Hugo Nys : «Je suis très heureux d’avoir fait mon chemin comme ça»

Hugo Nys : «Je suis très heureux d’avoir fait mon chemin comme ça»

20 juillet 2025 Non Par SoTennis

Depuis 2019, Hugo Nys défend les couleurs de Monaco en Coupe Davis. C’est en se spécialisant en double, à 26 ans, que le Haut-Savoyard, est parvenu, avec persévérance, à transformer ses rêves en réalité. Aujourd’hui associé à Édouard Roger-Vasselin, l’actuel 21e mondial poursuit sa quête d’une victoire en Grand Chelem et garde la fierté de représenter Monaco chevillé au corps.

Votre histoire liée au tennis, c’est une histoire familiale. Mais au fond, est-ce vous qui avez décidé de vous mettre au tennis, ou du moins d’aimer le tennis?

Je suis né dedans, mais vraiment littéralement, parce que mon grand-père (ndlr : petit-fils de Francis Nys, ancien joueur qui a disputé des Grands Chelems dans les années 1950, et notamment tous les Roland-Garros de la décennie, atteignant le 3e tour en 1953 et 1955) était joueur de tennis et mon père était prof de tennis, en Haute-Savoie. Dès que j’ai eu l’âge d’être sur mes jambes, j’étais au club de tennis. Je remercie aussi mon père et mes parents pour ça. Ils m’ont mis zéro pression. J’étais plus que demandeur. Parce qu’à un moment, ce sont même eux qui me demandaient de rentrer à la maison et de partir du tennis. Donc on ne m’a pas du tout obligé, c’est juste en moi, depuis que je respire. J’ai été demandeur toute ma vie.

C’est peut-être la clé aussi, quand on est enfant ou adolescent, que cela vienne de soi…

Oui, je pense qu’en tout cas, c’est un facteur de bonheur. Je pense qu’il y a aussi des profils qui ont réussi avec des parents qui ont mis une pression monumentale et par la suite, peut-être que la vie était moins agréable pour ces gens-là, mais ils ont eu du succès. Maintenant, je trouve que pour rendre quelqu’un heureux, il faut le pousser, mais dans les bons moments et pour les bonnes raisons. Je suis très heureux d’avoir fait mon chemin comme ça. En tout cas, si demain j’ai des enfants, parce que je n’en ai pas encore, j’essaierai de répondre à leurs demandes aussi. Et s’ils sont demandeurs, je serai, présent pour les amener là où il faut. Maintenant, je suis partisan de ça, il faut que ça vienne quand même d’eux.

Vous êtes parti tôt, pour voyager seul à travers le monde. Vous êtes allé jusqu’au bac, c’est bien ça?

Oui, exactement.

En 2023, vous disiez, lors d’une interview, que vous aviez bac plus 12 d’expérience de vie, donc peut-être maintenant c’est bac plus 14. Mais, au fond, ça veut dire quoi, ça ?

Oui, j’ai été jusqu’au bac, mais depuis que j’ai 12 ans et que j’ai l’âge d’écrire ce que je voulais faire plus tard, je mettais joueur de tennis professionnel. Encore une fois, ça revient à ce qu’on disait. J’étais demandeur, c’était dans ma tête, j’étais ancré. J’étais bon à l’école, mais je n’avais pas envie de faire autre chose. J’ai commencé le circuit après le bac et j’ai bac plus 16 en expérience de vie.  C’est vrai que j’ai fait je ne sais pas combien de fois le tour du monde. J’ai rencontré un million de personnes. Je parle mieux anglais qu’à mon avis si j’avais fait des études. J’ai une faculté d’adaptation dans tout. J’estime aussi que pour réussir dans la vie, il faut apprendre toutes ces choses-là. Je suis très heureux de mon parcours. Tout le monde peut aussi décider d’apprendre ça en parallèle de l’école. Il y en a qui font des grandes études et qui font aussi du sport à côté, même à haut niveau. Je trouve que le tennis en particulier, avec toutes les contraintes de voyage de se retrouver seul et de devoir à avoir développé cette capacité d’adaptation, est une merveilleuse école de la vie. 

Aujourd’hui, au-delà des résultats, comment négociez-vous avec ce côté de vivre, toujours, avec sa valise, d’hôtel en hôtel?

Ce n’est pas toujours facile, surtout quand on a une petite copine, une famille qu’on ne peut pas voir beaucoup, ce qui est mon cas. Je vois très peu ma famille. Quand je réalise qu’à un moment ça va s’arrêter,  mon rêve, cette vie de rêve s’arrêtera, tout de suite j’apprends à apprécier les moments difficiles qui sont liés à cette vie.  Donc, les voyages, le fait d’être loin, le fait d’être en chemin, le fait d’être fatigué physiquement, tout ça, c’est assez vite gommé quand je réalise que je suis en train de vivre la vie que je voulais et qu’un jour ça me manquera. Tout de suite c’est plus facile.

Depuis 2013, vous représentez Monaco, est-ce qu’avant cette date-là, on vous avait donné cette chance-là de « miser » sur vous? 

Quand j’étais jeune, c’est moi qui ne me l’ai pas forcément procurée. J’étais dans les meilleurs, mais pas dans les touts meilleurs. Pas assez pour être pris en charge par la Fédération française de tennis, tout simplement. Et à 23 ans non plus, j’avais un classement autour des 500, 600e mondial, peut-être même top 400. Mais ce n’était pas suffisant pour être pris en charge et aidé par la Fédé à cette époque-là. J’ai eu Monaco qui a proposé de m’aider et qui m’a pris sous son aile. Ça fait 12 ans maintenant, donc c’est une histoire un peu spéciale. Mais j’ai été aidé par Monaco à un moment, où eux ont fait le pari que j’allais être fort. Ils ont cru en moi, ce qui n’était pas forcément le cas des autres Fédés, en tout cas de la Fédé française. Même si j’ai eu des wild-cards par le passé, ils ont pu m’aider quand même et me donner quelques coups de pouce à travers quelques wild-cards. Mais ça s’est arrêté là. Monaco derrière m’a vraiment porté. 

