Grigor Dimitrov :«Ça a façonné mon état d’esprit»

Grigor Dimitrov :«Ça a façonné mon état d’esprit»

21 mai 2018 Non Par SoTennis

Vainqueur du Masters de Londres, en novembre dernier, Grigor Dimitrov s’est enfin émancipé des attentes qui l’ont longtemps accompagné, et du surnom de « Baby Fed » qu’il l’a traîné comme un boulet. Après une profonde remise en question, l’actuel n°5 mondial a retrouvé le plaisir de jouer. Le Bulgare, qui a grandi sur terre battue, aspire aujourd’hui plus que jamais, à se dépasser.

 

Cela fait désormais dix ans que vous êtes passé pro. Une décennie, cela passe très vite…
L’avantage d’être sur le circuit depuis un moment, c’est que j’ai appris des choses (sourire). Je me sens plus mature aujourd’hui. Je me sens plus rationnel avec mon jeu, sur toutes les surfaces. Je me comprends un peu mieux aussi. Avant que ne débute la saison sur terre battue, j’avais comme principale ambition de mieux jouer sur cette surface que les années précédentes. C’est simple ! Mais cette ambition m’aide à rester optimiste et je veux garder cet état d’esprit.

Il y a toujours eu beaucoup d’attentes autour de vous. Aujourd’hui, quel est votre rapport avec ces attentes ?
Fondamentalement, je dois jouer pour moi-même. Il est vrai qu’il est plaisant de susciter de l’intérêt. Mais cet intérêt ne doit pas être un poids. Ce fut le cas pour moi. J’ai mis du temps à m’en départir. Aujourd’hui, je me sens plus mature. Désormais, la seule chose que je peux faire, c’est de me concentrer sur ce que je dois faire comme travail pour parvenir à mes objectifs. M’imposer en Grand Chelem et atteindre la première place mondiale. Je crois que si je fais ce qu’il faut, de bonnes choses peuvent arriver… Je pense que tout est possible. Peu importe si vous devez affronter Federer ou Nadal. Si vous voulez être le meilleur, vous devez battre les meilleurs à un moment donné. La situation actuelle est que mon bilan des face-à-face contre ces gars est mauvais. Je ne les ai jamais battus lors des grandes occasions. Aussi, il y a beaucoup de jeunes joueurs qui se sont améliorés. L’attente n’est plus forcement sur moi (sourire).

En fin de saison dernière il y a eu notamment ce titre au Masters. Aujourd’hui, que reste-t-il en vous de ce succès ?
Le fait d’avoir remporté le Masters m’a donné beaucoup de confiance. Mais désormais, je vais laisser de côté tout cela, parce que la confiance (re)vient quand vous gagnez. Gagner, c’est le plus important pour moi. C’est comme une approbation par moi-même, que je suis l’un des meilleurs joueurs. Cela me donne plus de rêves et plus de buts dans le futur. Je pense que les choses vont en ma faveur, mais encore une fois, je dois me battre à nouveau sur le terrain pour tenter d’accrocher les gros titres.

Votre début de saison a été perturbé par quelques problèmes physiques. Que vous est-il arrivé  exactement ? 
En début d’année, j’étais malade et j’ai perdu quelques kilos (de muscle). C’est la seule période durant laquelle je n’ai pas pu m’entraîner, puis par la suite, je n’ai pas pu m’entraîner autant que je voulais. Il m’a fallu plus de 2 ou 3 semaines pour revenir à ma forme normale. J’ai travaillé dur en salle de gym. Puis il y a eu une petite alerte à l’épaule, mais rien de grave. Physiquement, je me sens plutôt bien. Ces dernières années, je n’ai pas l’impression d’avoir eu à souffrir d’importantes douleurs. J’ai pu maintenir une bonne forme. Désormais, je me sens bien et je suis aussi excité que l’année dernière pour maintenir mon niveau et bien sûr faire plus. Sur le court, je sens encore que physiquement, je peux rester là pendant des heures. C’est l’un des points les plus positifs en ce moment.

