Toni Nadal : «J’ai désormais un autre rôle»

Toni Nadal : «J’ai désormais un autre rôle»

21 mai 2018 Non Par SoTennis

Cette année, pour la première fois depuis treize ans, Toni Nadal ne sera pas présent à Roland-Garros aux côtés de son neveu. Directeur du tennis de la Rafa Nadal Academy by Movistar, Toni a depuis le début de l’année entamé une nouvelle vie. Chez lui, à Manacor. Où il fait ce qu’il aime le plus, former de jeunes joueurs.

Depuis le début de cette année, vous êtes désormais le directeur de la Rafa Nadal Academy by Movistar. Désormais, à quoi ressemblent vos journées ?
Mes journées sont bien remplies. Tout se passe bien. Je vais à l’académie quasiment tous les jours, où je m’occupe de la formation des jeunes joueurs (de 12 à 18 ans) qui y sont présents. En parallèle à cela, je donne également des conférences. Beaucoup d’entreprises me sollicitent pour que j’évoque mon parcours avec Rafa et l’académie à Manacor.

Former les jeunes de l’académie, c’est cela qui vous passionne à présent ?
Toute ma vie cela a été le cas. Travailler avec ces jeunes me passionne. J’ai eu de la chance de pouvoir travailler avec mon neveu, Rafa. J’ai eu de la chance qu’il a été un très bon joueur dans ses jeunes années et il est toujour aujourd’hui. Lorsque Rafael était plus jeune, j’étais content de pouvoir l’entraîner, d’être à ses côtés. C’était le meilleur « travail ». Je n’ai jamais été aussi content de mon travail, que lorsque j’étais avec Rafael dans ses jeunes années à Manacor. C’est encore le cas, cette fois à l’académie.

Avec Rafael, tout au long de sa carrière, vous lui avez beaucoup parlé avec comme but de le faire réfléchir. Est-ce que c’est ça le rôle d’un entraîneur, faire réfléchir son joueur par lui-même ?
C’est une autre forme de travail, de faire réfléchir la personne. Pour moi, le plus important c’est la réflexion. J’ai toujours travaillé dans cette direction à essayer que le joueur pense par lui-même. Pas seulement sur le court, mais aussi en dehors. Cela a été toujours le plus important pour moi. Ce n’est pas seulement une chose de bien faire jouer un joueur. Pour moi, jamais le tennis n’a été une chose différente que le travail à mené sur et en dehors du court.

En début d’année, vous n’étiez pas aux côtés de Rafael à l’Open d’Australie. Comment cela s’est passé pour vous. Vous regardiez ses matches à la télévision ?
J’ai désormais un autre rôle dans ma vie. Malgré tout, Rafael reste mon neveu. Lorsque je suis chez moi, bien entendu que je regarde ses matches. C’est normal ! Je regarde cela comme un oncle qui regarde les matches de son neveu, avec le souhait qu’il joue bien. Lors de l’Open d’Australie, je ne le contactais pas en permanence par téléphone ou autres, comme peut le faire un coach à distance.

« Je crois qu’il n’a pas besoin de moi à ses côtés »

Le 25 avril dernier, lors du tournoi ATP 500 de Barcelone, vous avez reçu, sur le court Rafa Nadal, un prix spécial de la part des organisateurs. Qu’est-ce que cela vous a fait de recevoir une telle distinction ?
J’étais très heureux de voir que le club le plus important d’Espagne, pense à moi comme un bon entraîneur et comme une personne qui a fait quelque chose pour faire aimer le tennis. C’est pour moi important. Voir que le président du Reial Club de Tennis Barcelona, Albert Agusti Garcia-Navarro, que le directeur du tournoi, Albert Costa, aient une attention envers moi, c’est toujours quelque chose de très spécial.

