La lie de Margaret

La lie de Margaret

15 janvier 2020 Non Par SoTennis

Margaret Court reste, jusqu’à ce jour, la joueuse la plus titrée en Grand Chelem. L’Australienne, âgée de 77 ans, est aujourd’hui, malheureusement, la championne des dérapages homophobes en tous genres. Au grand dam des organisateurs de l’Open d’Australie, qui s’apprêtent à « célébrer » le cinquantième anniversaire de son Grand Chelem.

Margaret Court est incontestablement, jusqu’à présent, la joueuse la plus titrée en Grand Chelem. Avec ses 24 victoires en Majeur en simple, l’Australienne a pendant longtemps incarné, la discrétion, la modestie et la réussite. Désormais, la septuagénaire, devenue Pasteur au sein d’une communauté pentecôtiste à Perth, s’illustre par ses récurrentes sorties verbales, à propos de l’homosexualité. Celle qui allait à l’église tous les dimanches lorsqu’elle était joueuse, s’exprime aujourd’hui, plus que jamais, sans filtre sur son sujet de prédilection, qu’elle semble vouloir combattre. Fin mai 2017, c’est à la radio australienne Vision Christian, que « The arm », son surnom, en a remis une couche. « Il y a énormément de joueuses professionnelles lesbiennes. Quand je jouais (dans les années 1960 et 1970), il y en avait déjà, mais maintenant elles sont partout, avait-elle déclaré. Les joueuses lesbiennes classées au top, entraînent de plus jeunes femmes, qui les idolâtrent, dans leurs fêtes et autres et c’est comme cela que le phénomène se propage. Les transgenres, c’est le diable, mais c’est ce qu’Hitler a fait et c’est ce que le communisme a fait : pénétrer l’esprit des enfants. Il y a un complot dans notre nation et dans les nations du monde pour pénétrer l’esprit de nos enfants. » Des déclarations, au moment où le mariage pour tous était en débat en Australie, qui avaient suscité une vive émotion à Down Under et dans le monde du tennis.

Débaptisé

En plein Roland-Garros 2017, les premières à fustiger, en conférence de presse, ces propos, furent les joueuses australiennes Samantha Stosur et Casey Dellacqua. La première, gagnante de l’US Open en 2011 et finaliste en simple à Paris en 2010, n’avait pas mâché ses mots pour renvoyer dans les cordes son aînée. « Ces propos sont fous, avait-elle réagi. Il est évident que tout le milieu du tennis a le même avis que moi et que nous allons rester fermes ». La seconde, qui a deux enfants avec une autre femme, a été directement ciblée par Margaret Court, laquelle avait estimé que ces garçons avaient été « privés d’un père » et que ce n’était « pas la meilleure manière de commencer sa vie ». « J’ai été blessée, avait réagi Casey Dellacqua, car je connais personnellement Margaret. Chacun a le droit d’avoir une opinion, mais quand on commence à s’en prendre spécialement à ma famille, ce n’est plus correct.» Dans la foulée, Martina Navratilova, l’une des pionnières, sur le plan sportif, à avoir assumé publiquement ce qu’elle est, avait suggéré sur son compte Twitter qu’il « était peut-être temps de changer le nom du Margaret Court Arena », l’un des trois courts principaux de Melbourne Park, où se dispute chaque année l’Open d’Australie, ou à le boycotter. Une pétition allant dans ce sens, avait été lancée sur le site Internet www.change.org. Mais Margaret Court, hermétique au confort intellectuel et au nouvel ordre moral, n’en n’a toujours eu cure de cette éventuelle « sanction », préférant habilement remettre sur la table ses nombreux titres en Grand Chelem, acquis dans une autre vie, justifiant ainsi, cet honneur. Interrogée sur cet appel au boycott, au cours de l’été 2017, Margaret Court avait accusé le lobby gay américain, qui serait derrière cette demande. « Ils (les lobbys gay) ont beaucoup d’argent. Ils peuvent probablement avoir 100 000 pétitions en 24 heures parce qu’ils ont beaucoup d’argent, c’est comme ça que ça marche. Ils ont beaucoup d’argent, et cela vient des États-Unis », avait-elle déclaré à la radio 3AW. Fin mai 2017, l’ex-championne s’était aussi distinguée dans une lettre ouverte destinée au journal « The West Australian » où elle précisait qu’elle ne prendrait plus place dans un vol de la compagnie aérienne Qantas, car son directeur avait ouvertement déclaré son soutien au mariage homosexuel. Du côté des organisateurs du Happy Slam, qui étaient restés bien discrets, ce dérapage assumé de l’ancienne légende du jeu, commençait néanmoins à devenir embarrassant.

