Plus qu’une «Decima»

25 mai 2017 Non Par SoTennis

Après avoir remporté pour la dixième fois, les tournois de Monte-Carlo et Barcelone, en avril dernier, Rafael Nadal est en bonne posture de réaliser la même chose à Roland-Garros. Pouvant ainsi s’offrir une « Decima » inédite, dans son tournoi du Grand Chelem préféré, qui aurait une saveur toute particulière pour lui, son équipe et ses sponsors.

Rafael Nadal / ©SoTennis

Rafael Nadal / ©SoTennis

« Gagner le même tournoi dix fois, c’est incroyable. C’est énorme. C’est difficile d’expliquer ce que je ressens et les sensations que me procurent cette victoire. » Voilà comment Rafael Nadal nous a résumé son état d’esprit, après s’être imposé pour la dixième fois au tournoi ATP 500 de Barcelone, le 30 avril dernier. Une semaine plus tôt, sur le Rocher, l’ogre de la terre battue avait également brandi pour la dixième fois, la coupe du vainqueur, et avait tenu à quelques mots près le même discours. Un « speech » qui pourrait également résonner sur le court central de Roland-Garros, le 11 juin prochain, jour de la finale du simple Messieurs. Une hypothèse qui s’appuie tant sur les récents résultats du Majorquin, que sur sa farouche détermination à reconquérir la Coupe des Mousquetaires qu’il n’a plus soulevée depuis 2014, autant dire une éternité. L’an dernier, l’actuel n°4 mondial s’était présenté, la mort dans l’âme en conférence de presse, le visage attristé, pour déclarer forfait avant son troisième tour, la faute à un poignet gauche en vrac. En quittant Paris, empli de déceptions, il s’était alors fait la promesse d’y revenir en pleine possession de ses moyens et d’essayer encore une fois, d’apposer son nom au palmarès. Professionnel depuis 2001, Rafael Nadal sait parfaitement que les années passent, mais qu’elles ne se ressemblent pas. Après avoir pansé ses maux, c’est à Manacor que l’insulaire a organisé et a travaillé à sa saison 2017, avec comme point d’orgue Roland-Garros, où il aspire à atteindre la « Decima ».

Coup droit fatal

Après avoir atteint trois finales (Open d’Australie, Acapulco et Miami), c’est sur sa terre chérie que Rafael Nadal a retrouvé le chemin de la victoire. Vainqueur cette saison à Monte-Carlo, à Barcelone et à Madrid, l’Espagnol a surtout retrouvé son coup droit, celui qui fait mal. « Avant de débuter la saison 2017, lorsque nous étions à Manacor (NDLR : à la Rafa Nadal Academy), nous avions beaucoup échangé sur le fait qu’il fallait que Rafael récupère son coup droit. En particulier pour Roland-Garros, qui reste à chaque fois un moment important pour nous. Depuis le début de l’année, notamment lors de la saison sur terre battue, Rafael a de nouveau un coup droit qui fait mal » nous confie Toni Nadal, qui vit auprès de son neveu, sa dernière saison comme coach. Un coup droit joué également de manière plus agressive. Une volonté de son nouvel entraîneur et ami Carlos Moya, qui depuis le début de l’année s’efforce à lui conseiller de poursuivre dans cette filière de jeu. Véritable baromètre de l’état de confiance du nonuple vainqueur de Roland-Garros, ce coup droit lasso tant redouté par ses adversaires, a été inlassablement répété et travaillé à l’entraînement, ces derniers mois avec des exercices ciblés en fin de séance.

« Son coup droit est la jauge de sa confiance ou de son stress. Ces dernières semaines, il était intéressant d’observer son niveau de concentration pour ce coup et le fait qu’il gagnait rapidement des points avec. Tout le monde sait sur le circuit que son coup droit et son meilleur coup. Mais contre les membres du Big 4, évidemment que cela ne suffit pas. Ce qu’il a démontré aussi ces dernières semaines, c’est qu’il était aussi compétitif avec son service, avec son revers et qu’il avait une bonne couverture de terrain » analyse pour nous Angel Rigueira journaliste au Mundo Deportivo. Il n’y a qu’à consulté les statistiques version 2017 du Majorquin, sur terre battue, pour s’en apercevoir un peu plus (70 % en premier service, 73 % de points gagnés après son premier service, 88 % de ses jeux de service gagnés, 68 % de balles de break sauvées. Pour 17 matchs gagnés de suite pour une défaite. Source ATP World). Délesté de ses inquiétudes sur l’état de son poignet gauche, Rafael Nadal joue donc désormais sans craintes et sans bobos et enchaîne les victoires. De quoi (re)donner le sourire notamment à ses nombreux sponsors, qui comptent bien, en cas de succès à Roland-Garros, exploiter dans les moindres détails ce nouveau titre à Paris.

