Grands Chelems connectés

20 octobre 2017 Non Par SoTennis

Facebook, Twitter, Instagram, Youtube… Ces plates-formes et ces applications sont désormais devenues d’incontournables canaux de communication pour les tournois du Grand Chelem, leur permettant ainsi de toucher un public large et ciblé. Le tout, avec des stratégies, des présences et des résultats, plus ou moins efficaces.

Roger Federer, un athlète aussi très populaire sur les réseaux sociaux / ©SoTennis

Roger Federer, un athlète très populaire, aussi, sur les réseaux sociaux / ©SoTennis

« L’émulation entre les tournois du Grand Chelem est amicale et stimulante, mais elle oblige à aller de l’avant. » Il y a plus de trente ans, Philippe Chatrier, président visionnaire et autoritaire de la Fédération française de tennis (entre 1972 et 1993), proférait ces quelques mots. Depuis, l’Open d’Australie, Roland-Garros, Wimbledon et l’US Open ont fait, avec plus ou moins de réussite, leur mutation tout en se surveillant. L’avènement d’Internet et des réseaux sociaux ont profondément changé leur manière de communiquer et les ont propulsés dans une nouvelle ère. Parmi eux, c’est sans aucun doute, l’Open d’Australie et Wimbledon, qui ont su le mieux tirer parti des atouts de la révolution digitale. Plus que des tournois de tennis, les Grands Chelems sont désormais des marques désireuses de véhiculer et de propager sur la toile, l’image qu’elles incarnent, tout en veillant à leur (e)réputation. Mais aussi à mieux connaître ses spectateurs, tout en créant de l’engagement avec eux. Sur ce plan, l’Open d’Australie a pris de l’avance.

Big Brother

À coup de hashtag (#ausopen) associé à ses opérations digitales, le « Happy Slam », comme il est affectueusement surnommé, est parvenu depuis quelques années à non seulement engager sa communauté (1,3 million de followers sur Twitter, plus de 743 000 abonnés sur Instagram et plus de 1,9 million de fans sur Facebook à ce jour) dans la vie du tournoi, mais aussi à mieux connaître son public grâce aux réseaux sociaux. Ce qu’on appelle le SCRM (Social Media Customer Relationship Management). Lors de la dernière édition, les organisateurs avaient incité les spectateurs à se prendre en photo assis sur leurs sièges de la Rod Laver Arena, grâce à une caméra (Fan Cam) placée dans l’enceinte du court central et à vivre une nouvelle expérience sociale. Pour cela, les adeptes de cette pratique devaient, à l’aide de leurs smartphones, se rendre sur le site Internet du tournoi. Rentrer leur numéro de siège et poser pour le fameux cliché. Les photos étaient ensuite envoyées sur leur smartphone pour les partager via les réseaux sociaux. Au-delà de cet aspect participatif, le but pour l’Open d’Australie était d’enrichir sa base de données spectateurs. La première levée du Grand Chelem de l’année est d’ailleurs, avec une législation plus souple qu’en France dans la collecte de données, l’un des rares événements sportifs à maîtriser aussi bien le Social Media Customer Relationship Management, et à lier la connaissance de ses clients via la billetterie, avec l’utilisation du « live » sur les réseaux sociaux. Le tout permettant de connaître les comportements et les déplacements de ses spectateurs, pour leur offrir une meilleure expérience, mais aussi fluidifier la circulation de ses hôtes dans le stade. Une connaissance que ne possèdent pas encore à ce point les trois autres Majeurs. À l’image de Wimbledon, qui compte bien rattraper son relatif retard dans ce domaine. « Je pense que nous commençons à mieux connaître nos spectateurs, nous dit Alexandra Willis, responsable de la communication et du digital au All England Lawn Tennis & Croquet Club. Grâce aux réseaux sociaux, nous commençons à distinguer les fans du tournoi, ceux qui regardent le tennis tout au long de l’année et ceux qui regardent qu’une fois par an. Nous devons nous assurer de créer le bon genre de contenu qui leur est approprié. Aussi, nous apprenons mieux d’où viennent nos fans, ce qui permet d’adapter tout notre contenu aux différents territoires. Mais il nous reste du chemin pour les connaître parfaitement. » Un chemin que doit également emprunter Roland-Garros, qui n’est plus, pour le moment, malgré ses efforts et certains de ses partenariats qui améliorent la communication du tournoi, le Grand Chelem le plus innovant. Côté US Open, lors de l’édition 2017, une nouvelle stratégie digitale a été mis en œuvre, faisant, enfin, la part belle au « digital engagement », avec à la clé de précieuses informations sur ses « clients ». Loin d’être des gadgets, les réseaux sociaux représentent aujourd’hui pour les tournois du Grand Chelem un atout. Qui, s’ils savent en tirer parti, leur permettront d’atteindre l’un de leurs principaux enjeux pour l’avenir, personnaliser leurs offres et mettre en place des stratégies de fidélisation. Pour cela, animer sa communauté reste une étape stratégique.