En 2023, il y a eu « un retour sur investissement » avec cette victoire en double au Masters 1000 de Rome… 

Pour la Fédération monégasque de tennis, ce qui est très important, c’est la Coupe Davis. Nous sommes très fiers de représenter Monaco en Coupe Davis. Et eux veulent qu’on soit performant en Coupe Davis. Après, évidemment, c’est la cerise sur le gâteau si on arrive à amener le drapeau monégasque lors des finales de Grand Slam comme j’ai pu le faire en Australie (ndlr : en 2023), ou en gagnant le Masters 1000 de Rome, ou récemment, Romain Arneodo a gagné le Masters 1000 de Monte Carlo. Donc, effectivement, pour eux, c’est une belle récompense, parce qu’ils ont parié sur des joueurs qui n’étaient pas dans les touts meilleurs à un moment donné.

Ce format de Coupe Davis, il a changé. Il est très loin de celui initialement proposé…

Que ça soit plus sur trois jours, qu’il n’y ait plus les cinq sets (potentiels), ça enlève un petit peu de magie à cette compétition historique. Maintenant, on la joue toujours avec beaucoup d’envie, beaucoup de fierté. Ça nous tient vraiment à cœur d’être disponible chaque semaine de Coupe Davis. Malgré tout, on passe des moments magnifiques. C’est vrai que le format est un peu moins bien qu’auparavant.

En avril dernier, il y a eu un hommage en marge du Masters 1000 de Monte-Carlo à la baronne Elisabeth-Ann de Massy (décédée en 2020) qui fut notamment Présidente de la Fédération monégasque de tennis…

En 2013, c’est elle qui a aussi étudié mon dossier et qui était là pour m’accueillir. Elle a été très bienveillante. Elle m’a fait un accueil très chaleureux. Elle a toujours été une personne extraordinaire. Elle nous manque beaucoup, parce qu’elle faisait du bien à la Fédération. Maintenant, c’est sa fille, Mélanie, qui a repris le flambeau, du mieux possible. Malheureusement, je n’étais pas présent lors de cet hommage parce que j’étais en finale du tournoi de Marrakech. C’était très émouvant de voir cela à distance. Je suis très heureux que ce court (ndlr : l’ancien Court n°2) porte désormais son nom. Il y a aussi l’allée principale sur la terrasse du club qui est à son nom. C’est elle qui a repensé le nouveau bar.  Elle fait partie intégrante de l’histoire du club. Quand on est au club, elle est un peu avec nous. Il y a un travail de mémoire de fait qui est important.

Le prince Albert II est un réel connaisseur du monde du sport. Avez-vous eu déjà avec lui des discussions concernant le tennis, la compétition, la vie du circuit?

C’est un fervent supporter aussi de la Coupe Davis.  Donc, il vient nous encourager dès qu’il peut. C’est très appréciable. On adore quand il vient. Ça nous donne encore plus envie de nous battre pour le maillot. On a eu l’occasion d’échanger, notamment pendant le Masters 1000 de Monte-Carlo ou pendant la coupe Davis. Oui, il s’y connaît très bien. Il suit nos résultats. Il est, je crois, très fier de ce qu’on fait. Et inversement, on se sent soutenus. Il est très sympa. Évidemment, il a des fonctions qui sont incroyables. C’est pour ça que quand il prend le temps de venir nous voir, on apprécie qu’il soit là.

Est-il exact que vous séjournez parfois dans le Sud Ouest?

Je suis vraiment basé à Monaco, mais ma copine est de Bordeaux, elle a bossé à Toulouse. J’avais mon préparateur physique qui était à Toulouse, mon staff médical aussi, je l’ai développé là-bas. 

Donc vous êtes team chocolatine?

Je suis né en Haute-Savoie (ndlr : à Evian-les-Bains) et on dit pain au chocolat. Ma copine dit, depuis six ans, chocolatine, je le tolère (sourire).

Et est-ce que, quand vous êtes à l’étranger ça ne vous manque pas, par exemple, le pain au chocolat? 

Justement, je suis un très très très grand fan de boulangerie. C’est une passion. Je pense qu’un jour j’aimerais même peut-être, pourquoi pas, en ouvrir une. Un truc à concept. À l’étranger, si ça me manque beaucoup. Ça permet aussi de faire des petites cures, quand je suis en France, je me fais plaisir. Par exemple, là, ça fait trois semaines que je suis en Angleterre (ndlr : entretien réalisé lors du récent tournoi de Wimbledon), je n’ai pas mangé de pain « correct ». Mais ça ne sera jamais à la hauteur des artisans qu’on peut avoir en France et à Monaco. Donc, à l’étranger, ça me manque beaucoup.

Est-ce vraiment une envie, après votre carrière, d’ouvrir votre boulangerie? 

J’aime tellement ça. Ces belles boulangeries, on arrive et ça donne envie. Il y a un bel accueil, des beaux produits. Je trouve que c’est fabuleux, puisqu’on peut y aller tous les matins. Ça donne du bonheur aux gens. Moi, ça me touche beaucoup, j’adore ça. Je ne sais pas, je ne pense pas qu’en tout cas je me lèverai à 3 h du matin pour le faire (le pain). Mais pourquoi pas en ouvrir une avec un associé, je ne sais pas. Je ne me ferme pas la porte à ça.

Propos recueillis par E-A à Wimbledon