Money, money, money

Depuis son premier titre décroché en 2005 à Roland-Garros, Rafael Nadal a séduit pléthore de sponsors. Sa popularité, sa réussite modeste et sa disponibilité, ont fait de l’Espagnol une valeur sûre auprès des marques. Aujourd’hui, Nike, Babolat, Kia, Telefonica, la marque de montres Richard Mille, la banque Banco Sabadel, l’assureur Mapfre, Tommy Hilfiger se sont associés à l’image du Majorquin. Même lors des périodes moins fastes, comme en 2015, ils lui sont restés fidèles. En 2016, l’ex-n°1 mondial avait empoché pas moins de 37, 5 millions d’euros dont 32 en sponsoring. Une Decima à Roland-Garros serait une parfaite occasion pour toutes ces marques de communiquer autour de cet abyssal nombre, incarnant courage, ténacité et confiance en soi. Du côté de la marque à la virgule, qui a déjà prévu un plan marketing bien ficelé en cas de victoire de Rafa au French Open, c’est Jordi Robert, alias Tuts, qui s’occupe du look de Nadal. À Roland-Garros l’Espagnol arborera, comme toujours, sur les courts sa propre tenue, choisie il y a des lustres avec son ami et designer de chez Nike. Tee-shirt violet, bandeau noir, short blanc, chaussettes noires, chaussures violettes, où le chiffre neuf est inscrit, rappelant ses précédentes victoires à Paris. Voilà comment le Majorquin foulera, pour ses matchs, les terrains de la porte d’Auteuil, et permettra à son équipementier d’engranger des millions de ventes à travers le monde. Icône mondiale, les nombreux sponsors de l’Espagnol notent avec délectation l’effet « Rafa Nadal » sur leur chiffre d’affaires, leur notoriété et ne boudent pas leur plaisir sur leur retour sur investissement. Babolat, qui accompagne l’actuel n°4 mondial depuis « toujours » (NDLR : Rafa a signé son premier contrat avec la marque lyonnaise à l’âge de 13 ans), tissant très vite avec lui des liens de confiance bien plus forts que l’aspect pécuniaire, a pu s’en rendre compte très concrètement. « Sa première victoire à Roland-Garros, en 2005, a eu plusieurs impacts à l’échelle mondiale pour Babolat, abonde Jean-Christophe Verborg, directeur compétition et partenariats chez Babolat. Le premier impact, a été l’installation du produit aeropro drive, c’était le nom de sa raquette, jaune et noire, lorsqu’il a gagné à Roland-Garros en 2005. Le mois qui a suivi cette victoire à Roland-Garros, sa raquette s’est imposée comme un standard. Le grand public qui se rendait dans un magasin de sport pour acheter une raquette, demandait souvent la raquette jaune de Rafa. Progressivement, les passionnés, les fans, ont fait le lien entre Rafael Nadal, la raquette jaune, et Babolat. Cette victoire a également renforcé la position de Babolat dans l’industrie de la raquette. Chez Babolat, les premières raquettes de tennis ont été lancées en 1994. Cette victoire a donné une grande dynamique et une grande notoriété à l’entreprise, avec un formidable joueur. Nous avons développé entre autres avec lui la marque Babolat, ses produits et ses innovations. Il est l’un de nos meilleurs ambassadeurs. Le jour où il décidera d’arrêter sa carrière professionnelle le partenariat Babolat – Rafa Nadal continuera dans le temps. Ce n’est pas qu’une histoire d’argent loin de là. Il y a avant tout, une relation de grande confiance.»

Nous

Une confiance qui est également présente au sein du clan Nadal. Entre Toni, son entraîneur depuis toujours, Carlos Moya l’ami et coach, Francis Roig son troisième entraîneur, ses agents, Rafael Maymo, son kiné, Sébastian, son père, et Rafa, règnent une confiance totale les uns envers les autres. Un nouveau titre à Roland-Garros, pourrait être un formidable « cadeau » pour tout ce clan, qui n’a pas forcement été à la fête depuis deux ans. En particulier pour Toni, qui vit sa dernière saison au côté de son neveu, qui, dès l’an prochain s’occupera de leur académie à Manacor. Une Decima à Roland-Garros aurait alors une symbolique particulière. Même si le principal intéressé se refuse, publiquement, de s’appesantir sur cette possible Decima, tonton Toni sait déjà toute la valeur qu’aurait ce dixième titre à Roland-Garros, leur quinzième en Grand Chelem. Comme toujours, c’est par le nous, faisant écho à leur fantastique relation, que Toni Nadal parle de Rafa et pense à Roland. « Ce serait incroyable que Rafael gagne encore une fois à Roland-Garros, mais pas forcement pour la Decima. Chaque victoire à Roland-Garros reste incroyable. Nous le savons que remporter ce tournoi est loin d’être simple, c’est pour cela que c’est incroyable. Rien n’a été plus fort que le voir soulever là-bas, le trophée du vainqueur. Avec Rafael, j’ai appris beaucoup. Je l’ai vu jouer contre Federer, Djokovic, Murray, Gasquet, Monfils… de tous ces joueurs nous avons appris quelque chose » nous dit Toni. Dans ces conditions, remporter une nouvelle fois Roland-Garros pourrait être pour Rafael Nadal l’acmé de sa carrière. Mais l’Espagnol est beaucoup trop expérimenté pour se laisser perturber par la belle histoire que l’on aimerait écrire en avance pour lui. Préférant se concentrer sur celle qu’il écrit avec les siens au jour le jour. « Je pense que Rafael Nadal a encore en lui, le jeu, la passion et la volonté pour aller gagner son dixième Roland-Garros. Le 3 juin prochain, il fêtera ses 31 ans et il a encore toutes les qualités pour accrocher ce Grand Chelem encore une fois à son palmarès. Je pense que c’est pour cela qu’il est encore sur le circuit ATP. Parce qu’il se sent compétitif et qu’il a un autre Roland-Garros dans sa raquette. C’est ça qui est important pour lui et pour son équipe. Roland-Garros reste le moment le plus important de sa saison » dixit Angel Rigueira (journaliste au Mundo Deportivo). Un moment que l’ogre de la terre battue, s’apprête à vivre comme toujours, avec une dose de déterminisme et d’abnégation.

Propos recueillis par E-A