Rafael Nadal : «Je joue avec ce que je connais le mieux»
16 mai 2016Après un début de saison en dents de scie, c’est sur sa terre chérie que Rafael Nadal a retrouvé le chemin de la victoire. Pour y parvenir, l’Espagnol n’a pas ménagé ses efforts et n’a pas hésité à bousculer ses habitudes, à commencer par sa raquette et son cordage.
À le voir frapper puissamment et intensément cette balle de tennis tout en la contrôlant parfaitement dans le court, en réalisant ses fameuses « Nadalada » (son geste en coup droit est surnommé ainsi par ses amis à Manacor), il est difficilement imaginable que Rafael Nadal était, il y a tout juste un an, en proie au doute. Un doute qui l’a souvent fait déjouer, mais qui n’a pas empiété sur sa féroce envie de retrouver son niveau de jeu d’antan et de se débarrasser de cette pièce rapportée, devenue beaucoup trop encombrante. Pour cela, le Majorquin fidèle à sa réputation, s’est noyé dans le travail et a cherché des solutions. L’une des premières a été de changer de raquette. Ainsi, à la surprise générale, le nonuple vainqueur de Roland-Garros, peu enclin depuis le début de sa carrière à changer son matériel, débarquait en avril 2015 à Monte-Carlo, avec une raquette prototype, avant de prolonger l’expérience lors du tournoi de Barcelone. Après des résultats relativement peu concluants, l’ogre de la terre battue avait décidé de revenir à son ancien modèle connecté, pour la suite de la saison sur terre battue. Néanmoins, l’idée et le besoin de faire évoluer son matériel de travail, avaient fait son chemin dans l’esprit de « Rafa » et du clan Nadal. Son équipementier de toujours, Babolat, a une nouvelle fois accompagné son champion dans cette phase si délicate pour un tel joueur. «Rafael avait exprimé des souhaits et il était très motivé pour essayer des nouveautés, dixit Jean-Christophe Verborg, directeur compétition et partenariats chez Babolat. Les premiers tests avec « Rafa » avaient commencé à Manacor en novembre et décembre 2014. À cette occasion, nous lui avions présenté des raquettes qui étaient encore en cours de développement. D’ailleurs tout n’était pas achevé, comme les bandes à canon qui n’étaient pas encore définitives. Le but était d’avoir son retour sur ce qu’il avait eu comme sensations lorsqu’il avait joué avec, précise-t-il. En avril 2015, « Rafa » a souhaité essayer une nouvelle raquette. Pour nous, cela a été une aubaine, car il a accepté pour lui, mais aussi pour le développement de cette dernière, en l’utilisant en match. C’est ainsi qu’il a joué l’an dernier le Masters 1000 de Monte-Carlo avec un prototype, ce qui nous a apporté beaucoup d’informations, pour la suite de son développement. Chez Babolat, nous impliquons toujours nos joueurs dans le développement des raquettes, avec comme leitmotiv l’innovation.» Face à des adversaires jouant de plus en plus tôt à l’intérieur du court en bouclant le point en deux trois coups de raquette, l’ex-n°1 mondial, avec une confiance en berne, avait au cours de la majeure partie de la saison 2015 perdu une grande partie de l’efficacité et le spin de son coup droit. Mais encore une fois, l’Espagnol s’est servi de ses déconvenues passagères pour s’améliorer et transformer une faiblesse en force.
Travailler pour 2016
Comme il a façonné sa condition physique, Rafael Nadal a travaillé sa nouvelle raquette, la Babolat Pure Aero Play (tamis de 645cm2, poids préparés 314g, équilibre 32,6cm, données identiques depuis deux ans). Celle qui l’utilise depuis janvier 2016, avec de fortes ambitions. Un modèle relativement similaire à l’ancienne, conçu spécialement pour lui, après de nombreux échanges avec les équipes de Babolat lors de son chemin de croix de 2015, qui lui procure néanmoins aujourd’hui un peu plus de spin, l’effet qui lui faisait notamment défaut l’an dernier. «Le modèle de raquette que j’utilise actuellement est relativement similaire à l’ancien. J’en suis satisfait, même s’il y a toujours moyen d’améliorer certaines choses au niveau du matériel nous précise le Majorquin. Actuellement, cela n’est plus le moment pour être dans cette optique-là. C’est surtout le moment de jouer avec ce que je connais le mieux et c’est ce que je fais.» Une nouvelle raquette qu’il a eu en version définitive, en décembre 2015. C’est à Manacor, comme toujours à cette époque de l’année, que le team Babolat avait débarqué. «Il y a eu un travail qui s’est fait tout au long de l’année, précise Jean-Christophe Verborg. Lorsque nous avons rapporté au mois de décembre sa raquette à « Rafa », les choses étaient faites à 99,9%.» Fidèle à ses repères visuels, Nadal a malgré tout «lâché» du leste sur les couleurs de son outil de travail, même si le jaune prédomine toujours. Après avoir validé tout cela sous l’œil très concerné de son entraîneur de toujours, Toni Nadal, il a alors abordé sa saison 2016 avec un peu plus de sérénité. Une sérénité qui s’est caractérisée par une longueur de balle et un coup droit retrouvé. Mais Nadal reste Nadal, un éternel insatisfait. «Je suis satisfait de rien (sourire) nous lance-t-il. C’est toujours important de s’améliorer et de faire mieux. Je suis heureux de la manière dont je joue, mais il est possible de faire mieux, même si mes récents résultats sont positifs. Mon principal but est d’être meilleur chaque jour.»
