Louis Delcour, de Lille à l’université de l’Alabama

Louis Delcour, de Lille à l’université de l’Alabama

24 août 2022 Non Par SoTennis

De plus en plus répandue, notamment chez les joueurs Français, l’étape université américaine offre l’avantage de poursuivre ses études et d’entrevoir le circuit ATP. Louis Delcour est l’un de ces Frenchies qui a décidé de tenter l’aventure. Le gaucher Chti poursuit, depuis 2019, son chemin tennistique, désormais frappé du sceau made in USA.

Pourquoi êtes-vous parti aux Etats-Unis ?

Je connaissais pas mal de copains qui étaient à l’Université aux Etats-Unis et ils me parlaient des matches universitaires. J’avais commencé à regarder en ligne quelques vidéos pour voir. J’ai commencé à parler à plusieurs entraîneurs, puis je suis passé par l’agence de Patrick Mouratoglou pour y aller. Je suis parti aux Etats-Unis en janvier 2019 pour aller à l’Université de South Alabama, où il y avait d’autres Français et où l’équipe (de tennis, les Jaguars) marchait plutôt pas mal. Venant du Nord de la France (ndlr: de Lille où il a grandi), je voulais un endroit plutôt au sud des Etats-Unis, pour voir quelque chose de différent et avoir une météo assez agréable afin de pouvoir s’entraîner dehors toute l’année. Ce qui m’a aidé à partir, c’est le fait que je puisse combiner l’idée de pouvoir obtenir un diplôme, avec en plus le fait de pouvoir continuer à jouer au tennis à un haut niveau, avec des mecs qui jouent le circuit maintenant, disputer des matches très compétitifs et m’entraîner. Ici, on s’entraîne environ quatre heures par jour.

Est-ce l’université qui prend en charge vos différents frais ?

Une équipe de tennis en D1 universitaire a un total de 450 % de bourse à partager avec tous les joueurs de l’équipe. En général, personne n’a 100 % de frais pris en compte, mais cela s’élève en général à 70, 80 %. Il reste en gros 20 %, soit 5 000 dollars pour toute l’année, ce qui n’est pratiquement « rien » par rapport à la valeur des choses. Nous ne payons pas les entraînements, les raquettes, les cordages, les chaussures, les vêtements et nous ne payons pas l’école. On va payer une petite partie de la nourriture et un peu le logement.

Quelles études suivez-vous ?

Je suis actuellement un bachelor en Finance, qui doit se terminer en mai 2023. Ce qui correspondra à ma dernière année de collège tennis là-bas. J’espère, pourquoi pas, par la suite poursuivre avec un Master.

Avez-vous l’envie, comme d’autres joueurs, qui ont suivi ce même cursus, de tenter votre chance sur le circuit professionnel ?

J’aimerais tout d’abord me donner à fond jusqu’à l’année prochaine. Mon emploi du temps va s’alléger, donc j’aurai plus de temps pour m’entraîner. Je pense que le niveau au collège tennis avec le Covid a rendu le niveau encore plus haut. À l’époque, au début de la pandémie, il y a eu beaucoup de tournois supprimés, un grand nombre de joueurs sont partis aux Etats-Unis pour continuer à s’entraîner. Je connais de plus en plus de jeunes qui se tournent vers ce système universitaire et jouent les tournois, pros en même temps. L’été prochain, j’aimerais disputer les tournois français, afin de voir où j’en suis, en France, et essayer pourquoi pas de jouer quelques tournois Futures et après cela, tenter ma chance. Si cela ne passe pas, j’aimerais bien travailler dans la Finance et faire carrière au sein d’une grande compagnie de sport, en Europe.

Justement, au début de cette pandémie, comment cela s’est passé pour vous, concernant les entraînements, les matches ?

Au tout début, en mars, avril 2020, c’était le plus compliqué, mais c’est assez vite revenu en ordre. À partir du semestre d’après, il fallait se faire tester chaque semaine, mais six mois après le début de la pandémie, on s’entraînait normalement, on jouait les matches universitaires chaque week-end, alors qu’en France, il n’y avait encore aucun tournoi et les joueurs ne pouvaient pas encore totalement s’entraîner. Au sud des Etats-Unis, ils n’ont pas été trop strict au niveau du covid, donc cela nous a permis de nous entraîner normalement comme si tout était « normal ».

