Rafael Nadal, ainsi va la vie

Rafael Nadal, ainsi va la vie

19 novembre 2024 Non Par SoTennis

C’est cette semaine, à Malaga, à l’occasion de la phase finale de la Coupe Davis (du 19 au 24 novembre), que Rafael Nadal s’apprête à disputer son ultime compétition, comme joueur professionnel. Une épreuve chère à son cœur, qui s’annonce, aussi, celle d’une célébration.

Soigner sa sortie n’est jamais chose aisée pour un champion. Sans doute encore plus, lorsqu’on a par son palmarès et son tempérament, initié l’évolution de son sport et offert d’inoubliables moments d’anthologie. Bien qu’il avait annoncé en début d’année que cette saison serait probablement sa dernière, le 10 octobre dernier, en postant une vidéo sur ses réseaux sociaux, Rafael Nadal a abandonné le conditionnel, afin de prendre rendez-vous pour dire au revoir, à Malaga, à l’occasion de la phase finale de la Coupe Davis. Tout un symbole. Une épreuve, qui 20 ans plus tôt, à Séville, lui avait procuré ses premiers frissons et l’ivresse de la victoire. C’est dans le collectif et pour l’Espagne (qualifiée en septembre dernier pour cette phase finale), que le Majorquin s’est conditionné à ce dernier défi. « Lorsqu’il a annoncé ça, j’étais à Santander, nous confie Toni Nadal, son oncle et entraîneur jusqu’en 2017. Je n’ai pas vu directement la vidéo. Je savais qu’il voulait arrêter lors de la phase finale de la Coupe Davis, on en avait discuté il y a quelques semaines. Cela reste pour Rafael un moment difficile, car arrêter de faire une chose que tu fais depuis 35 ans et que tu as faite de manière professionnelle durant plus de 20 ans, c’est normal que cela soit difficile de s’arrêter. Néanmoins, je crois que c’est la meilleure décision ! » Après les Jeux olympiques, en août dernier, le Majorquin avait pris le temps de la réflexion et de consulter son clan pour se décider. Sans cesse en délicatesse avec son physique, l’Espagnol était toujours parvenu, après de longues absences, en raison de blessures, à retrouver sa place parmi les meilleurs et à offrir d’improbables retours. Cependant, force est de constater que cette fois, la donne avait changé. « C’était pour lui une habitude de revenir, puis d’avoir à nouveau une blessure, nous dit Toni Nadal. Je crois que durant les deux dernières années, il a « attendu » de réaliser la même chose. Il y a eu de l’attente pour revenir, mais finalement, la décision de s’arrêter s’est imposée ! Il a vu que physiquement, cela ne suffisait pas pour être à un bon niveau et être compétitif. » Dur au mal, l’ex-n°1 mondial avait réalisé un début de saison 2022 sensationnel, où il s’était imposé à l’Open d’Australie et avait conquis à Roland-Garros un quatorzième titre, malgré un pied gauche en vrac, soigné par de multiples injections pour l’endormir. Mais la seconde partie fut plus contrastée, avec plusieurs alertes physiques. Comme à Wimbledon où, blessé aux abdominaux, Rafa s’était retiré au stade des demi-finales. Après une élimination au deuxième tour à l’Open d’Australie 2023, où il avait été touché à la hanche, l’Espagnol avait pris, au mois de mai 2023, la lourde décision de manquer son tournoi préféré à Paris, puis de se faire opérer, début juin, au niveau du psoas gauche. Après une « rassurante » convalescence, il s’était donné une dernière chance pour finir sa carrière sur un court de tennis, au niveau qu’il souhaitait… Après l’annonce du 10 octobre, où les places pour assister aux rencontres de l’Espagne, dans cette phase finale de la Coupe Davis, se sont arrachées, c’est dans son académie, à Manacor, que Rafael Nadal s’était entraîné en vue d’être prêt à disputer cette compétition, en simple ou en double. Arrivé jeudi dernier à Malaga, avec son coach Carlos Moya, c’est sous les yeux de son capitaine, David Ferrer, que l’ogre de la terre battue, a poursuivi sa préparation.