Sur les réseaux

Au fil des ans et de la montée en puissance des réseaux sociaux et de leurs innovations, les Grands Chelems sont parvenus à fédérer une large communauté de fans et de followers. L’animer durant leur tournoi et « hors saison », reste une opération stratégique. Dans un monde où tout est désormais une expérience, l’Open d’Australie, Roland-Garros, Wimbledon et l’US Open l’ont bien compris, et tentent de faire vivre la leur, aussi, à travers les réseaux. Même si les Majeurs utilisent tous Facebook, Twitter, Instagram, Youtube…leur manière d’en faire usage reste, malgré quelques similitudes, différente. « Désormais, la place qu’occupent les réseaux sociaux dans les médias et lors des tournois du Grand Chelem est de plus en plus importante, nous explique Nick McCarvel, journaliste indépendant et Monsieur réseaux sociaux, cette année, pour les Grands Chelems. Chacun à sa propre stratégie. » L’Open d’Australie met en avant son côté friendly en intégrant dans sa stratégie la dimension « fan », Roland-Garros et Wimbledon misent un peu plus sur leur histoire tandis que l’US Open, qui s’est réinventé cette année, met désormais l’internaute au cœur de sa stratégie. « Concernant Twitter, ce réseau social est souvent utilisé pour les « Breaking News » abonde Nick McCarvel. Facebook est plus utilisé pour proposer aux fans des vidéos, enregistrées et montées ou des live, ainsi que des contenus comme de très belles photos (en complément d’Instagram qui est le plus souvent utilisé pour raconter l’histoire de ces tournois, sous un autre angle), des liens renvoyant vers des interviews. Facebook est selon moi l’endroit où le fan peut passer du temps sur la page du tournoi, tout en se divertissant. Lors de ces événements, je présente et commente aux internautes différentes vidéos, mettant en avant des statistiques, des résumés de match ou encore anime des émissions.» Comme à l’Open d’Australie où Nick McCarvel animait un live, diffusé en direct sur le compte Twitter du tournoi, depuis la Blue Room, où l’ambiance était à la décontraction et à la rigolade avec les championnes et les championnes qu’il recevait.

 

À Roland-Garros, qui a débarqué sur Youtube en 2014, un show (francophone diffusé en live sur cette plate-forme dès 10h30) intitulé « Bonjour Roland-Garros » et présenté par Richard Sette (journaliste), portait sur les matches à venir ou de la veille, les coulisses du tournoi, mis en exergue par Olivier Jacquemin (journaliste et fondateur de l’agence OJ Sport Report) en mode reporter, quelques interviews de joueurs ou encore sur les futilités qu’animent parfois avec enthousiasme et fureur les réseaux sociaux, le tout filmé depuis un studio dédié de la zone TV. Sa version anglophone, « Live at Roland-Garros, Daily Show », avec à la présentation Gigi Salmon et Nick McCarvel, reprenait la même ligne éditoriale, mais avec un savoir-faire différent. Pour Wimbledon, son show, proposait dès 9h (heure locale) et jusqu’à la fin des matches du jour, était diffusé en live, sur The Wimbledon Channel. Aux quatre coins du très codifié Championships, les caméras du show (qui était aussi retransmis sur les ondes de la radio officielle du tournoi) montraient notamment l’ambiance et les coulisses du stade, avec les commentaires d’une équipe de journalistes. Parmi eux, Nick McCarvel présent par moment sur la fameuse terrasse (le broadcast roof) décryptait, seul ou accompagné d’un invité, à l’aide d’un écran mobile et tactile, des statistiques ou encore des informations pertinentes émanant de Twitter.


Pour l’US Open, pas d’émission de cet acabit, mais des vidéos en mode inside, en cohérence avec sa stratégie liée aux fans et de nombreux live (essentiellement des entraînements) filmés avec une très grande qualité de « captation ». Consultable en direct et en différé sur la chaîne Youtube du tournoi. Avec l’essor fulgurant que connaît la vidéo, sur la toile, les tournois du Grand Chelem ont saisi que ce type de contenu était un véritable enjeu, aussi pour eux, afin d’améliorer leurs taux d’engagement avec leurs communautés, mais aussi pour toucher un autre public. Selon différentes études, l’utilisation de ce type de contenu sur les réseaux sociaux, permet aux taux d’engagement d’une audience, d’être en général 10 fois plus important.

