Bernard Giudicelli : «Un retour aux sources»

6 avril 2017 Non Par SoTennis

Bernard Giudicelli est devenu le 18 février dernier le treizième président de la Fédération française de tennis. Depuis, celui qui est réputé pour être travailleur mais aussi autoritaire, n’a pas tardé pour commencer à mettre en œuvre ses engagements de campagne. Lui, qui souhaite, avec ses méthodes, développer la culture de la gagne.

Bernard Giudicelli est le président d'une FFT en reconstruction /©SoTennis

Bernard Giudicelli est le président d’une FFT en pleine évolution /©SoTennis

Le 18 février dernier, vous êtes devenu, après une âpre campagne, le 13e président de la Fédération française de tennis. Plus d’un mois après votre prise de fonction, quel « bilan » tirez-vous de vos premiers pas de président de la FFT ?
Tout d’abord, nous avons mis en place notre gouvernance, nous avons déjà réuni à deux reprises le comité exécutif et pris nos marques dans notre organisation, avec l’élément essentiel qui a été la convocation des États Généraux des Clubs, qui se sont tenus le 1er avril dernier, qui était l’un de nos engagements majeurs de la campagne. L’ensemble des remarques qui ont été évoquées, dont de nombreuses idées intéressantes, feront ensuite l’objet d’un livre blanc qui permettra, sur différents sujets, de prendre certaines décisions, lors d’une Assemblée Générale qui sera convoquée de façon extraordinaire le 13 mai prochain. Pour les autres remarques, elles feront l’objet d’une étude qui sera réalisée par les instances fédérales.

Quels sont vos objectifs lors de votre mandat ?
Le principal objectif est le retour aux sources, en l’occurrence, reconsidéré le club pour ce qu’il est, à savoir, l’endroit où le jeu né, grandit, se développe. Notre fédération doit être organisée de telles façons que les parcours sportifs, qui sont dans les clubs, puissent s’épanouir et accéder au plus haut niveau. C’est également mettre en œuvre notre projet qui vise à simplifier l’organisation fédérale, dont le but est de permettre aux clubs d’améliorer leur fonctionnement, et d’améliorer la communication avec eux et entre eux, à travers la création de notre chaîne 100 % tennis.

Cette chaîne de télévision, s’inspirera-t-elle de Super Tennis, la chaîne de la Fédération italienne de tennis ?
Absolument. Néanmoins, la principale différence, c’est que nous n’avons pas de droits TV à acquérir. Nous diffuserons l’ensemble de nos événements (notamment Roland-Garros et le Masters 1000 Paris-Bercy) a posteriori. Car nous avons aujourd’hui des diffuseurs qui sont habilités par contrat à le faire. En revanche, cette chaîne, France Tennis, va nous permettre de diffuser des images des tournois Futures et Challengers. Ce sera également l’occasion de populariser l’enseignement de la pratique avec des images qui pourront être réalisées avec nos champions et dans nos clubs et de diffuser une multitude de sujets qui intéressent aujourd’hui la vie des clubs. La chaîne France Tennis, est une chaîne qui va diffuser ce que les autres chaînes n’ont pas l’habitude de montrer. Elle sera financée par le budget fédéral, par des économies qui seront réalisées par ailleurs et par des gains supplémentaires comme de nouveaux partenariats.

Quand est-ce que cette chaîne sera-t-elle disponible ?
Aujourd’hui, il y a un groupe de travail qui a été mis en place à qui il appartient de planifier l’ensemble des actions pour y parvenir. Ce serait présomptueux de pouvoir donner à ce jour une date.

« La Fédération française de tennis est toujours une organisation qui est structurée par les régions »

Le prix de la licence va-t-il être amené, lors de votre mandat, à augmenter, comme ce fut le cas ces dernières années ?
L’engagement de campagne a été de maintenir le prix de la licence où il est aujourd’hui (Ndlr : tarifs 2017 licences « club » 29€ pour les adultes 20€ pour les 18 ans et moins) , donc il n’augmentera pas.

Cette élection a aussi permis de nommer le comité exécutif de la FFT. Qui sont ses membres et à quoi servent-ils ?
Le comité exécutif de la Fédération française de tennis est le gouvernement de la FFT. Ces membres sont issus de la vie fédérale, des dirigeants de ligue ou de comités départementaux, mais aussi des personnes provenant de la société civile, qui étaient toutes présentes sur la liste France Tennis qui a été élue lors de la dernière élection. Avec différents profils, s’occupant de l’économie, l’éco juridique et l’éco sportif de la Fédération française de tennis.

