Sarah Pitkowski : «J’avais besoin de me prouver des choses »

19 octobre 2015 Non Par SoTennis

Pendant plus de 10 ans Sarah Pitkowski a été joueuse de tennis professionnelle. Contrainte à mettre un terme à sa carrière après une blessure à l’épaule en 2001, la nordiste a su rebondir et réussir sa reconversion. Celle qui est aujourd’hui une chef d’entreprise accomplie, revient avec lucidité sur son parcours, et sur la délicate phase de l’après-carrière.

Sarah Pitkowski. ©AFP

Sarah Pitkowski. ©AFP

Quel a été votre cheminement pour mettre fin à votre carrière de joueuse de tennis professionnelle?
Une blessure à l’épaule m’a contraint à m’arrêter durant 6 mois. Lorsque j’ai repris, je n’ai pas atteint immédiatement l’objectif que je m’étais fixé, j’ai alors décidé de tourner la page assez rapidement, pour avoir le temps de me former à un autre métier, et amorcer ma reconversion.

Aviez-vous déjà une appétence pour un domaine d’activité qui pouvait vous intéresser en vue de cette reconversion?
J’aimais bien la communication et le journalisme. À l’époque, je me suis dit qu’il valait mieux que je bénéficie de mon nom, afin de faire fructifier cela, et tenter ma chance dans les médias. Plutôt que revenir sur le circuit, baisser au classement, et finalement retourner dans un certain anonymat, qui ne m’aurait pas permis de partir tout de suite vers une nouvelle carrière.

Dans votre cas, la Fédération française de tennis a-t-elle joué un rôle de « conseillère d’orientation »?
Oui et non, car j’avais des contacts au sein de la FFT, on m’a un peu conseillé, mais il n’y a absolument pas eu d’accompagnement, si ce n’est l’ancien président (ndlr : Christian Bîmes) de l’époque, qui m’a aidé à trouver un stage non rémunéré dans les relations presse afin je puisse me former. Mais ce n’était un projet professionnel en tant que tel, ce fut plus une mise en relation.

Certains athlètes évoquent le terme de « petite mort » pour décrire la vie d’après-carrière. L’avez-vous vécue cette « petite mort »?
Sarah Pitkowski: Je ne l’ai pas vécu, car j’ai fait en sorte de ne pas y être confrontée. J’ai évité ce sentiment, en m’arrêtant du jour au lendemain. Une semaine après avoir pris cette décision, j’avais changé de monde, je travaillais déjà. Je n’ai pas laissé le temps de l’attente qui aurait fait que je l’aurais probablement vécue cette petite mort. J’ai effectué ce stage non rémunéré pour une agence de relation presse, puis à mi-temps j’étais consultante pour Eurosport. En 2002 j’ai proposé mes services en tant que consultante à RMC pour Roland-Garros. Une station de radio que je n’ai pas quittée depuis.

« Quoi qu’il arrive, il faut être accompagné sur le plan psychologique et professionnel »

Pour mieux l’anticiper et la dépasser, selon vous, est-il nécessaire pour ces athlètes d’avoir un soutien psychologique?
Absolument, et c’est même indispensable. Est-ce un soutien psychologique, ou un accompagnement professionnel? Cela dépend de chaque profil, cela dépend aussi si cet athlète a déjà eu affaire à une aide psychologique durant sa carrière. Quoi qu’il arrive, il faut être accompagné sur le plan psychologique et professionnel, c’est indispensable.

En plus de vos activités dans les médias, vous avez créé en 2006 l’agence de relation presse 15Love. Cette création d’entreprise, fut-elle pour vous avant tout un besoin d’indépendance, sur le plan professionnel?
Elle n’a été motivée que par cela. Afin d’être son propre patron, et ne devoir dépendre de personne. Lorsque l’on est une joueuse de tennis professionnelle, certes, on a une équipe autour de soi, mais on est finalement son propre patron. Après ma carrière, je souhaitais l’être aussi.

Aujourd’hui, les activités de votre agence dépassent le cadre du tennis…
Nous avons des relations presse dans le sport. Nous avons des activités dans le golf, pour le Tour de France pour différentes marques, des fédérations sportives, des annonceurs, des sportifs… mais quasiment plus dans le tennis

Aviez-vous les compétences pour vous lancer dans une telle aventure?
J’ai passé un Master de communication et de marketing dans le sport, qui m’a permis d’acquérir une certaine expertise. Cette étape était très importante pour moi.

Aujourd’hui en tant que chef d’entreprise quel est votre rapport avec la compétition?
L’esprit de compétition est toujours présent. La défaite de voir filer un contrat est toujours aussi difficile à encaisser, mais avec les années, on prend un peu plus de recul. Aujourd’hui, ce sentiment est moins vif que lorsque j’étais sur le circuit. L’enjeu est de transformer un « échec » professionnel comme quelque chose qui n’est pas un « échec » personnel. Ce qui n’est pas nécessairement le cas au tennis.

«Dans mon cas ,je me suis peut-être trompée, dans le sens où j’aurais pu aller plus loin»

Auriez-vous entrepris tout cela si vous aviez accumulé un prize money conséquent pour vous la couler douce?
Je ne pense pas. À l’époque, je me suis arrêtée à l’âge de 26 ans. Même si j’avais eu les moyens, j’aurais malgré tout eu besoin de me donner un challenge professionnel. J’avais besoin de me prouver des choses sur le plan personnel, il fallait donc une source de motivation. Et éviter le vide, qui est terrible pour moi.

Quels conseils donneriez-vous à une joueuse ou à un joueur de tennis pour appréhender de la meilleure des « façons » sa fin de carrière ?
Aujourd’hui, j’ai du mal à donner des conseils. Auparavant j’étais beaucoup plus proche, j’avais un sentiment d’avoir une parole d’experte. C’était plus facile pour moi dire que dans une carrière, il faut essayer de s’intéresser à autre chose que le tennis, essayer de penser ce qu’il serait intéressant de faire par la suite… On vient au tennis et à la compétition pour tellement de raisons différentes que c’est difficile d’avoir un seul conseil à donner. Dans mon cas, je me suis peut-être trompée, dans le sens où j’aurais pu aller plus loin, si j’avais eu le courage d’essayer de continuer ma carrière. J’aurais peut être eu d’autres satisfactions. Cette carrière je l’ai arrêtée assez vite. Avant cette blessure à l’épaule, je n’avais pas eu de grosses blessures. Et à ce premier obstacle de blessure, je me suis dit, il faut passer à autre chose. Cela a été mon choix, mais je ne sais pas si je le conseillerai à tout le monde. Certains joueurs ont été blessés pendant longtemps, et ils arrivent à reprendre le fil de leur carrière. Des joueuses ont été mères et ont repris par la suite, et ont trouvé un épanouissement dans une seconde carrière. Je ne pourrai plus me permettre de donner un conseil. C’est vraiment propre à chacun.

Propos recueillis par E-A