Alizé Cornet : «Je suis toujours restée fidèle à moi-même»

Alizé Cornet : «Je suis toujours restée fidèle à moi-même»

9 novembre 2019 Non Par SoTennis
Depuis près de 15ans, Alizé Cornet mène sa carrière tennistique comme elle est. Entre succès et profonde remise en question, la Niçoise, qui s’était hissée à 19 ans aux portes du Top 10 (11e en 2009). En ce week-end de Fed Cup, où la France affronte en finale l’Autralie, à Perth, l’actuelle 60e mondiale évoque, entre autres, sa relation avec cette compétition et son nouveau format, avec la franchise qu’on lui connaît.

Cette finale de Fed Cup, face à l’Australie, à Perth, à la RAC Arena, est-ce que vous en avez parlé régulièrement avec vos coéquipières?

On en a parlé un peu, comme par exemple avec Pauline (Parmentier), mais on a essayé de rester concentré sur notre saison qui est longue. À Wimbledon, j’avais discuté avec Julien (Benneteau) sur le fonctionnement sur place, car c’est toujours sympa de se projeter sur quelque chose d’aussi excitant et d’aussi sympa. De plus, c’est la dernière année de Fed Cup sous ce format et je pense que ça va nous tenir à cœur de la ramener à la maison.

Publiquement, vous avez évoqué votre point de vue concernant le changement de format de la Fed Cup qui sera effectif l’an prochain (sur le même modèle de l’actuelle coupe Davis). Hormis Simona Halep, les autres joueuses sont restées assez discrètes. N’est-ce pas un manque de solidarité?

Les joueuses savent aussi qu’elles ne pourront pas changer les choses. Elles n’ont sans doute pas envie de dépenser de l’énergie sur quelque chose qui est déjà acté. On a vu avec les garçons à quel point ils étaient remontés contre le nouveau format de la coupe Davis. Malgré tout, cela n’a absolument rien changé, c’est d’ailleurs assez désespérant… Je pense que les filles vont jusqu’à ne pas donner leur avis. Elles acceptent peut-être les choses avec un peu de fatalisme. Je ne sais pas si c’est un manque de solidarité ou alors c’est que peut-être les filles sont moins attachées à la Fed Cup que je peux l’être. Je n’en sais rien. Je ne leur ai pas demandé. Mais ça m’a étonnée un peu.

Vous dites que vous êtes attachée à cette compétition. Pourtant, votre histoire avec cette compétition est loin d’être simple?

C’est vrai que c’est une épreuve qui ne m’a pas vraiment souri. J’ai eu des défaites très difficiles à vivre et à encaisser (Début en 2008 contre la Chine. 26 matchs disputés en 18 rencontres. 8 victoires pour 18 défaites.) En février dernier, lorsque j’ai à nouveau joué en simple et que j’ai battu Élise Mertens (permettant à la France de mener 2-0 contre la Belgique), c’était vraiment un moment particulier. Ça me tenait vraiment à cœur de ramener ce point après l’épisode de l’an dernier (Elle avait été exclue de l’équipe à cause de ses « no show ». Elle avait été relaxée par le tribunal indépendant de l’ITF car il a été reconnu par le tribunal que le troisième “no show” était discutable.) À la fin, j’étais très émue, car il y avait tout ça à prendre en compte, mon histoire avec cette compétition. Même si ça n’a jamais été simple, j’ai toujours porté avec une très grande fierté le maillot des Bleues. Avec le capitaine, ça c’était aussi très bien passé. Il m’avait laissé respirer au moment nécessaire et était près de moi lorsqu’il le fallait. Je l’avais trouvé très bien. Cette victoire-là compte beaucoup.

Cela fait déjà près de 15 ans que vous êtes sur le circuit. Aujourd’hui, comment définiriez-vous le fait d’avoir grandi sur ce circuit féminin ?