« La passion du jeu a sans doute commencé lors de cette période »

Vous avez grandi sur terre battue, à Barcelone. Quels souvenirs gardez-vous de cette période ?
J’en ai plusieurs.Tout d’abord, ce fut une période importante lors de mes jeunes années. Pas seulement sur le court, mais aussi en dehors du court. Ce passage sur terre m’a fait apprendre à comment jouer au tennis, toutes les subtilités du jeu, du toucher… Le déplacement sur terre aussi. Au début, j’avais du mal (rire). J’ai appris aussi tout le travail et la discipline qui sont nécessaires pour bien jouer sur cette surface. Ce fut un apprentissage qui m’a servi pour la suite de ma carrière. La passion du jeu a sans doute commencé lors de cette période. Je me souviens avoir disputé des Futures durant cette période. Je n’étais vraiment pas bien, car j’affrontais des joueurs plus âgés que moi et plus forts physiquement. Ca a façonné mon état d’esprit en termes de combativité.

Est-ce toujours possible, aujourd’hui d’avoir du toucher, un jeu offensif…notamment sur terre battue ?
Tout d’abord, il y a beaucoup de très bons joueurs qui savent très bien jouer sur cette surface. Il est vrai qu’aujourd’hui, les joueurs sont plus physiques, plus grands… Ils sont tous à éviter (sourire). Le jeu a changé, mais les bases du jeu sur terre battue sont toujours les mêmes. C’est un jeu très tactique, vous devez être capable de rester sur le court plus longtemps, de tenir l’échange. Les mouvements sur le terrain sont différents, les chaussures sont différentes… C’est aussi rare de faire le point en deux coups de raquette. Regarder jouer Rafa sur terre ou encore Roger sur dur ou sur gazon, vous permet de voir les bases de leur jeu qu’ils déclinent d’une surface à une autre. J’essaie de l’être, même si c’est délicat de partiquer ce type de jeu aujourd’hui.

Est-ce que le jeu de Rafael Nadal, incite ses adversaires à changer leur propre jeu, en particulier sur terre battue?
Oui et non. Chacun essaie d’être meilleur. J’espère que Rafa n’est pas l’unique raison de faire évoluer son jeu. Mais il est certain que beaucoup de joueurs ont changé leur plan de jeu contre lui et ont essayé de faire quelque chose. Je ne suis pas ce type de personne qui peut être capable de reconstruire tout son jeu pour battre tel ou tel adversaire. De toute façon, lorsque vous regardez jouer Rafa notamment sur terre, vous apprenez beaucoup de choses, sur le jeu, la tactique, les effets…

« Nous savons tous comment nous jouons »

Battre ce Rafa là semble mission impossible…
Je ne crois pas que battre Rafael Nadal sur terre battue soit impossible. Il est évident que depuis de nombreuses années, il a beaucoup gagné sur cette surface. C’est impressionnant. Il a le jeu parfait pour cette surface. Face à lui, il n’y a jamais d’échange facile et encore moins des points gratuits. Lorsque je dois l’affronter, je ne me concentre pas vraiment sur quelle surface, je le joue. Je sais que de toute façon, ce sera une bataille. À Monaco, face à Rafa (NDLR : victoire du Majorquin 6-4, 6-1), je n’étais pas au mieux avec mon dos. J’ai joué comme je pouvais. Après ce tournoi, qui était mon premier de la saison sur terre battue, j’ai bien récupéré. Les heures passées sur le court ont été bénéfiques pour la confiance. J’espère jouer à nouveau contre lui, dans un autre état de forme.

Face à lui, avez-vous plus un problème mental?
Je ne pense pas avoir un problème mental contre Rafa. Je pense que tous les matches que j’ai disputés contre lui, ont été différents de ce que j’avais prévu dans ma tête, avant même le début du match. Nous savons tous comment nous jouons. Nous jouons tellement de fois les uns contre les autres, que nous connaissons nos forces et nos « faiblesses ». Il est facile de prévoir certaines choses, comme les zones au service. C’est beaucoup plus difficile de surprendre son adversaire.

Propos recueillis par E-A à Barcelone