Le 11 mars dernier, les membres du conseil supérieur du tennis (CST) étaient réunis pour la toute première fois. Quel est le rôle de ce conseil et quels sont ses membres ?
Le Conseil supérieur du tennis est constitué d’une partie des membres issus de la liste France Tennis , pour vingt-quatre d’entre eux, et ceux de la liste passion tennis, pour huit autres. Ces trente-deux personnes ont pour mission d’évaluer, de contrôler et de surveiller l’activité et la gestion du comité exécutif. Mais également de réfléchir et de lui faire des propositions en matière d’évolutions ou d’innovations dans la mise en œuvre de la politique fédérale.

En application de la loi sur l’éthique dans le sport, une Haute Autorité du Tennis va être créée. En quoi consiste-t-elle et comment ses membres seront désignés ?
Ces membres seront désignés par une élection qui devrait intervenir lors de l’assemblée générale extraordinaire du 13 mai prochain. Sa composition et son organisation seront prochainement définies par la commission des statuts et des règlements, qui fera ses propositions au comité exécutif, lequel soumettra ces projets à l’assemblée générale. La principale mission de la Haute Autorité du Tennis, défini par la loi du 2 mars, devra veiller à l’éthique à la déontologie et la prévention des conflits d’intérêts.

«  En ce qui concerne mon entretien avec Louis-Paul Garcia, je le qualifierai de constructif, d’éclairant »

Sur le plan structurel, désormais comment est-elle organisée cette Fédération française de tennis ?
La Fédération française de tennis est toujours une organisation qui est structurée par les régions. Chacune d’entre elles est administrée par une ligue régionale (Ndlr : certaines ligues sont vouées à fusionner pour s’adapter aux nouvelles grandes régions) et à l’intérieur de ces ligues régionales il y a un comité départemental. L’ensemble de ces instances, avec les délégués élus chaque année, constituent une assemblée générale, qui est souveraine, validant le budget et les orientations politiques de la FFT.

Début mars le directeur général de la Fédération française de tennis quittait son poste. Va-t-il être remplacé ?
Pour l’instant, le sujet n’est pas à l’ordre du jour.

Le sera-t-il prochainement ?
Aujourd’hui, on ne peut pas répondre à cette question, il n’y a pas de décision prise en la matière. La Fédération française de tennis, dans notre organisation, celle d’aujourd’hui, ne fait pas de ce sujet une question prioritaire.

Qu’en est-il de la mission statutaire concernant le prochain Directeur technique national (DTN) ?
Cette mission statutaire est définie par les statuts et les textes ministériels. Le Directeur technique national a pour mission de conduire la politique décidée par la Fédération française de tennis et de veiller à l’éclosion d’une élite et à son accès au plus haut niveau. Le processus de recrutement a été lancé ( Ndlr : Pierre Cherret, Jean-luc Cotard, Anthony Guillou, Guillaume Prigent, Thierry Tuslane, Corinne Vannier auraient envoyé leur candidature). La clôture des candidatures doit intervenir auprès du ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports le 6 avril. Ensuite, une première audition des candidats sera effectuée par le ministère les 14 et 15 avril prochains. Ces candidats seront ensuite auditionnés par le Podium, une nouvelle instance composée de quatre anciens champions français de tennis. Sur la base des recommandations du ministère et du Podium, le comité exécutif auditionnera le 29 avril les candidats pour faire son choix définitif.

«  Concernant la wild card de Maria Sharapova nous allons en parler avec le directeur du tournoi de Roland-Garros, Guy Forget, mais la décision finale m’appartiendra »

