Yannick Noah: «J’ai l’impression que je ne suis jamais vraiment parti»
22 septembre 2015Sa parole était très attendue. Mardi, Yannick Noah a donné au stade Roland-Garros sa première conférence de presse en tant que « nouveau » capitaine de l’équipe de France de Coupe Davis, où il n’a éludé aucune question.
Pourquoi avoir accepté de redevenir capitaine de l’équipe de France de Coupe Davis ?
Je n’ai pas vraiment l’impression d’être parti. J’ai toujours eu différents contacts avec le monde du tennis. Il se trouve qu’aujourd’hui j’ai été contacté comme ça a été le cas depuis une dizaine d’années à chaque fois qu’il y a une campagne de Coupe Davis. Cette année on m’a demandé si j’étais prêt éventuellement à reprendre l’équipe de France de Coupe Davis.Ma réponse a été claire, à savoir qu’il était hors de question pour moi de me relancer dans cette aventure sans avoir parlé aux joueurs. De ce fait, ma réponse a été assez tardive. Après ces conversations il était clair que tout était en place pour y aller, et tenter de gagner la Coupe Davis.
«J’ai parlé longuement avec eux, et je suis très confiant»
Quel est votre état d’esprit aujourd’hui ?
Je suis honoré, très excité, et avec plein d’espoirs. Pas seulement parce que je suis là, mais surtout par les conversions que j’ai eues avec les uns et les autres. J’ai vraiment le sentiment que nous pouvons nous améliorer. Il s’agit vraiment de faire jouer de très bons joueurs, faire en sorte qu’ils puissent arriver à jouer la Coupe Davis dans les meilleures conditions possibles, afin de donner le meilleur d’eux-mêmes le jour J. J’ai eu ce sentiment et je ne me suis pas caché pour l’exprimer, car ça fait des années que ce n’est pas le cas. J’ai cet espoir fou de redonner, de recadrer, de réorganiser un certain nombre de choses. J’ai cette conviction profonde que je peux le faire, avec les joueurs. Je n’aurais pas pu vous répondre si je n’avais pas parlé aux joueurs. J’ai parlé longuement avec eux, et je suis très confiant.
Aujourd’hui sentez-vous qu’il y a une réelle unanimité derrière vous ?
Après avoir discuté avec les dirigeants de la FFT, il était clair pour moi que je ne revenais pas pour être accepté dans l’équipe. Aujourd’hui il a un cadre qui a été déjà défini que j’ai exprimé, que j’ai expliqué aux joueurs, c’est autour de ça que nous nous sommes mis d’accord. Cette unanimité était essentielle pour cela. Quand je parle des joueurs, je parle de six joueurs, je parle des personnes qui aujourd’hui comptent, tout en sachant que pour moi l’équipe de France concerne dix joueurs.
Avec qui avez-vous parlé ?
Je suis en contact avec tous les joueurs. J’ai parlé avec Gilles Simon, Richard Gasquet, Jo-Wilfried Tsonga, Gaël Monfils, Nicolas Mahut, Julien Benneteau, Adrian Mannarino, Lucas Pouille, Benoît Paire… je veux que tous les joueurs soient concernés par l’équipe de Coupe Davis. À un moment ou un autre ces joueurs-là seront amenés à représenter l’équipe de France. Je veux qu’ils sachent tout de suite comment on va fonctionner. En cinq jours je n’ai pas vu tout le monde, j’aurais la possibilité je pense à voir plus de monde à Bercy (lors du prochain master 1000 de Paris-Bercy), puisque la plupart des joueurs le joueront, on a la chance d’avoir un peu de temps, le premier tour étant au mois de mars. Je veux vraiment que tout le monde soit concerné. Comme vous le savez on a de très bons joueurs de simple, de très bons joueurs de double, mais on a perdu des matches qu’on n’aurait pas dû perdre. Le double est un point très important à ramener.
Cette génération de joueurs a eu pour capitaine Guy Forget et Arnaud Clément, avec les résultats que l’on connaît avec deux modes de management différents. Selon vous d’où vient le problème le mode de management ou les joueurs ?
On peut le voir de plusieurs manières. On peut le voir à travers les résultats que nous avons eus depuis 10 ans. Ou alors essayer de le regarder d’une autre manière, et essayer de se dire est-ce qu’on n’est pas eut peu responsable de ces résultats. Je pense qu’il y a un peu des deux. Cette génération n’a pas connu un autre mode de fonctionnement que celui qui était en place jusqu’à aujourd’hui. Il y a eu un mode de fonctionnement qui a était installé qui a contribué aux résultats que nous avons eus. Encore une fois il ne s’agit pas de dire on va gagner demain. Mon travail avec mon équipe, et celui des joueurs, est de faire en sorte d’arriver le vendredi d’un premier match de Coupe Davis, prêt à se défendre à 100%. C’est ça l’objectif.
Qu’entendez-vous par recadrer les choses, est-ce qu’il y avait un manque d’autorité dans cette équipe ?