C’est quoi l’état d’esprit des entraînements made in USA, par rapport à la France où vous êtes originaire ?

Je trouve que la grande différence par rapport à la France est la durée des entraînements qui sont très durs, très longs où il y a beaucoup de répétitions. On va beaucoup faire de panier, c’est très physique. On va commencer parfois la muscu à 6 h du matin, deux à trois fois par semaine. C’est un entraînement à la dure. En France, c’est, peut-être, un peu plus axé sur la qualité et la technique, alors qu’eux, c’est plus sur la quantité et à aller dans les ressources, pousser, afin de se sentir prêt pour les matches du week-end. Au sujet des matches, je dirais que ce sont des très bons compétiteurs. Les Américains sont des accrocheurs, ils ne vont pas donner. Il n’y a pas de cadeaux. Lors de ces matches universitaires, nous jouons aussi pour notre université, pour les gens que tu côtoies toute l’année, avec qui on s’entraîne tout le temps. Ce sont six matches en même temps. Cela rend la compétition très compétitive.

Vous fixe-t-on des résultats à atteindre ?

La division 1 est divisée en conférence, avec de très grosses conférences comme Texas A&M, où était Arthur Rinderknechn, avec l’université de Georgia où il y avait John Isner. Chaque année, le gros objectif est de gagner la conférence pour ensuite être en national et jouer les plus grandes universités du pays. Il y a une grosse pression au niveau du championnat de conférence en fin de saison. Lors de mes deux premières années, nous avions gagné ce championnat. Cette année, on a perdu en finale. Nous avons une première partie de saison qui s’étale d’août à décembre, où l’on va jouer toutes sortes d’universités. Là, nous jouons essentiellement pour notre classement. On va faire plutôt des tournois individuels pour préparer le spring, qui s’étale de janvier à mai en jouant tous les week-ends, ce qui va faire au total entre 25 à 30 matchs.

©usajaguars

Au niveau de votre jeu, à votre arrivée, a-t-on tenté de le modifier ?

Ils considèrent que nous sommes censés arriver, à 18 ans, avec un bagage technique. Là-bas, ils vont beaucoup plus nous renforcer physiquement. Notre coach, Nicolas Brochu, qui est Canadien, a joué le circuit en double. Aux Etats-Unis, je pense que c’est sur la partie physique et tactique que j’ai progressé.

Depuis plus de trois ans, avez-vous observé l’arrivée d’un peu plus de joueurs français ?

Lorsque je suis arrivé, il y avait déjà deux Français dans l’équipe. Notre coach est francophone. Ça l’aide beaucoup à recruter pas mal de joueurs français. Dans une autre université, le coach peut être hispanique, donc ça va l’aider par exemple à recruter beaucoup de joueurs argentins. Nous, il est francophone, comme il est québécois, donc ça l’aide pour échanger avec les parents des joueurs. Oui, il y a de plus en plus de jeunes qui partent pour venir à l’université ici aux États-Unis. Récemment, j’en parlais avec un autre joueur, Robin Catry, qui joue pour une autre université et nous nous faisions cette réflexion, qu’il y avait de plus en plus de jeunes qui commencent à arriver dans le système universitaire. Auparavant, beaucoup de joueurs juniors Top 50 ou 100 allaient jouer le circuit pro après les juniors. Maintenant, beaucoup passent par cette option université américaine avant de tenter de jouer le circuit.

Maxime Cressy, qui a emprunté ce parcours, a récemment remporté son premier titre sur le circuit principal à Newport, annonce vouloir devenir n°1 mondial, remporter des Grands Chelems en faisant service-volée. C’est ça « l’americain touch » ?

Un truc que j’ai beaucoup vu aux Etats-Unis, c’est que les Américains sont très confiants en eux-mêmes. Parfois, cela peut paraître au-delà du lucide, car il y a des joueurs qui jouent moyennement et peuvent penser qu’ils vont atteindre le Top 100 sur le circuit ATP, alors que ce sont des joueurs amateurs. Avec cette très grande confiance en eux, ils y croient très fortement et c’est ce qui les rend très compétitifs et durs à battre.

Propos recueillis par E-A