Wimbledon, côté flore

Wimbledon, côté flore

9 juillet 2025 Non Par SoTennis

Singulière, la flore du tournoi de Wimbledon est intrinsèquement liée à la prestigieuse histoire du Grand Chelem londonien. Rattrapé par les vicissitudes de son époque, le fameux Championships poursuit son évolution, afin de maintenir son intemporel et luxuriant décor.

Une fois franchit les portes du All England Lawn Tennis Club (AELTC), où est organisé chaque année le tournoi de Wimbledon, le spectateur est captivé par son luxuriant décor. Dès l’entrée, le mauve et le blanc des agapanthes et autres hortensias, attirent l’œil. Tout comme les nombreuses suspensions de pétunias, aux dominances de violet et de vert, les couleurs du Grand Chelem londonien. Ou encore la mellifère verveine de Buenos Aires. Sans oublier l’incontournable lierre de Boston, tapissant les façades du centre court, cultivé sur le bâtiment original du club-house en 1923. Pour s’occuper de ce « jardin anglais », Martyn Falconer, le chef des jardiniers du fameux Championships, peut s’appuyer sur une équipe de dix jardiniers permanents et deux apprentis. Un contingent qui double temporairement à l’approche du tournoi. Tous les ans, en plus des végétaux présents à l’année sur le site, qui n’en demeure pas moins un club, 27.000 plantes sont livrées aux jardiniers spécifiquement pour Wimbledon. L’essentiel grandit in situ. Mises en pot dans la pépinière du club, où elles commencent à pousser, avant de prendre place, tout juste à temps, dans ce tableau végétal en mouvement. Mais les jardiniers s’autorisent aussi à travailler sur « une palette plus large » de couleurs, notamment « des roses ou des jaunes pastel », mais rien de trop « criard » nuance Martyn Falconer qui travaille au All England Lawn Tennis Club depuis plus de vingt-cinq ans. Une équipe qui doit ainsi veiller, entre autres, sur près de 5 000 hortensias, 12 000 pétunias, plus de 200 corbeilles suspendues et 1 700 bacs, afin de ravir les plus de 500.000 visiteurs de la quinzaine londonienne.

Avec une telle fréquentation, les jardiniers ont mis au point une technique pour prolonger la durée de vie de quelques espèces abîmées par le comportement de certains de ses hôtes. Le “Wimbledon twist”. En retouchant légèrement les plantes endommagées, la durée de vie de ces végétaux peut être prolongée de quelques jours. Au-delà de l’aspect esthétique, le dérèglement climatique s’annonce comme un “défi” pour les jardiniers de Wimbledon. Cette année, l’iconique tournoi sur gazon a été précédé d’un printemps particulièrement ensoleillé et sec. Une tendance qui s’est poursuivie lors des deux premières journées du tableau principal, où les températures ont frôlé les 35 °C. Mettant à rude épreuve la flore. « Cette année, nous avons eu un bon printemps, donc nous avons eu une très bonne croissance et les courts ont été prêts un peu plus tôt qu’habituellement, abonde Neil Stubley, responsable des courts et de l’horticulture, qui officie au All England Lawn Tennis Club depuis trente ans, lors d’un point presse donné le 2 juillet dernier. Nous sommes conscients que les conditions météorologiques changent. Nous avons fait un effort notamment sur les hortensias, que nous plantons ici de manière historique, mais qui ont besoin de beaucoup d’eau pour survivre. Si vous regardez, au cours des 15 dernières années, ces arbustes sont toujours dans les zones visibles des spectateurs, mais il y en a beaucoup moins et ils sont placés à l’ombre. Nous sommes toujours à la recherche des végétaux pouvant s’adapter au mieux aux conditions du moment tout en répondant à notre code couleur. » Afin d’éviter l’évaporation de l’arrosage automatique, un paillage conséquent est installé aux pieds des plantes.

