Génération Tennis Mag

Génération Tennis Mag

23 février 2016 Non Par SoTennis

Peut-on devenir journaliste sportif grâce à un champion et à un magazine? Pour Yannick Cochennec la réponse est oui. Cet ex-fan « enragé » de Yannick Noah, a longtemps suivi les exploits de son idole à travers sa gazette préférée, Tennis Magazine. Le Breton a même réussi le tour de force de débuter sa carrière là-bas, où il a forgé son style journalistique. Désormais journaliste indépendant, il n’en oublie pas moins son long passage chez Tennis Magazine, où toute une génération est passée par l’expérience Tennis Mag.

©SoTennis

En 40 ans d’existence Tennis Magazine a bercé plusieurs générations de passionnés. ©SoTennis

Le 5 juin 1983 Yannick Noah remporte Roland-Garros. Pour l’adolescent fan de Noah que vous étiez, est-ce cette victoire qui a fait naître en vous l’envie de devenir journaliste pour l’approcher?
Mon intérêt pour la carrière de Yannick Noah avait débuté quelques années plus tôt, vers la fin des années 70. Est-ce que je serais devenu journaliste sportif sans Yannick Noah ? J’ai tendance à penser que non. C’est lui qui a vraiment suscité ma passion pour le tennis et pour Tennis Magazine. Si je suis devenu lecteur de ce magazine, à partir de 1981 et où il écrivait une chronique, c’est grâce à lui. À l’époque, c’était un moyen en quelque sorte de me rapprocher de lui. D’autant plus qu’il n’y avait pas autant de moyens d’information qu’aujourd’hui.

En 1988 vous parvenez à décrocher un stage au mensuel Tennis Magazine. À ce moment-là, arrivez-vous à atteindre votre objectif d’approcher votre idole?
À l’occasion de ce stage, j’ai pu me rendre pour la première fois à Roland-Garros, lors de la première semaine du tournoi. À cette occasion, j’ai assisté en «live» à mon premier match de Yannick Noak. Il avait affronté au premier tour l’Allemand Ricki Osterthun. Puis, j’ai assisté à quelques conférences de presse. La première fois que j’ai pu vraiment lui parler, fut lors du tournoi de Miami, en 1989. J’étais envoyé spécial pour Tennis Magazine, c’est à ce moment-là que je l’ai réellement rencontré.

Suite à ce stage vous êtes embauché à Tennis Magazine. Vous souvenez-vous de vos premiers papiers?
Mon premier reportage concernait le Grand Prix de Toulouse de 1988. Cette édition avait été assez spectaculaire, dans la mesure où Jimmy Connors, qui disputait pour la première fois ce tournoi, avait non seulement rempli le Palais des Sports de Toulouse, mais s’était imposé très facilement en finale face à Andrei Chesnokov. Deux mois plus tard, j’avais réalisé mon premier reportage à l’international, à Göteborg, lors de la finale de la Coupe Davis entre la Suède et l’Allemagne. Ensuite, pour la première fois, je me suis rendu aux États-Unis, lors du tournoi de Miami. À ce moment, j’ai eu l’impression de passer à un cran supérieur. Puis les choses se sont enchaînées. J’ai eu la chance de réaliser tout cela à 21 ans, ce qui n’est pas forcément le cas aujourd’hui pour les jeunes journalistes.

«Tennis Magazine c’est l’école de la rigueur et de l’exactitude»

Vous rencontrez là-bas Guy Barbier (décédé d’une crise cardiaque en juin 2015) qui était rédacteur en chef adjoint. Est-ce lui qui a façonné la matrice de votre style journalistique?
Guy Barbier a été mon père professionnel. Je n’oublie pas non plus Jean Couvercelle, qui s’occupait un peu plus de la gestion du magazine, tout en participant activement aux réunions de rédaction. Néanmoins, j’étais plus en contact avec Guy. Avant mon arrivée, je lisais régulièrement ses papiers dans Tennis Magazine. C’était quelqu’un qui avait une plume. Il m’a pris sous son aile et mis le pied à l’étrier. Il a forgé mon écriture. Son soutien et son amitié ont été constants tout au long de ma carrière. Son décès a été pour moi affreusement triste.

