
Carlos Alcaraz : «Je ne doute pas, même quand j’ai des balles de match contre moi»
9 juin 2025Lors d’une finale d’anthologie, Carlos Alcaraz est parvenu à conserver son trophée à Roland-Garros. Dimanche, l’Espagnol s’est imposé en cinq sets (4-6 6-7 6-4 7-6 7-6 en 5h29) face au n°1 mondial, l’Italien Jannik Sinner, après avoir sauvé trois balles de match dans la quatrième manche. Le n°2 mondial s’adjuge, à 22 ans, son cinquième titre du Grand Chelem.
Est-ce le match le plus émouvant de votre vie ?
Oui, sans aucun doute. C’est le match le plus excitant de ma vie. Il y a eu des bons moments, des mauvais moments. Je suis simplement heureux et fier d’avoir pu gérer tout cela. C’était incroyable. C’est le premier match où je suis revenu en étant mené de deux sets dans une finale de Grand Chelem.
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— So Tennis (@sotennis1) June 8, 2025
Les gens vont parler de ce match comme ils parlent de celui de Borg contre McEnroe en 1980 et Federer Nadal à Wimbledon en 2008. Ce sera un match historique. Qu’est-ce que cela vous fait d’entrer dans l’histoire du tennis comme cela ?
Honnêtement, si les gens rangent ce match à ce niveau, ce sera un grand honneur. Si c’est le même niveau que ces matchs, c’étaient des matchs qui ont fait l’histoire du tennis, l’histoire de notre sport. Je vais les laisser en parler. Si pour eux c’est quasiment la même chose, fantastique. Pour moi, vu de l’extérieur, je ne peux pas dire si c’est un match de l’histoire du tennis qui est à mettre au même tableau que ces deux autres matchs. C’est sûr que dans l’histoire des Grands Chelems et de Roland-Garros, je laisse les gens décider où ils veulent placer le match.
Le début de ce match n’avait pas l’air classique. Vous avez été mené de deux sets à rien et d’un break. Qu’avez-vous fait pour vous remettre dans le match, vous redonner de l’énergie ?
Pour être honnête, j’ai dû me battre tout le temps. J’ai dû croire en moi tout le temps. Au début du troisième set quand il m’a breaké, j’avais l’impression que tout tournait en sa faveur. Tout ce qu’il faisait était des points gagnants, il ne faisait pas d’erreurs. Il frappait avec le cadre. Ses points allaient sur la ligne. C’était le sentiment que j’avais. J’ai décidé d’écarter ces pensées de mon esprit et de continuer à foncer. Les cris, le soutien de la foule m’ont vraiment aidé aujourd’hui. Il y avait quelques coins du court qui étaient vraiment en ma faveur. J’ai vraiment apprécié. Je pense que sans eux, je n’aurais pas pu faire ce retour.
Comment faites-vous pour trouver votre meilleur tennis, avoir ce sursaut, alors que 5 minutes avant, vous n’étiez pas en train de jouer votre meilleur tennis ?
Je me répète souvent, il y a des moments précis où il faut que je fonce, il faut que j’y aille quoi qu’il se passe. Que je sois mené, super tie-break ou cinquième set, j’avais le sentiment qu’il fallait que j’essaie, que je n’aie pas peur de faire des erreurs. Je crois qu’aujourd’hui, c’était une question d’avoir foi en moi. Je n’ai jamais douté de moi aujourd’hui. J’ai essayé de me battre. C’est pour cela que j’ai réussi à sortir mon meilleur tennis aux moments cruciaux et à jouer mon meilleur tennis dans ces situations difficiles.
Certaines parties de ce match ont paru irréelles. Avez-vous ressenti la même chose ?