Ligne de fond et contorsion

Celle qui, après avoir connu une dépression au début des années 1990, fut ordonnée Pasteur, trouvant ainsi sa « paix » intérieure, n’a cessé depuis de défendre son idéologie, en cumulant les dérapages homophobes et sexistes. En 1990, Margaret Court s’était déjà illustrée en déclarant au sujet de Martina Navratilova : « Elle est une grande joueuse. Néanmoins, j’aimerais que les jeunes joueuses prennent exemple sur quelqu’un d’autre. C’est très mauvais pour les enfants d’être exposé à l’homosexualité. Martina est une belle personne. Sa vie s’est juste égarée », comme le rappelle The Guardian. En 2009, lors de la Hopman Cup, elle s’était offusquée de la robe d’Alizé Cornet, qui était selon elle trop courte et trop sexy. En janvier 2012, après un appel provenant notamment de Kerryn Phelps, l’une des femmes homosexuelles les plus connues d’Australie, pour renommer la « Margaret Court Arena », à la suite d’une nouvelle déclaration fleurie de Margaret Court, à propos du mariage pour tous, Craig Tiley, l’actuel directeur du tournoi de l’Open d’Australie, avait déclaré à The Australian que la : « Margaret Court Arena a été nommée ainsi en reconnaissance des succès et du palmarès de Margaret Court, qui a cependant le droit d’exprimer son point de vue. » Huit ans après ce laconique et tiède commentaire concernant la Native d’Albury, il est peu probable de voir renommer, un jour, ce court. Toujours en 2012, c’était Billie Jean King, porte-parole de la cause homosexuelle, qui avait ardemment écarté cette idée, se réfugiant derrière l’image iconique de la championne australienne, avant de lâcher, finalement, recemment, sa vieille amie. En novembre dernier, c’est par un communiqué, parfaitement ciselé et dans un remarquable exercice de contorsion, que les organisateurs de la première levée du Grand Chelem de l’année avait annoncé les festivités prévues à l’Open d’Australie 2020, afin de « célébrer » le cinquantième anniversaire du Grand Chelem réalisé par Margaret Court, la championne, qui est également attendue comme invitée à Melbourne Park, une première depuis l’édition 2017. Une invitation vivement critiquée par les associations locales des droits gays et lesbiens. Un communiqué précisant également que Tennis Australia, la Fédération australienne de tennis, organisatrice du Majeur australien, ne partage pas les points de vue de Margaret Court « qui ont dégradé et blessé de nombreuses personnes de notre communauté au cours des dernières années. Ils ne correspondent pas à nos valeurs d’égalité, de diversité et d’inclusion.» Questionné, en novembre dernier, en marge de la présentation des ramasseurs de balles oeuvrant à l’Open d’Australie 2020, Graig Tiley, le directeur du tournoi, avait déclaré à The Age : « Les fans auront le droit d’exprimer – lors du tournoi – leur condamnation ou leur soutien à (Margaret) Court. » Alors qu’une potentielle contestation peut se manifester au sein du stade, Mister Tiley avait rétorqué : « Cela dépendra vraiment de ce que les fans veulent exprimer. » Malgré tout, il est déjà annoncé que toute potentielle protestation sera traitée en collaboration avec la police et la sécurité du tournoi, qui ont mis en place « des processus permettant d’atténuer toute action potentielle. » Pour conclure son année 2019 en apothéose, Margaret Court avait également tenu des propos controversés, lors de son sermon, concernant les enfants transgenres, comme le révèle le New Zealand Herald. Lors de sa vie de championne, Margaret Court a été en avance sur son temps. De par son style de jeu, ses entraînements, sur et en dehors des courts, l’Australienne a initié l’évolution du tennis féminin. Elle, qui a connu une enfance chaotique et une adolescence durant laquelle elle n’aimait pas s’entraîner avec les filles, est parvenue malgré tout à se réaliser à travers le tennis. Aujourd’hui, au-delà de ses croyances, force est de constater qu’elle est considérablement en retard sur son époque. Celle qui garde comme livre de chevet la Bible, dans laquelle est, notamment, écrit « aimez-vous les uns les autres », semble avoir oublié, définitivement, ce « commandement ».

E-A