Rafael Nadal: «C’est grâce à ça que j’ai pu jouer»

Rafael Nadal: «C’est grâce à ça que j’ai pu jouer»

5 juin 2022 Non Par SoTennis

Rafael Nadal remporte pour la 14e fois le tournoi de Roland-Garros. Dimanche, en finale, le Majorquin a dominé Casper Ruud en trois sets (6/3 6/3 6/0). L’Espagnol a surtout vaincu la douleur pour conquérir un 22e titre du Grand Chelem.

Vous avez remporté un quatorzième titre à Roland-Garros. Comme votre titre à l’Open d’Australie, c’est une de vos victoires les plus surprenantes. Quel est votre état d’esprit après ce succès ?

Il n’a pas changé. Tout est une question de circonstances. Je ne peux pas arrêter ce qui se passe avec mon pied. Ces deux dernières semaines ont été couronnées de succès, mais… Je ne voulais pas parler de mon pied en début de tournoi, justement pour rester concentré sur le tournoi. Mais j’ai eu de nombreuses infiltrations sur le nerf pour endormir le pied, pour le désensibiliser, et c’est grâce à ça que j’ai pu jouer. Mais ce n’est pas sans risques car je ne sais pas comment ma cheville réagit sur certains appuis. Mais c’est Roland-Garros et tout le monde sait ce que ce tournoi représente pour moi.

À la fin du match, on vous a vu verser des larmes. Elles étaient le résultat de votre déception, d’autre chose ?

En fait, je ne savais pas comment gérer mes émotions et les larmes sont arrivées. Je ne voulais pas pleurer sur le court, mais je savais que, victoire ou défaite, j’allais le faire. Je me sens heureuse et triste et ce n’est pas facile à gérer. Je ne sais pas si je dois rire ou pleurer. Je suis venu pour jouer le tournoi et j’ai gagné, mais on ne pourra pas continuer comme ça. La semaine prochaine, je ne sais pas quand, on va essayer un nouveau traitement. Sans trop rentrer dans les détails, il s’agit de brûler le nerf afin de créer une longue période sans douleur, comme celle que je viens de vivre, mais sans avoir besoin d’infiltration. Pour la suite, il faudra que je me pose la question de savoir si je suis prêt à subir une lourde intervention chirurgicale pour tout régler. Mais on va déjà voir comment le nouveau traitement va fonctionner. En tout cas, je veux rester positif. Les infiltrations que j’ai reçues ici ne peuvent pas aggraver ce que j’ai au pied. Mais ça restera un « one shot ». Cela avait un sens de le faire pour Roland-Garros.

Combien d’injections avez-vous eues pendant ce Roland-Garros ? Est-ce qu’il y a eu besoin des AUT ? Est-ce que potentiellement vous êtes hors “service” pour Wimbledon, parce que vous avez ces rendez-vous médicaux ?

Je serai à Wimbledon si mon corps est prêt pour jouer Wimbledon. Wimbledon ce n’est pas un tournoi que je veux manquer. J’adore Wimbledon. Personne ne veut manquer Wimbledon. J’ai eu beaucoup de succès là-bas. J’ai vécu des émotions formidables. J’ai beaucoup de respect pour le tournoi. Et bien sûr, un joueur comme moi, je suis toujours prêt à jouer Wimbledon. Et si on me demande : “est-ce que vous allez jouer Wimbledon ?” Je n’ai pas une réponse claire. Mais si on me demande : “est-ce que vous voulez gagner Wimbledon ?” Oui bien sûr. Je ne veux pas parler de combien d’injections j’ai eues, mais vous pouvez imaginer que j’ai pris beaucoup d’antiinflammatoires. Mais avant chaque match, j’ai dû faire quelques injections.

Vous posez-vous souvent la question : « est-ce que ça vaut le coup? », pas seulement en tant que champion, parce que vous avez gagné aujourd’hui, mais aussi en tant qu’homme pour l’après carrière ? Avez-vous une limite, une ligne que vous ne voulez pas franchir ?

C’est très clair, ce que j’ai au pied ne va pas être pire après ce que j’ai fait, mais il y a un risque d’avoir d’autres problèmes quand vous jouez avec une partie de votre corps qui n’a aucune sensation. C’est un risque que je voulais prendre en jouant ici. Ce n’est pas un risque que je veux continuer à prendre, pour la saison sur gazon. Ça a fonctionné, j’ai remporté le titre ici. J’ai vécu une émotion incroyable, qui va rester gravée dans ma mémoire pour toujours. Donc, ça a du sens pour moi. Ce que j’ai au pied n’a pas empiré après cela. Mais ce sera ma décision par rapport à l’étape suivante de mon avenir. Ma décision claire est que la vie est toujours plus importante qu’un autre titre. Bien sûr, ma carrière tennistique a été une priorité pendant toute ma vie. Mais ça n’a jamais été une priorité par rapport à mon bonheur, dans la vie, donc les choses ont continué à aller dans ce sens. Si je continue à être heureux, à jouer au tennis avec ce que j’ai, je vais continuer si je ne suis pas en mesure de le faire je vais faire autre chose.

Par rapport à la motivation future, est-ce qu’il y a encore des obstacles dans le sport ? Vous avez gagné 22 Grands Chelems, 14 ici, par rapport à la douleur et aux incertitudes, par rapport aux blessures à l’avenir, qu’est-ce qui vous fait aller de l’avant ?

C’est très simple à comprendre. En tout cas pour moi, pour vous c’est peut-être un peu différent. L’idée n’est pas d’être le meilleur de l’histoire et de remporter toutes les victoires. C’est parce que j’aime jouer au tennis et j’aime la compétition. Comme je l’ai dit dans le passé, ce n’est pas quelque chose que je ne sens pas. Nous avons atteint nos rêves, moi-même, Roger, Novak, nous avons atteint des choses que nous ne rêvions même pas ! Ce qui me fait continuer à aller de l’avant, ce n’est pas la compétition, d’être le meilleur ou de remporter plus de Grands Chelems que les autres ; ce qui me fait aller de l’avant, c’est la passion pour le jeu, c’est de vivre des moments qui vont rester en moi pour toujours et de jouer devant les meilleures foules et dans les meilleurs stades du monde. C’est ça qui me motive. Cette passion pour ce que je fais. Bien sûr, après, si je ne me sens plus compétitif, je ne vais pas m’amuser, et c’est tout ! Il ne s’agit pas de remporter le plus de titres. Le but, c’est de me donner la possibilité de continuer à faire ce que j’aime faire.

Propos recueillis par E-A à Roland-Garros