Bernard Giudicelli : «Je me dis qu’on a eu raison»

Bernard Giudicelli : «Je me dis qu’on a eu raison»

27 septembre 2020 Non Par SoTennis

En mars dernier, la Fédération française de tennis avait surpris son monde, en reportant l’édition 2020 du tournoi de Roland-Garros au mois de septembre, en raison de la crise sanitaire liée à la Covid-19. Dans un contexte sanitaire toujours compliqué, avec une jauge de spectateurs abaissée à 1000 personnes par jour, le Grand Chelem parisien, version automnale, est, déjà, marqué par le sceau de la singularité. Bernard Giudicelli, président de la Fédération française de tennis, évoque pour nous cette édition 2020, ses nouveautés, ainsi que ce stade Roland-Garros, qui s’apprête à poursuivre sa métamorphose.

Comment avez-vous abordé cette édition 2020 ?

Nous l’avons abordé avec une certaine satisfaction d’avoir pu maintenir le tournoi dans un contexte aussi compliqué. C’est aussi pouvoir offrir aux passionnés de tennis d’avoir la possibilité d’assister, pour certains, au tournoi ou de le regarder. Mais c’est aussi pour tous les joueurs d’avoir la possibilité d’exercer leur métier de joueuse et de joueur de tennis professionnel, tant celles et ceux du tableau final que des qualifications, qui ont pu ou qui pourront avoir une activité.

Le ministre de la Santé, lors de son allocution de mercredi, a annoncé la baisse de la jauge à 1000 personnes (maximum) pour les grands événements. Cette baisse de jauge, comment l’avez-vous accueilli ?

Nous en sommes restés à l’idée que la jauge devait être réduite à 1000 personnes et nous nous sommes préparés ainsi. Nous fonctionnerons avec le public que l’on pourra accueillir… (ndlr : entretien téléphonique réalisé le 24 septembre 2020.)

Le 17 mars dernier, vous avez annoncé le report du tournoi de Roland-Garros, lié au contexte de la Covid-19, au mois de septembre. Ce report, comment a-t-il été imaginé ? Qui en a eu l’idée ?

Depuis notre élection, nous avons mis en place un dispositif de prévention des risques. L’un des risques, qui était le risque numéro huit, était l’annulation du tournoi. Pour ce risque-là, une procédure des risques avait été anticipée. Nous avons très tôt mis en place une cellule de veille qui est rapidement devenue une cellule de crise. Cette cellule a identifié quatre options sur les modalités d’organisation du tournoi. Celle qui s’est avérée au moment où le gouvernement a annoncé sa décision de mettre en place le confinement, ce qui a rendu impossible la préparation et l’organisation du tournoi, c’était celle du report, la seule qui était viable. La décision a été prise par le Comité Exécutif.

Cette annonce du report avait, à ce moment-là, cristallisé certaines critiques (certains avaient reproché aux organisateurs un manque de concertation). Comment les aviez-vous accueillis ces commentaires-là ?

D’abord de façon responsable et aussi de façon lucide. Notre position, à ce moment-là, était que le calendrier tel qu’il avait été conçu n’avait plus lieu d’être et que les cartes devaient être totalement rebattues et qu’il fallait imaginer un nouveau calendrier. Dès la semaine qui a suivi notre annonce, nous nous sommes mis au travail avec l’ATP et la WTA pour trouver et travailler sur un calendrier alternatif, qui finalement a été publié quelques semaines plus tard. Ce qui est important, c’est le fait d’avoir eu raison au final. Que cette crise de la Covid-19 avait annulé un calendrier qui n’avait plus lieu d’être.

Est-ce qu’au fond vous avez défendu avant tout l’intérêt de Roland-Garros ?

Nous avons surtout défendons l’intérêt de la Fédération française de tennis, dont le tournoi de Roland-Garros est un élément essentiel, à la fois pour le fonctionnement du tennis international, mais aussi pour le tennis fédéral. Le tournoi de Roland-Garros est le poumon qui nous permet de faire fonctionner nos territoires, qui nous permet de soutenir le développement des clubs. Pour nous, il était inenvisageable de ne pas le jouer. Lorsque je vois aujourd’hui (jeudi) sur le court Central, alors qu’il pleut, des joueuses et des joueurs s’entraîner, je me dis qu’on a eu raison.