Vous êtes resté près de 20 ans chez Tennis Magazine, en occupant notamment le poste de rédacteur en chef adjoint de 1997 à 2007. C’est quoi l’école Tennis Magazine?
C’est l’école de la rigueur et de l’exactitude. Je pense que si vous êtes passé chez Tennis Magazine, vous pouvez travailler partout ailleurs. Chez Tennis Magazine, vous êtes confronté à des passionnés. Ils sont très exigeants, à juste titre, et très attachés à retrouver les bons scores, les bons noms… ils ne laissent pas passer la moindre erreur. Il y a aussi un noyau dur de lecteurs qui sont abonnés depuis de nombreuses années, et il ne faut pas les dérouter en chamboulant au fur et à mesure des années la formule du magazine. Mais le changement, surtout dans le contexte où se trouve de nos jours la presse, est primordial.

En 2007 vous décidez de devenir journaliste indépendant. L’étiquette tennis était-elle devenue trop collante?
J’avais envie d’autre chose. Je pense que j’étais arrivé au bout de mon expérience au sein de Tennis Magazine… Je suis donc allé voir ailleurs. J’ai pu travailler avec plaisir pour le site Internet Slate.fr dès sa création, où j’ai rencontré Jean-Marie Colombani (ndlr : cofondateur et directeur de publication de Slate.fr) ou encore Éric Le Boucher. En tant que journaliste indépendant j’ai également travaillé pour l’Équipe Magazine, pour Golf Magazine, j’ai fait de la télé pour Eurosport, j’ai fait de la radio… Il y a 10 ans le métier de journaliste a commencé à évoluer. Finalement, j’ai peut-être pressenti tout cela.

«Ma condition de « fan » n’a plus été la même dès lors que j’ai rencontré Yannick Noah»

Vous débutez votre nouvelle vie professionnelle en réalisant pour le journal Le Monde, une interview de Yannick Noah, (interview parue en décembre 2007). Est-il possible de «porter la plume dans la plaie » lorsqu’on est fan de son interlocuteur ?
J’avais fait cette interview car j’avais eu l’info qu’il s’apprêtait à devenir l’entraîneur de Richard Gasquet. Je l’avais rencontré près de La Courneuve, où nous avions échangé notamment sur cette information. Ma condition de « fan » n’a plus été la même dès lors que je l’ai rencontrée la toute première fois, d’autant plus que sa carrière était à ce moment-là sur le déclin, malgré quelques coups d’éclat. Aussi, avec la maturité les choses évoluent… Je me rappelle avoir fait un article pour Slate.fr, lorsqu’il avait exprimé son point de vue sur le sport espagnol, et en particulier sur le tennis espagnol, où je l’avais égratigné car il était pour moi sorti de la route, avec des propos à l’emporte-pièce. Aujourd’hui, s’il se plante à son poste de capitaine de l’équipe de France de Coupe Davis, je n’hésiterais pas à le dire. Son retour comme capitaine m’intéresse, mais ne m’enthousiasme pas.

Si vous pouviez revenir en 1976, date à laquelle Tennis Magazine fut créé, et où vous n’étiez qu’un enfant, que diriez-vous à Jean Couvercelle (ndlr : cofondateur) qui débutait l’aventure Tennis Mag?
Je lui dirais de faire ce qu’il a fait, car c’est une formule qui a très bien marché. Il était arrivé à une époque où il n’y avait qu’un seul magazine dédié au tennis (ndlr : Tennis de France) et où ce sport commençait à prendre son essor. Quoique certains puissent en penser, c’est un magazine qui est toujours là 40 ans plus tard… Je suis épaté par l’endurance et par la passion de Jean Couvercelle. Tenir un tel magazine, qui ne fait pas uniquement la part belle aux tournois du Grand Chelem et aux champions, requiert une abnégation et une régularité particulière.

Propos recueillis pas E-A