Contenu et contenant

En 2017, le nombre d’utilisateurs actifs sur les réseaux sociaux, dans le monde, s’élève à 2 milliards sur Facebook, 328 millions sur Twitter et 700 millions sur Instagram (source Agence Tiz). Dans un monde où tout est aussi, filmé, photographié, partagé… les spectateurs des tournois du Grand Chelem, actifs sur ces réseaux, ne dérogent pas à la règle du « narcissisme social » et à la course aux likes. Une aubaine pour les Majeurs, voyant ainsi le contenu de ces spectateurs, parlant d’eux, se répandre sur la toile, en utilisant notamment leur réseau Wi-Fi, dont le meilleur (en tribune et dans les allées) est jusqu’à présent celui de l’Open d’Australie. Même si en théorie, les règlements intérieurs de ces événements, rappellent que la diffusion et le partage de photos, de vidéos, de statistiques…sont interdits. En 2016, avec l’éclosion, en France, de l’application Periscope, Roland-Garros avait interdit, un an après Wimbledon, pour les spectateurs et les non-détenteurs de droits, l’utilisation de cette application. « Les spectateurs ont l’interdiction de filmer les rencontres et encore moins les poster sur les réseaux sociaux, avait déclaré Georgina Loth, directrice adjointe de la Direction médias et production du tournoi, à 20minutes.fr. On a des procédures en place pour tuer les flux à la source. On a des logiciels pour traquer ces flux, et une surveillance humaine. » À défaut de pouvoir filmer et partager leur réalisation, les spectateurs peuvent se « consoler » en visitant les sites Internet officiels et leurs applications, où beaucoup de contenus sont à consulter. Des sites Internet développés par IBM, partenaire technologique de l’Open d’Australie, Roland-Garros, Wimbledon et l’US Open, qui certes répondent aux dernières tendances de développement web, mais qui, à quelques détails près, se ressemblent tous en matière d’ergonomie. Des sites Internet qui connaissent aussi des succès exponentiels en termes de connexion et qui sont à présent consultés à majorité via des smartphones et tablettes. À titre indicatif, en 2017, la première levée du Grand Chelem de l’année a compté plus de 377 millions de pages vues durant son tournoi (65% d’entre-elles via des smartphones et tablettes) alors qu’en 2007, ce nombre s’élevait à 141 millions.

Roger Federer toujours très observé/©SoTennis

Roger Federer toujours très observé/©SoTennis

Avec son partenaire technologie, les tournois du Grand Chelem ont vu apparaître il y a quelques années, sur leurs sites Internet, le Social Leaderboard, favorisant le « digital engagement* ». Une fonctionnalité permettant notamment aux internautes d’avoir accès, durant le tournoi à des informations (positives) quantitatives et qualitatives émanant des réseaux sociaux, concernant les joueuses et les joueurs du tableau final. Des données qui servent également à anticiper les pics de connexion. « L’autre utilisation de ces données est d’anticiper les pics de connexion, sur le site Internet officiel et sur ses applications mobiles, par rapport à la programmation des matches à venir, nous dit Claire Herrenschmidt, responsable des partenariats sportifs chez IBM France. Car plus un joueur est populaire sur les réseaux sociaux (Roger Federer, Rafael Nadal, Serena Williams et Maria Sharapova sont parmi les plus plébiscités), plus il est probable, pendant son match, qu’un nombre important d’internautes accèdent au même moment à ces supports. Il est primordial de maintenir un temps de réponse correct pour l’accès au site et aux applications. » Afin de prévenir le « black-out » l’hébergement de ces sites Internet est aussi assuré par IBM, qui, par son savoir-faire et son « cloud », déjoue en temps réel les tentatives de piratage qui sont chaque année plus nombreuses. Dans un monde de plus en plus globalisé, les tournois du Grand Chelem utilisent aussi les réseaux sociaux pour afficher leur pluralisme. Leur utilisation renvoie à des enjeux multiples qui se combinent et interagissent les uns avec les autres. Les utiliser à bon escient, tout en profitant de leurs nouveautés, peut être source d’intérêt et de progrès. Bien que l’émulation entre ces tournois, reste amicale et stimulante, les Majeurs n’en restent pas moins « des concurrents », restant connectés entre eux de par leur histoire commune. Qui par leur stratégie digitale, véhicule leur image de marque et tente de toucher un public large et ciblé. Pour aussi, via ce canal-là, assurer leur avenir.

E-A

*désigne la propension de l’internaute ou du mobinaute à interagir avec la marque ou avec un élément marketing.