Votre début de mandat est également marqué par une affaire qui refait surface concernant la construction en 2013 d’un centre territorial de tennis à Lucciana, près de Bastia, pour laquelle le tribunal de grande instance de Bastia a déjà tranché en votre faveur, et une plainte en diffamation à la suite de vos propos tenus le 5 mars au Chambon-sur-Lignon concernant Gilles Moretton. Quel est votre état d’esprit aujourd’hui ?
Ces deux affaires sont aujourd’hui portées devant des instances auxquelles je réserve la primauté de mes commentaires et de mes arguments. Néanmoins sur la première citée, nous sommes là face à une complexité juridique qui est l’application de l’ordonnance de 2005 sur les travaux conduits par une association. (Ndlr : selon Mediapart, il sera jugé en correctionnelle le 13 juin). La ligue qui a conduit ce chantier de façon exemplaire, avec un coût d’objectif qui était de 2 000 800 euros, et au final, une fois les travaux réalisés, nous en sommes sorti avec 2 000 830 euros, soit un dépassement moins de 1%. Nous avons comme le prévoient les textes, lancé un appel d’offres sur notre site Internet, ce qu’ une entreprise a contesté. Il appartiendra désormais au tribunal de juger si notre notre appel d’offres était irrégulier ou pas.

Lors du récent tournoi d’Indian Wells, vous avez pu rencontrer Louis-Paul Garcia (le père et l’entraîneur de Caroline). Comment résumeriez-vous cette entrevue ? Y a-t-il une chance de revoir Caroline sur les courts lors des barrages de Fed Cup ?
Pour que Caroline soit sur les courts il faut tout d’abord qu’elle soit sélectionnée par le capitaine. Ce choix appartient à Yannick Noah. En ce qui concerne mon entretien avec Louis-Paul Garcia, je le qualifierai de constructif, d’éclairant sur ce qu’il a fallu à cette famille et en l’occurrence à Caroline pour qu’elle atteigne le plus haut niveau. Il y a eu beaucoup de discussions. Cet entretien a été pour moi très instructif sur ce qu’il va falloir mettre en œuvre pour que les parcours de ce type puissent s’épanouir de façon beaucoup plus sereine à l’avenir.

En marge de ce tournoi, vous avez également rencontré Maria Sharapova, concernant sa demande de wild card pour la prochaine édition de Roland-Garros. Comment la qualifiez-vous cette rencontre ?
C’est une rencontre avec une joueuse qui a déjà gagné à deux reprises le tournoi de Roland-Garros (2012 et 2014) et qui a voulu exprimer ses arguments. Je les ai entendus et écoutés avec attention. Je n’ai pas d’autres commentaires à faire.

Quand est-ce que la décision de lui accorder ou pas une wild card sera-t-elle prise ?
Il n’y aura pas de décision spécifique. Nous allons en parler avec le directeur du tournoi de Roland-Garros, Guy Forget, mais la décision finale m’appartiendra. Nous publierons le moment venu, la liste de nos wild cards.

Concernant les wild cards (tableau final), leur système d’attribution vont-ils évoluer, notamment pour la prochaine édition du tournoi de Roland-Garros ?
Absolument. Depuis nos prises de fonction, nous avons demandé aux différents services (de la FFT) concernés d’établir un classement sur la base des points obtenus par les joueurs français, dans les tournois français depuis le dernier tournoi de Roland-Garros. Le comité exécutif va valider les modalités d’attribution des wild cards très prochainement. Ces wild cards seront attribuées sur la base de ce classement. Le but est de donner d’abord aux épreuves qui se jouent sur notre territoire un nouvel intérêt, une nouvelle attractivité. Mais aussi de donner la chance à tous ceux qui auront acquis sur le terrain des droits à pouvoir rivaliser avec les meilleurs, de défendre leur chance.

Le tournoi de Roland-Garros approche. Où en sont ses travaux ?
Les travaux avancent à bon rythme, même avec une certaine avance. Il y aura des premiers bâtiments qui seront inaugurés lors de la prochaine édition de Roland-Garros, essentiellement des bâtiments pour l’organisation et la sécurité. En 2018, le bâtiment de l’organisation (Ndlr :en lieu et place de l’ancien CNE) et le nouveau village seront inaugurés. En 2019, nous inaugurerons le court dans le Jardin des serres d’Auteuil, enfin en 2020 le court Philippe-Chatrier avec son toit rétractable.