Après s’être imposé pour la 11e fois à Monte-Carlo et à Barcelone, puis à Rome, Rafael semble à nouveau inébranlable sur terre battue. Que pensez-vous de son niveau de jeu ?
Il est arrivé sur terre avec un bon niveau de forme, il joue très bien. Pour nous, la saison sur terre battue est toujours très importante. Après qu’il ait gagné pour la première fois Roland-Garros (en 2005), nous avons toujours souhaité être en forme à ce moment de la saison. Être performant durant ce tournoi est toujours très important. Désormais, nous allons voir ce qu’il va faire là-bas…

Est-ce que vous serez aux côtés de Rafa à Roland-Garros ?
Non, je ne crois pas. En ce moment, je ne suis pas son coach, il a un coach (NDLR : Deux. Carlos Moya et Francis Roig). Je crois qu’il n’a pas besoin de moi à ses côtés. Mon idée est de rester chez moi à Manacor, lorsque le tournoi de Roland-Garros se déroulera. Malgré tout, j’irai à Paris et à Roland-Garros pour l’un de mes partenaires (Lavazza), mais je ne serai pas comme l’an dernier sur le court à superviser les entraînements de Rafael, car je ne suis plus son coach.

Joan Boash, ex-entraîneur de Carlos Moya, Joel Figueras, entraîneur notamment de Carlos Costa, ou encore Nuno Marques, capitaine de l’équipe de Coupe Davis portugaise, sont des coachs de la Rafa Nadal Academy by Movistar. Comment s’est passé le recrutement de ces coachs ?
Pour moi, le plus important pour être entraîneur à l’académie, c’est qu’il faut tout d’abord être une personne correcte et ne pas penser être un super coach, un coach de champion. Il y a quelques entraîneurs qui pensent toujours qu’ils peuvent faire d’un joueur un champion. Je n’aime pas cette idéologie, et je ne pense pas que cela soit la vérité de dire cela. C’est tellement compliqué de devenir un champion, il y a beaucoup d’étapes… Chacun des coachs que vous avez cité, je savais qu’ils travaillaient très bien avec humilité et avec correction envers tout le monde. C’est pour cela que j’ai fait appel à eux. J’ai demandé à l’ensemble des coachs (une vingtaine) de l’académie de se rappeler de rester humble.

« On doit travailler toujours avec cette idée d’essayer d’arriver très haut »

Parmi les pensionnaires de l’académie, se trouvent vos enfants. Souhaitez-vous les former à devenir peut-être champion, ou leur donner le goût de l’effort ?
Lorsque j’ai commencé avec Rafael, jamais je n’ai pensé à faire de lui un champion. J’ai rêvé qu’il gagne par exemple les tournois de Monte-Carlo ou encore s’imposer à Roland-Garros. Je travaille toujours avec l’idée de faire le mieux possible. Rien de plus. Quand je m’occupais de Rafael, dans ses jeunes années, je m’en allais chaque jour avec la volonté que Rafael apprenne quelque chose de plus, tout en s’améliorant. C’est la raison d’être d’un être humain. La différence entre les animaux et nous, c’est que nous, nous pouvons nous améliorer. C’est dans mon esprit au quotidien. Je fais la même chose avec mes enfants. Qu’ils s’améliorent jour après jour. Je ne peux faire d’aucun joueur un champion. Un bon coach, peut faire en sorte de donner les bons instruments, les « armes » pour qu’un joueur puisse développer son jeu et essayer d’être meilleur jour après jour. Je crois aussi qu’un bon entraîneur doit emmener de la confiance en lui-même au joueur dont il s’occupe. Qu’il puisse penser que tout est possible. Si on fait bien les choses, il y a des possibilités… C’est aussi ce que je veux faire avec mes enfants. Rien de plus.

Jaume Munar (21 ans 155e mondial), est l’un des pensionnaires de la Rafa Nadal Academy by Movistar. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur lui ?
Il joue vraiment bien. C’est un jeune qui avait disputait il y a quelques années (NDLR : en 2014) la finale de Roland-Garros chez les juniors. C’est un bon joueur, mais pour vraiment savoir s’il peut bien jouer chez les pros c’est un peu plus compliqué… Je crois malgré tout qu’il a un bon potentiel et un bon niveau. Il avait passé un tour du tableau principal au tournoi ATP 500 de Barcelone (où il avait reçu une wild-card) face à Joa Sousa (6-4, 3-6, 7-5). Il est sur le bon chemin, mais nous devons travailler très fort pour franchir une étape supplémentaire (NDLR :Tomeu Salva, un acien jeune joueur s’occupe de lui). Ce n’est jamais simple mais rien n’est impossible. On doit travailler toujours avec cette idée d’essayer d’arriver très haut. C’est ce que j’ai fait avec Rafa.

Propos recueillis par E-A. Entretien téléphonique réalisé le 3 mai 2018.