Dans les cordes
Une insatisfaction « chronique » qui l’a poussée en début d’année à tenter aussi d’utiliser un nouveau cordage, en abandonnant son RPM Blast (adopté en 2010 qui lui a permis de frapper plus fort), pour jouer avec un autre monofilament, le Luxilon Big Banger Original, tout en conservant la même tension (25kg). Une prise de décision qui n’a pas forcément étonné celui qui le suit depuis le début de sa carrière chez Babolat, Jean-Christophe Verborg. «Rafael a cette intelligence, comme beaucoup d’autres joueurs de notre team, de se challenger et de nous challenger, à des moments où il a besoin de peut-être essayer autre chose nous précise-t-il. Je ne suis pas surpris par cette prise de décision. Je savais qu’il avait besoin de tester des choses. Nous lui avons clairement dit, en toute confiance, de faire ce qu’il souhaitait faire, afin qu’il soit (r)assuré de ses choix. De notre côté, nous avons continué à travailler sur ce cordage, dans l’optique de l’améliorer, avec les retours qu’il nous donnait de ce qu’il avait testé. Au final, il joue de nouveau avec son Babolat RPM Blast, dont il est très content. Tout le travail d’anticipation que nous menons chez Babolat, nous offre l’opportunité d’apporter une réponse aux souhaits des joueurs. C’est de cette capacité à innover et à se remettre en question qui permet aussi tout cela, pour les pros et les joueurs de club.» En effet, après une tournée sud-américaine en demi-teinte, où son nouveau cordage l’a déconcerté (pas assez de contrôle, son lift lui faisait trop bouger les cordes), Nadal a décidé de retourné au bercail, en utilisant de nouveau dès le mois de mars son RPM Blast, avec à la clé une demi-finale au Masters 1000 d’Indian Wells. Un choix qui « satisfait » également Tonton Toni. «Lors des premiers tournois du début d’année, nous avons eu quelques problèmes avec son cordage, nous dit Toni Nadal, car nous avions choisi de tenter quelque chose de nouveau. Mais ce ne fut pas satisfaisant. Désormais tout est bon.»
Toujours Connecté
Une raquette repensée, un cordage ajusté, et des données toujours très connectées. Car s’il y a bien une chose qui n’a pas changée pour Rafael Nadal, c’est bien que sa raquette soit restée justement connectée. Un aspect qui ravi le principal intéressé, qui utilise depuis janvier 2015 cette nouvelle technologie et qui voit en elle l’avenir du tennis 3.0. «C’est quelque chose de nouveau dans le monde du tennis clame-t-il. C’est intéressant de consulter certaines données, après les entraînements, comme celles du service. Cela m’a aidé à progresser. Cette raquette connectée est intéressante pour les joueurs professionnels mais aussi pour les amateurs. On peut ainsi partager nos statistiques et les amateurs peuvent se « comparer » à nos jeux. Cet aspect-là est une aide supplémentaire pour toujours s’améliorer. Je pense que cette aide sera plus importante pour les futures générations.» Avant de penser à demain, le clan Nadal reste dans le présent et utilise à fond cette innovation. En premier lieu Toni. «Toutes les choses qui permettent de savoir comment un coup s’exécute, comment plus ou moins lifter est une très bonne chose constate-t-il. Je regarde souvent cela après ses entraînements et ses matchs. C’est un aspect de plus, pour mieux appréhender ce qui a faire sur le court. Parfois, cela peut être difficile d’expliquer certains points, comme le service, la zone d’impact, mais avec la raquette connectée et son application, c’est plus simple. C’est un avantage non négligeable». Plus serein sur le court, rassuré par son matériel de travail, Rafael Nadal aborde le tournoi de Roland-Garros avec une confiance au beau fixe. Ce qui n’a pas échappé à Tonton Toni. «Son niveau de jeu est très bon. À Monte-Carlo, Rafael a battu Dominic Thiem qui, je pense dans quelques années est en bonne posture pour gagner Roland-Garros, Stan Wawrinka, n°4 mondial, Andy Murray n°2 mondial, Gaël Monfils, un très bon joueur. À Barcelone il a battu en finale Nishikori précise-t-il. À Madrid il est arrivé jusqu’en ½ finale, à Rome il ne perd que face à Djokovic. Le niveau de jeu de Rafael n’est pas uniquement bon qu’en match, il est aussi lors des entraînements. Pour faire un bon Roland-Garros il faut faire de bons tournois auparavant.» Sans nul doute, la décima à Roland trotte dans l’esprit du taureau de Manacor depuis un petit moment. Lui, qui tentera d’aller la chercher aussi, avec sa raquette.
Propos recueillis par E-A
Trés bon article eliacin sur Raphaël Nadal. Je ne savais pas qu’il avait changé de raquette
Amitiés
Bertrand