Carlos Alcaraz et Rafael Nadal, lundi à l’entraînement, entourés par Juan Carlos Ferrero (à gauche), Carlos Moya et le capitaine de l’équipe d’Espagne David Ferrer. Matt McNulty/©GettyImages

Lundi matin, lors d’une conférence de presse, avec l’équipe d’Espagne, l’insulaire, questionné sur le sujet, a tenu à planter le décor. « Je ne suis pas ici pour prendre ma retraite, je suis ici pour aider l’équipe, a-t-il déclaré. Les adversaires et les conditions sont difficiles. Les émotions sont pour la fin, en attendant, il faut se concentrer sur ce que l’on a à faire. J’essaie de travailler aussi dur que possible depuis un mois et demi. Comme je ne participe pas très souvent à des compétitions, il est un peu plus difficile de maintenir un niveau constant. Mes adieux seront ce qu’ils seront, ce serait fantastique si l’équipe était compétitive et gagnait la Coupe Davis. Un bel adieu pour moi et une joie pour tout le monde. »

La vie d’après…

Peu prompt au sentimentalisme ou à résumer cette phase finale à ses adieux, Rafael Nadal, avec l’humilité qui le caractérise, reste concentré sur l’éternel présent. Difficile néanmoins de rater l’immense banderole, « Gracias Rafa » déployée sur l’Estadio Ciudad De Malaga situé juste en face du palais des sports, théâtre de cette phase finale de la Coupe Davis.

Difficile aussi d’ignorer, les près de 500 journalistes (du monde entier) accrédités pour suivre cette épopée, tout comme les attentions des organisateurs de le célébrer et l’intention de ses pairs de lui rendre hommage, comme Novak Djokovic (qui ne dispute pas cet événement) ou encore Andy Murray (fraîchement retraité)) mais qui ont rapidement fait savoir qu’ils seront présents dans la capitale de la Costa del Sol. Dès l’annonce de sa retraite, l’Espagnol avait reçu une montagne de messages dépassant sa discipline. « Rafael a tout au long de sa carrière essayé de bien faire les choses et c’est ça le plus important, abonde Toni Nadal. Quand tu quittes une chose et que tu as le respect des adversaires, cela veut dire que tu peux être content de ton travail. C’est ce qu’il a essayé de faire tout au long de sa vie et c’est pour moi le plus important. » Retenu à Rome pour des obligations professionnelles, tonton Toni suivra de loin le dernier tour de piste de son neveu. Néanmoins, le Majorquin, pourra compter, au-delà des 11 300 spectateurs attendus, sur le soutien, entre autres, de ses fidèles partenaires. À l’image de Babolat qui l’accompagne, contractuellement comme joueur professionnel, depuis plus de 23 ans. « Nous sommes partis lundi matin avec Eric Babolat (PDG de l’entreprise) et nous y serons jusqu’à la fin de l’hommage qui sera rendu à Rafa, nous explique Jean-Christophe Verborg, directeur international marketing sportif tennis, pour la marque éponyme. Nous avons cette chance d’avoir été invités par le clan Nadal, pour accompagner Rafa jusqu’à son dernier match. » Un long compagnonnage, dépassant le cadre sportif, qui est prévu de se poursuivre, dans la vie d’après de l’Espagnol. Au moment de raccrocher, l’intéressé l’assure, ce changement ne le préoccupe pas plus que ça. C’est par l’acceptation du mouvement, qu’il compte tourner la page. « Il a beaucoup de choses à faire, nous glisse Toni Nadal. Il a quelques business (notamment dans l’immobilier et la restauration) et beaucoup de choses où il peut passer du temps. Je crois qu’il a créé l’académie (à Manacor) avec la perspective de son après-carrière. C’est un moyen d’être, toujours, en contact avec le tennis. C’est d’ailleurs le but de l’académie. Après avoir arrêté de jouer (de manière professionnelle), il pourra avoir une connexion avec le tennis, les jeunes et avec tout ce qui a été sa vie durant toutes ces dernières années. » Avant de pleinement se projeter sur la suite, c’est entouré de ses coéquipiers et de ses proches, que Rafael Nadal, détenteur de 92 titres en simple dont 22 en Grand Chelem, profite avec simplicité de sa dernière semaine de joueur professionnel, avec la ferme intention de soulever pour la cinquième fois le Saladier d’argent et offrir un dernier frisson.

E-A