De par mon expérience, lorsque j’ai commencé il y a très longtemps en tant que capitaine, j’étais quasiment encore joué. J’avais un « ascendant » sur les joueurs de l’époque car je les battais tous. J’étais comme le grand frère aussi. J’étais également comme un ami. Nous avons vécu des aventures humaines même avant la Coupe Davis. Je me suis retrouvé propulsé capitaine. C’était une surprise un peu pour tout le monde. L’environnement général était que bien entendu j’allais me planter. On a gagné, mais avec un mode de fonctionnement qui était il est vrai beaucoup sur l’affectif, et le respect du grand frère.
En 1996 c’était un peu différent, car je me suis retrouvé avec des joueurs que je connaissais beaucoup moins, qui n’avait pas le même mode de fonctionnement, et là j’ai dû m’adapter. En tout qu’à travailler avec des joueurs où l’affectif n’était pas la seule chose qui comptait. C’était un vrai travail de fond. On a travaillé la psychologie, l’approche des matches, la gestion du stress… Ce fut très passionnant, et agréable de constater que nous avons gagné avec une équipe nettement moins forte que les équipes que nous avions à affronter à l’époque. Bien sûr, il faut établir un cadre. Un champion c’est quelqu’un qui a un ego, sans ça tu peux pas être un champion, c’est bien mais faut gérer ça. Les mettre au service de notre objectif, de notre équipe. À partir du moment où on a défini un cadre avant, le début d’une saison… celui qui sort du cadre, il sort. Oui il fait faire preuve d’autorité. Il faut prendre des décisions qui sont parfois douloureuses. Mettre de côté quelqu’un qui est ton leader, quelqu’un de qui est ton ami… Il faut savoir que lorsque vous parlez de tous ces gens (les joueurs) on est tous des potes. Mais c’est vrai que lorsque l’aspect professionnel prend le dessus, il y a des décisions qui ne sont pas faciles à prendre, mais il faut les prendre pour l’intérêt commun. J’ai dû faire preuve d’autorité, et cette fois-ci je n’aurais pas peur de faire preuve de nouveau d’autorité. Je pense que ça a manqué.
« Aujourd’hui je suis à 100% joueur de tennis et capitaine de cette équipe »
Le Bureau fédéral de la FFT vous a désigné capitaine de l’équipe de France de Coupe Davis, selon vous ces instances ont-elles correctement géré le processus qui a amené à cette décision ?
Ce n’est pas simple de dire à quelqu’un qui est apprécié humainement, qui a été irréprochable en tant que joueur depuis le début, qui incarne l’esprit de la Coupe Davis, de dire à un membre de la famille, écoute tu es remercié. Aujourd’hui, vous imaginez bien que depuis 15 jours j’ai un petit peu lu tout ce qui se disait… on se détourne un peu de l’essentiel, qui est de redonner du sourire aux gens, de la fierté à nos supporteurs. Ça fait 10 ans qu’on pleure de tristesse à chaque fois. Oui bien sûr il a des décisions à prendre parfois, mais comment doit-on s’y prendre pour bien faire dans ce cas ? J’imagine qu’Arnaud (Clément) doit être blessé, mais il n’y a pas de bon moyen, c’est quoi le bon moyen . Là, j’ai l’impression qu’on se noie dans des détails, et qu’à la fin il y a une douleur. Une douleur de quelqu’un à qui on a très peu de chose à lui reprocher. Arnaud est quelqu’un de très valable, il est arrivé à un moment pas facile. Il y a une espèce d’urgence, car il y a eu beaucoup d’espoirs avec cette équipe, avec ses joueurs, et cette génération est tranquillement en train de passer. Aujourd’hui on doit travailler dans l’urgence. Je pense qu’il faut toujours travailler dans l’urgence, c’est aujourd’hui qu’il faut commencer à bien travailler, c’est aujourd’hui qu’il faut faire passer les bons messages. J’ai été contacté fin août. C’est très bien que ce soit la Fédération qui décide de nommer le capitaine.
Qu’en est-il de votre staff, l’avez-vous déjà composé ?
Je suis vraiment très avancé, je suis en train de monter mon staff, mais ce n’est pas encore définitif, je préfère attendre que ce soit définitif pour communiquer là-dessus. Très rapidement je communiquerai là-dessus.
Il y a quelques jours vous étiez encore sur scène, avec cette nouvelle activité de capitaine de l’équipe de France de Coupe Davis, comptez-vous mettre entre parenthèses votre carrière de chanteur ?
Dans mon autre vie, ce qui se passe je prépare un album, sa promotion , et une tournée, qui dure environ un an. Je viens de terminer ce cycle avant-hier. Désormais, il y a une autre phase, et c’est mon choix, qui peut durer, trois ans, quatre ans… tout en sachant que c’est moi qui décide des dates, car je suis mon propre patron. Aujourd’hui je suis à 100% joueur de tennis et capitaine de cette équipe. Je pars sur cette année, puis une autre, puis une autre… on verra. Tant que l’aventure sera belle on sera ensemble.
Propos recueillis par E-A