Je suis arrivée, sur le circuit, à l’âge de Cori Gauff. Il y a eu des hauts et des bas comme dans toute carrière. C’est vrai que je suis arrivée très précoce au plus haut niveau. J’étais quasiment Top 10 à 19 ans. C’était vertigineux tout ce qui s’est passé de mes 15 à 19 ans, avec beaucoup de matches gagnés et de sollicitations. Il y a eu par la suite des moments plus difficiles. Ma grande force ça a été ma ténacité et d’être très bien entourée. Je pense que c’est important aussi d’avoir une famille qui nous remet les pieds sur terre et qui veille au grain pour qu’on soit conscient que ce monde ce n’est pas la vraie vie. C’est quelque chose qu’on a du mal à comprendre lorsqu’on vit 24 heures sur 24, dans ce milieu, ce microcosme. Il y a autre chose à l’extérieur. On s’implique tellement et on y met tellement de cœur, d’énergie que parfois, on a du mal à prendre de la distance par rapport à cela. J’ai 29 ans et j’apprends encore sur ma vie sur le circuit et je fais encore des ajustements et je suis contente, car je vis maintenant beaucoup mieux ce rythme de vie qu’il y a dix ans. C’est plutôt un bon progrès.

En dehors de votre ténacité, ce qui vous caractérise c’est aussi votre franc-parler. Votre langage n’est jamais lisse…

Je suis toujours restée fidèle à moi-même. J’ai donné mes premières conférences de presse à l’âge de 15 ans. J’ai vu que le retour de la part des journalistes était positif. Je pense qu’il peut y avoir une forme de lassitude d’entendre toujours les mêmes discours qui peuvent être plats…

C’est parfois aussi les mêmes questions…

Oui, mais au final les ressentis des joueurs sont tous différents et malgré tout, j’ai parfois l’impression d’entendre toujours les mêmes choses. E pense que c’est peut-être pour se protéger afin d’éviter que leur propos soit mal interprété. Moi, je me suis dit de me faire confiance. Je suis honnête, franche et en accord avec moi-même. On m’a jamais dit d’arrondir les angles. De toute façon, je ne l’aurai pas fait. J’ai un caractère trop fort pour ça (rire). Pour moi, une conférence de presse, c’est aussi un échange. Un moment où l’on peut relater sa vérité, même si on ne dit pas tout ce qu’on a sur le cœur, afin que le public apprenne à un peu plus nous connaître.

Parfois, sur les réseaux sociaux, vous postez, notamment, des photos de vous lors de vos excursions en dehors des tournois que vous disputez. Quel est le but de ces « sorties »?

C’est se servir de cette vie de voyages pour explorer et voir d’autres choses. C’est important de le faire pour l’ouverture d’esprit. De ne pas rester avec un esprit obtus et de vivre que pour le tennis. En Grand Chelem, j’ai vraiment du mal à le faire, car je suis encore comme une gamine. J’ai tout le temps envie d’être sur le site de voir les matches, c’est marrant à quel point j’ai gardé cette fraîcheur alors que j’en suis à mon 51e Grand Chelem consécutif ( Au moment où elle parle. Désormais 52.) En revanche, le reste de l’année, lors des tournois WTA, j’essaie de m’aérer l’esprit et aller découvrir avec mon copain découvrir les villes dans lesquelles nous sommes. Ca me fait mieux vivre ma carrière, car en plus d’avoir voyagé et joué des matches de tennis, je me suis aussi enrichie de toute ces choses.

Vous avez ouvert en janvier 2018 votre complexe de padel (Esprit Padel à Lyon). Est-ce un tremplin pour votre après carrière tennistique ?

J’aime beaucoup le padel. J’y jouerai plus à la retraite (sportive). Mais ça, c’était vraiment le projet de mon frère (Sébastien). J’ai financé un peu le truc pour l’aider. Mais il a fait tout de A à Z. C’était sympa de lui « prêter » un peu mon image pour promouvoir la structure qui est d’ailleurs fabuleuse (1 600 m² et il a fait un travail incroyable. Après ce qu’il adviendra dans le padel après ma carrière tennistique, je ne sais pas encore, car cela me paraît loin et j’ai du mal à me projeter sur ça. En revanche, faire quelque chose avec mon frère, c’est ce que j’aimerais faire, car il est toujours plein d’idées.

Propos recueillis par E-A lors d’un entretien réalisé à Wimbledon.