En 2021, l’Open d’Ausralie aura toujours 3 courts couverts, Wimbledon et l’US Open déjà 2…. Avec un (le central avec un toit rétractable) opérationnel en 2021, ce nouveau Roland-Garros n’est-il pas déjà dépassé ?
Les courts couverts en Australie sont plus des parasols que des parapluies. En ce qui concerne les courts couverts de Wimbledon, on ne peut pas comparer la climatologie de Londres et de Paris. Ce qui fait la force de Roland-Garros, c’est que cela doit rester un tournoi sur terre battue extérieur. Le seul et le véritable besoin que nous avons, c’est de pouvoir assurer les demi-finales et les finales et des sessions de soirée. C’est pour cela que notre point de vue, un seul court couvert suffi à l’organisation de notre tournoi. Reste que, y compris sur les autres tournoi du Grand Chelem, lorsqu’il pleut même s’ils ont trois courts couverts, l’ensemble du tournoi s’en trouve considérablement affecté. L’ADN de Roland-Garros ne sera jamais les courts couverts, sa véritable ADN reste et restera la terre battue.

Le 22 mars dernier, la billetterie en ligne de Roland-Garros, destinée au Grand Public, a rencontré encore une fois de nombreuses difficultés. Peut-on imaginer qu’un jour cet outil soit à la hauteur de ce tournoi ?
J’aimerais tout d’abord présenter toutes mes excuses et nos excuses aux personnes qui ont été victimes de ces bugs informatiques qui nous ne sommes pas imputables, mais imputable au prestataire réalisant les paiements en ligne. J’ai demandé à ce que toutes les personnes qui ont été victimes de ce bug informatique puissent être prises en compte dans leur demande. Un mail d’information a été envoyé permettant à ces personnes d’acquérir des places. J’ai également programmé une réunion, d’ici quinze jours, pour tirer toutes les leçons de cette panne, afin qu’elle ne survienne pas à l’avenir.

Vous communiquez régulièrement via les réseaux sociaux, notamment lors de live sur votre compte Facebook. Pourquoi ce choix de communication ?
Il faut communiquer avec son temps. Aujourd’hui, il y a de nombreux fans, de nombreux passionnés qui ont un compte Facebook, c’est une façon de s’adresser à eux de façon interactive et de répondre à leur attente et surtout d’être à leur écoute. Je suis un Président connecté. J’utilise les moyens de communication qui me permettent de toucher l’ensemble des passionnés et à en croire les retours que j’ai, cet échange direct est très apprécié.

Pourquoi le faire sur votre compte Facebook et non sur la page de la Fédération française de tennis, l’audience serait peut-être plus importante…
Pourquoi pas effectivement, ce n’est pas impossible. Mais le sujet n’est de savoir sur quel compte le faire. Le sujet, c’est surtout de faire passer le message auprès de ceux qui sont attentifs à cela. Je me rends compte également que de nombreux médias sont aussi attentifs à ce que je peux dire sur mon compte Facebook que ce que je peux dire lors des interviews. Je vais réfléchir avec les élus qui m’entourent, qui sont concernés par la communication, sur la fréquence de ces prises de parole. D’importantes échéances sont à venir. Je crois qu’il est important de pouvoir s’exprimer et de pouvoir m’exprimer auprès de nos licenciés, auprès de nos dirigeants…sur les choix qui sont les nôtres. Notamment sur la réforme de la compétition, du classement, des interclubs et tout ce qui va transformer la transformation digitale.

Cette transformation digitale, que vous avez évoqué récemment lors d’un live sur Facebook, passe-t-elle par une application dédiée à la pratique du tennis ?
Aujourd’hui, la plupart des passionnés de tennis, des dirigeants…ont un smartphone dans leur poche. Nous savons très bien que c’est avec cet outil qu’il faut communiquer. Nous avons d’ores est déjà lancé un certain nombre de chantiers comme celui de « Mon Espace Tennis » qui est actuellement l’espace en ligne personnel des licenciés la FFT, avec des contenus et des services spécifiques, va évoluer pour devenir une application. Une application va être dédiée aux dirigeants des ligues, des comités et des clubs.

L’équipe de France de Coupe Davis s’apprête à affronter à Rouen l’équipe de Grande-Bretagne. Que vous inspire ce quart de finale à domicile ?
C’est tout d’abord une revanche, après la déconvenue de juillet 2015, au Queen’s. La Coupe Davis fait partie des enjeux majeurs de notre Fédération. Cela va être l’occasion de juger de l’état de forme de notre équipe, au vu des différentes blessures qui aujourd’hui semblent frapper nos meilleurs, et de juger de la qualité, de ce que l’on appelle au football, la profondeur du banc.

Propos recueillis par E-A, entretien réalisé le 25 mars 2017