Monica Seles, le jour où tout a basculé

30 avril 2013 Non Par SoTennis

Dans la carrière de Monica Seles la date du 30 Avril occupe une place particulière. C’est en effet un 30 Avril 1989 à 15 ans que Monica remporta le 1er titre de sa brillante carrière. Mais cette date est associée surtout à cet horrible vendredi 30 Avril 1993, où à Hambourg la N°1 mondiale s’est faite poignardée à l’âge de 19 ans.

Avant 18h50 où son destin de championne et de femme bascula, Monica incarnait l’invincibilité et la ténacité à l’image de ses performances de l’époque. Elle comptait a seulement 19 ans huit titres du Grand Chelem à son palmarès, sur 14 disputés depuis ses débuts professionnels à Roland Garros en 1989, où elle avait atteint les 1/2 finales dés sa première participation.

Un an plus tard à 16 ans elle remportait le French Open face à Steffi Graf qui compris qu’elle avait une rivale à sa mesure. Jamais une joueuse aussi jeune n’avait connu autant de succès, Seles était un phénomène. En Mars 1991 Monica devient à 17ans N°1 mondiale et gagne notamment 3 titres du Grand Chelem. En 1992 elle remporte 10 tournois dont 3 du Grand Chelem.
Avant cette traumatisante date, il y avait elle et les autres qui vivaient mal cet écrasant succès, Dame Seles commençait à agacer ses rivales, comme ses cris stridents lors des échanges. Mais cette écrasante domination, est stoppée nette ce 30 Avril 1993 à 18h50, à Hambourg  où un homme s’approcha derrière la chaise sur laquelle Monica était assise, lors du changement de côté de son quart de finale contre Magdalena Maleeva. Soudainement cet homme planta un coup de couteau au niveau de l’omoplate de la N°1 mondiale.

Le cri de Seles déchira le silence du court central. Monica se leva et se retourna, et vit cet homme qui venait de tuer en elle l’insouciance et les certitudes d’une jeune femme de 19 ans. Après quelques secondes debout, Monica tomba de douleur, soutenue par quelques personnes dont son frère Zoltan, avant d’être très rapidement évacuée vers l’hôpital le plus proche. A 20h30, bonne nouvelle, Monica était hors de danger, ni le poumon, ni la colonne vertébrale n’avaient été touché par la lame de 12 centimètres. Son agresseur un Allemand grand admirateur de Steffi Graf justifia son geste par cette phrase “Je n’ai pas voulu la tuer, seulement l’empêcher de jouer” avant de préciser qu’il souhaiter “éliminer Monica” pour que sa favorite redevienne N°1 mondiale. Malheureusement pour Monica, l’objectif de son agresseur sera atteint. Choquée par cette terrible agression Steffi Graf retrouva Seles à l’hopital le temps d’une visite de courtoisie, les deux jeunes femmes sont émues et l’Allemande est terriblement gênée de cette situation. Lors de cette visite Monica est stupéfaite d’apprendre que le tournoi continué. La blessure physique empêcha Monica de jouer pendant quelques mois, pendant ce temps Steffi Graf accumula les titres, et remporta de nouveau Roland Garros 1993, sans avoir un seul mot pour sa rivale lors de la remise des coupes.

Pour revoir Seles sur un court de tennis, il fallut attendre deux ans et trois mois. Entre temps, la championne recluse dans le silence, avait connu la dépression née de l’agression dont elle avait été victime, et accentuée par l’annonce des deux cancers de son père, et par la mise en liberté de son agresseur, jugé irresponsable de ses actes. C’est à ce moment, que Monica tomba dans la boulimie, et prit rapide des kilos superflus. Loin d’un circuit féminin qui ne voulait plus d’elle (après un vote auprès des 20 premières joueuses au classement wta, toutes à l’exception de Gabriela Sabatini qui s’abstenue, refusèrent de geler symboliquement la place de N°1 qu’occupait Seles), Monica sombra.

Après un long chemin de croix Monica Seles effectua son retour sur les courts à l’occasion d’une exhibition en 1995 à Atlantic City face à Martina Navratilova, elle avoua à cette occasion qu’elle avait subi une psychothérapie. Quelques semaines plus tard le 20 Août 1995 à Toronto, lors de son tournoi officiel de rentrée, Monica Seles remporte son 33ème titre de sa carrière après avoir survolé le tournoi. Trois semaines plus tard, elle était finaliste de l’US OPEN contre Steffi Graf dans une rencontre chargée d’émotions, remportée par l’allemande 7-5 0-6 6-3. Monica ne tarda pas à remporter un neuvième titre du Grand Chelem, dés l’Open d’Australie 1996, sous les yeux des ses parents heureux de la revoir de nouveau heureuse. Mais Monica en resta là. L’état de santé de son père s’aggrava, la saison 1997 fut un véritable calvaire “La pire de toutes. Presque à chaque match, je me demandais ce que je faisais là” confia t-elle. Au cours de l’hiver 1997-1998, elle resta au chevet de celui qui lui avait presque tout appris.

En mai 1998, la mort mit un terme a sa souffrance de voir son entraîneur, ami et père dépérir. Encore une fois Monica réagit de la plus incroyable des manières, en disputant quatre semaines plus tard malgré un manque de préparation, la finale de Roland Garros. Elle s’inclina contre Arantxa Sanchez Viccario en trois sets. “J’ai longtemps hésité avant de jouer Roland Garros, mais je savais que mon père aurait voulu que je joue. Et puis c’est un endroit où j’ai tellement de souvenirs heureux avec papa. C’est un échec qui a été plus douloureux que les autres.” déclara t-elle.

Monica Seles n’a plus jamais disputé la moindre finale d’un tournoi du Grand Chelem, l’avènement d’une nouvelle génération de joueuses plus puissantes, fut un nouveau défi, d’autant plus difficile à relever que Monica fut blessée et qu’elle lutta avec sa propre condition physique en raison d’un excès de poids. Les 9 dernières années de sa vie de championne furent un véritable calvaire personnel. Enfermée dans une terrible solitude Monica se réfugia dans la boulimie pour tenter de calmer son angoisse et ses démons.
Bien que figurant toujours parmi les toutes meilleures, Monica ne trouva plus jamais la plénitude de ses moyens. C’est en 2003 à Roland Garros, sur un dernier contre pied que la petite souris de Novid Sad s’en est allée vers un nouveau destin.

Le 14 février 2008 elle officia sa retraite sportive. Entre son dernier match officiel disputé et cette date, elle tenta de soigner sa blessure au pied qui provoqua finalement la fin de sa brillante carrière, mais elle profita surtout dans sa villa de floride , de son temps pour ranger sa vie, et réapprit le bonheur de manger avec modération. En quelques mois, sans régime Monica perdit ses kilos de malheur. En 2009 elle dévoila dans sa seconde autobiographie (Getting a Grip on my body, my mind, my self) son long chemin parcouru pour être enfin pleinement épanouie.

Aujourd’hui Monica est une femme libre qui a su avec intelligence et opiniâtreté reprendre le contrôle de sa vie. Ce 30 Avril 1993 fait désormais partie du passé, celui d’une championne d’exception qui a connu la gloire et l’adversité, mais qui s’est toujours relevée.

E.A