, un Challenger, cela donne des ambitions pour la suite de la saison.

Lesquelles ?
C’est comme rentrer parmi les 100 premiers au classement ATP, je pense que j’en suis capable. Ce sont des signes qui montrent que tout est possible. En tout cas, je suis très motivé pour atteindre cet objectif.

« Nous prenons le temps de nous aider »

Lors du Challenger de Bordeaux, nous avons pu voir lors de vos entraînements Loïc Courteau. A-t-il un rôle dans votre staff ?
Je fais partie d’un groupe, avec Tristan Lamasine et Constant Lestienne, qui est encadré par Olivier Malcor. Loic Courteau vient se greffer à nous sur une dizaine de semaines afin de nous aider et épauler Olivier lorsqu’il a deux voire trois joueurs à s’occuper sur un même tournoi. C’est quelque chose qui fonctionne assez bien. Nous avons pu le voir à Cherbourg, à Bordeaux, c’était la deuxième semaine que nous faisions cela avec lui. Mais nous nous voyons régulièrement. Habitant lui aussi Paris, Loïc Courteau passe souvent à Roland, on a souvent l’occasion de se parler.

Qu’est-ce que Loïc Courteau vous apporte ?
Il a un discours qui rejoint celui d’Olivier (Malcor) mais comme il est dit différemment, j’entends peut-être autre chose. Ce que je comprends quand je parle avec Loïc, c’est qu’il essaie d’apporter du calme et de la confiance. Il essaie de faire prendre conscience aux joueurs de ce que l’on est capable de faire. Il m’aide beaucoup sur ce point. Les semaines où il est là, comme je le vois rarement, peut-être qu’inconsciemment cela me marque plus. Mais globalement, c’est le même discours qu’Olivier et c’est pour ça que cela fonctionne entre eux aussi.

Vous êtes ami avec Lucas Pouille. Vous arrive-t-il d’échanger avec lui sur le plan des entraînements et de la compétition ?
Cela ne nous arrive pas souvent de parler tennis. Nous préférons nous marrer et nous déconnecter du tennis et parler d’autre chose. Cela nous arrive de nous envoyer quelques messages lorsque j’ai une question ou lorsque lui a une question se portant sur éventuellement le tennis ou autre. Nous prenons le temps de nous aider. C’est hyper enrichissant comme relation.

« Lorsque je vais jouer un tournoi Challenger et que je m’incline au 1er tour, je gagne parfois 400€. C’est une honte »

Vous êtes passé par le système fédéral. Qu’en pensez-vous de ce système que vous avez emprunté ?
Il y a des bons et des mauvais côtés. Pour les bons côtés, nous avons la chance d’avoir de très bons équipements. J’ai la chance d’avoir également un très bon entraîneur (Olivier Malcor) qui dépend de la Fédération française de tennis, qui a entraîné et fait progresser de très bons joueurs. J’ai aussi la chance d’avoir à disposition des courts incroyables. Entre Roland-Garros et le CNE (Centre national d’entraînement) avec une salle de gym géniale et une bonne équipe médicale. Le mauvais côté, c’est que parfois, on peut parfois s’endormir sur nos lauriers. Comme on est très bien entouré, on peut par moment oublier de se remettre en question et oublier la progression. De mon côté, j’ai engagé un kiné préparateur physique pour me responsabiliser et continuer à progresser.

Lors de la conférence de presse de présentation de l’édition 2017 de Roland-Garros, à l’évocation de votre wild-card (vidéo passage à 20’43) de l’an dernier pour le tableau principal, le président de la FFT a exprimé son avis vous concernant. Comment l’avez-vous pris ?
Je n’ai pas eu encore l’occasion de discuter avec le président… J’ai la chance d’avoir une nouvelle wild-card pour le tableau principal de Roland-Garros et j’en suis très honoré. Je tiens à remercier la FFT et Bernard Giudicelli de me faire confiance et de me laisser l’opportunité de montrer que je suis capable de bien jouer sur les gros tournois. Avec, j’espère lui répondre le mieux possible.

L’ATP a, sous l’impulsion du conseil des joueurs, décidé en 2015 d’augmenter le prize money notamment des tournois Challenger ? Comment avez-vous accueilli cette nouvelle ?
Il y a encore énormément de progrès à faire. Aujourd’hui, je suis 156e mondial. Lorsque je vais jouer un tournoi Challenger et que je m’incline au 1er tour, je gagne parfois 400€. C’est une honte. Le 150e golfeur gagne dix fois mieux sa vie que moi. Occuper le 156e rang mondial, c’est hyper dur de l’atteindre. Je trouve cela scandaleux que les joueurs classés bien au-delà de la 100e place mondiale ne gagnent pas leur vie. Je serais pour qu’il soit de 1 000 € au premier tour d’un Challenger.

Cette année, une nouvelle augmentation de la dotation, en particulier lors des premiers tours, de Roland-Garros a été menée. Est-ce suffisant ?
Disons que cela va dans le bon sens. Je pense que les organisateurs des grands tournois veulent faire un effort pour les joueurs, car c’est quand même eux les principaux acteurs de l’événement. Petit à petit, on va arriver à des augmentations considérables des dotations, et ce sera intéressant. Je suis 158e mondial, à 23 ans. Je vais avoir la chance de bénéficier de cette augmentation. Il y a des joueurs qui ont été toute leur vie 150e, 100e, 80e et qui n’ont pas pu bénéficier de cette augmentation de prize money. C’est regrettable.

Propos recueillis par E-A à Bordeaux