Honnêtement, aujourd’hui, il y a eu quelques moments dans le match où le niveau était complètement dingue. Avec Jannik de l’autre côté qui jouait un tel niveau, je me disais par moments : “qu’est-ce que je peux faire ?”. Il bougeait de manière incroyable, il frappait des coups incroyables. Il y a eu des moments dans le match où il ne ratait aucun point ! Il jouait vraiment, vraiment bien. J’ai pensé parfois au public. Moi, j’ai profité de certaines parties du match. J’ai aimé jouer à ce niveau contre Jannik. J’ai aimé ce combat. J’espérais que le public en profitait aussi. Pour moi, cela m’a aussi paru irréel parfois.
Vous venez de gagner votre cinquième Grand Chelem à 22 ans, 1 mois et 3 jours. C’est très jeune. C’est le même âge que Rafa, pour son cinquième Grand Chelem…
Je dois me rendre compte que je l’ai fait. Je dois le réaliser. La coïncidence de gagner mon cinquième Grand Chelem au même âge que Rafael Nadal, je dirais que c’est le destin, je suppose. C’est une statistique que je vais garder pour toujours avoir gagné mon cinquième Grand Chelem que Rafa, qui est mon inspiration : ça, je vais le garder en moi.
C’était le douzième match contre Jannik. Est-ce que c’était un virage important dans vos combats en Grand Chelem ?
Tous les matchs que je joue contre lui sont importants dans une finale de Grand Chelem, et j’espère que ce n’est pas notre dernier match à un tel niveau. À chaque fois que l’on se trouve face à face, on joue au plus haut niveau possible pour le public et pour nous. Si vous voulez gagner un Grand Chelem, il faut jouer et battre les plus grands joueurs au monde. C’est dans les Grands Chelems que vous vous retrouvez face à eux en finale. Je ne pense pas que ce sera un virage dans notre rivalité. Il va tirer les leçons de ce match et revenir plus fort. La prochaine fois qu’on jouera l’un contre l’autre je suis à peu près certain qu’il fera ce qu’il faut pour que ça fonctionne. J’espère aussi tirer les leçons de ce match et voir comment m’améliorer et tactiquement, le gêner dans son jeu. Je le répète : je ne pourrai pas le battre éternellement. De toute façon, il faut apprendre des matchs qu’on joue l’un contre l’autre, et j’espère qu’on jouera davantage de finales de Grand Chelem.
C’est la troisième finale que vous gagnez en étant mené au départ. Aimez-vous cette pression d’avoir à revenir comme cela ?
Honnêtement, je préfère gagner en trois sets, je ne vais pas vous mentir. Mais quand la situation est contre vous, disons-le, il faut continuer à se battre. C’est une finale de Grand Chelem, ce n’est pas le moment d’être fatigué ou d’abandonner. Il faut se battre, trouver et saisir les bons moments. Mais on se trouve dans des situations de pression. Est-ce que j’aime ça ? Je pense que ce sont ces situations qui font les vrais champions, quand il faut gérer la pression de la meilleure manière possible. En fait, c’est ce que font les vrais champions pendant toute leur carrière. Donc, j’essaie de me sentir à l’aise dans les situations sous pression et de ne pas en avoir peur.
Vous avez dit que vous n’avez jamais douté de vous-même. Même quand vous aviez trois balles de match contre vous, est-ce que vous pensiez vraiment pouvoir revenir et gagner ?
Oui, absolument. Un match n’est jamais terminé jusqu’à ce qu’on ait terminé le dernier point, même si on est à un point de perdre le match. Bien souvent, les gens remontent après avoir été menés dune balle de match dans une finale de Grand Chelem ou même dans d’autres matchs. Je voulais donc être un de ces joueurs qui sauve un balle de match en finale de Grand Chelem et qui termine vainqueur. Je crois en moi tout le temps. Je ne doute pas, même quand j’ai des balles de match contre moi. Il faut voir les choses point par point. Il faut sauver chaque point, sauver chaque jeu et continuer à croire.
Propos recueillis par E-A à Roland-Garros
Photo Clement Mahoudeau / FFT