Les pétunias de Wimbledon / ©SoTennis

Les parterres de fleursLes parterres de fleurs situés près de l’entrée du All England Lawn Tennis Club / ©SoTennis

Vue façace centre courtVue sur la façade du centre court avec son lierre de Boston / ©SoTennis

Vue sur le bassin situé face à The HillVue sur le bassin situé face à “The Hill” / ©SoTennis

La cascade, symbole du cycle de la vie  La cascade, symbole du cycle de la vie / ©SoTennis

L'un des bacs à fleurs situé sur le toit terrasse du Pavillon des médiasL’un des bacs à fleurs situé sur le toit terrasse du Pavillon des médias / ©SoTennis

Massif arbustes derrière court 10 et 11  Massif situé derrière les courts 10 et 11 / ©SoTennis

Questionné à plusieurs reprises concernant le volume d’eau utilisé, qui provient du réseau et non, à ce jour, de récupérateurs d’eau de pluie, tant pour ces végétaux que pour l’entretien des courts en gazon naturel, Neil Stubley a botté en touche, apportant néanmoins cette précision : « Chaque terrain est équipé de capteurs afin d’adapter son irrigation (ndlr: 18 courts sont utilisés pour la compétition). Nous étudions ces données quotidiennement. La météo en Grande-Bretagne est souvent généreuse en eau. Si nous pouvons en utiliser le moins possible, c’est que nous pouvons aussi compter sur Mère Nature. Mais nous nous adaptons aux conditions. C’est toujours un défi pour nous. Même si nous sommes préparés, on ne sait jamais comment les championnats vont se dérouler, car c’est une surface vivante qui va réagir à l’atmosphère et aux conditions climatiques. » Pour réaliser ces courts en gazon, qui accueillent 3 177 heures de jeu pendant les championnats, dix tonnes de semences (ndlr : ray-grass anglais à 100 %) sont utilisées chaque année. Deux cents tonnes de terre sont consacrées pour niveler les terrains. Durant le tournoi, ces glorieux tapis verts sont tondus à huit millimètres, à l’aide de tondeuses électriques, depuis 2017. Mêlant tradition est modernisme, la scénographie végétale de Wimbledon s’accorde quelques pas de côté. En 2023, c’est un arbre en bronze « The serving ace meeting tree », qui a été installé au cœur d’une mini-place ombragée, située derrière le court 1. La structure d’1,4 tonne réalisée par l’artiste Marke Reed (ndlr : elle a nécessité 6 000 heures de travail), fait écho à l’athlète, en équilibre, figé en plein service. Sur ses branches, on peut apercevoir des oiseaux ou des chenilles, équipés…d’une raquette de tennis.

Arbre bronze Wimbledon « The serving ace meeting tree » / ©SoTennis

Vue coursive court 1Vue sur les coursives derrière le court 1 / ©SoTennis

Une fois le tournoi terminé, une sélection de plantes est donnée à des associations caritatives locales. Les membres du personnel peuvent également en acquérir. Les bénéfices sont reversés à la Fondation Wimbledon. Le All England Lawn Tennis Club, qui veut tripler la superficie du site de Wimbledon pour rapatrier les qualifications, actuellement disputées à Roehampton, prévoit de réaménager un ancien terrain de golf dont il est propriétaire. Un investissement de 200 millions de livres (environ 231 M€) avec 39 nouveaux courts, dont un de 8 000 places. Avec comme ambition, aussi, d’augmenter la capacité d’accueil de 42 000 à 50 000 spectateurs par jour. Néanmoins, le collectif « Save Wimbledon Park » a lancé une procédure judiciaire, dont l’audience a débuté ce mardi, contre ce projet d’agrandissement du AELTC, accusé de bafouer des restrictions juridiques liées à la préservation d’un parc classé. La contestation, appuyée par près de 250 manifestants, vise à faire annuler le permis de construire accordé par l’Autorité du Grand Londres en 2023. Le collectif craint que cette expansion conduise à l’aménagement d’autres terrains protégés dans la capitale britannique. De son côté, le All England Club, affirme avoir respecté la légalité du processus et vante un projet bénéfique pour la communauté locale. Un second acte judiciaire est prévu en janvier 2026, cette fois à l’initiative du club, qui cherche à démontrer que le terrain de golf n’est pas soumis à certaines restrictions de l’engagement pris en 1993. Avant de voir, peut-être, s’étendre sa superficie, la flore du tournoi de Wimbledon continue d’émerveiller toutes celles et ceux qui ont le privilège de fouler le sol du Grand Chelem anglais. Pour perdurer, les jardiniers du club sont parvenus à réinventer méticuleusement un décor en mouvement, mais qui semble, paradoxalement, toujours avoir été là.

E-A à Wimbledon