« L’émulation entre les tournois du Grand Chelem est amicale et stimulante, mais elle oblige à aller de l’avant. » Aujourd’hui, dans ce contexte-là, que vous inspire cette citation de Philippe Chatrier (président de la FFT de 1972 à 1993) ?

Cette citation de Philippe Chatrier est toujours d’actualité. Si l’on regarde l’histoire, cette émulation nous a conduit à construire et moderniser notre stade, à poser ce toit sur ce court Philippe-Chatrier qui est aujourd’hui magnifique et à travailler sur la couverture du court Suzanne-Lenglen, afin de rester au même niveau des autres tournois du Grand Chelem. Plus que jamais, cette maxime de Philippe Chatrier est d’actualité.

Le 5 février dernier la onzième et dernière aile du toit rétractable du court Philippe-Chatrier avait été posée, avec un mois d’avance. Neuf ans après le vote de l’assemblée générale de la FFT, où vous étiez à ce moment-là Vice-Président en charge notamment de Roland-Garros, qui a conduit au maintien du tournoi sur le site actuel, aujourd’hui, que ressentez-vous à la vision de ce Central coiffé d’un toit rétractable ?

Une immense fierté d’avoir conduit avec tous ceux qui ont collaboré tout au long de cette décennie, à ce magnifique projet. Nous avons le sentiment d’avoir écrit l’histoire. En tout cas, nous avons le sentiment que l’histoire s’écrit sous nos yeux. Je me souviens de ces images de l’INA, où Philippe Chatrier, lors de la finale Gomez – Agassi en 1990, se préoccupait de la pluie qui tombait sur le court Central. Je revois ces images et je me dis aujourd’hui que non seulement nous avons honoré sa mémoire et que nous le faisons entrer, en tant que grand président, dans l’histoire. Pour ma part, je pense que nous avons surtout satisfait à une maxime (celle de Roland Garros) « la victoire appartient au plus opiniâtre ».

En cas de besoin, ce toit rétractable du court Philippe-Chatrier se refermera en 15 minutes. Y a-t-il une politique de fermeture ?

Il y a une politique du toit qui a été rédigée. Le toit sera fermé en cas d’intempéries cela peut être la pluie ou le vent. La décision de fermer ou de rouvrir ce toit appartiendra au juge-arbitre. Le joueur sur le court pourra demander que ce toit soit fermé, mais la décision finale appartiendra au juge-arbitre..

Ce court Philippe-Chatrier a été également doté de projecteurs. Une potilitique d’éclairage a-t-elle été établie, en particulier pour cette édition 2020 qui se déroule en automne ?

Il y a des critères qui tiennent à la luminosité. Ce qui est sûr, c’est que cela reste un tournoi diurne. Il y aura recours à la lumière là aussi sur décision du juge-arbitre. Les années précédentes, c’était le juge-arbitre qui prenait la décision d’interrompre les matchs en cas de manque de luminosité, de la même façon c’est lui qui prendra la décision d’éclairer les courts et bien entendu cette décision se traduira par l’éclairage de l’ensemble des douze courts, qui pourront être éclairés cette année. Ce qui est quand même, bien que l’on parle beaucoup du toit, aussi un peu un retour aux sources. Les gens ont peut-être oublié cela, mais dans les années 1970, les courts étaient éclairés. Ainsi, c’est, aussi, garantir une continuité sportive, de ne pas interrompre la dramaturgie qui pourra se jouer jusqu’au bout, grâce à l’éclairage.

Ce stade Roland-Garros va devenir en 2024 stade Olympique, à l’occasion des JO de Paris 2024. Est-ce que le court Central accueillera bien comme discipline le tennis ? (ndlr: les sites temporaires de Seine-Saint-Denis ne devraient pas voir le jour d’ici 2024, pour réaliser les 400 millions d’euros d’économies annoncées par le Cojo. Le Cojo hésiterait entre le stade Pierre-Mauroy de Lille, le court Central de Roland-Garros et le Parc des expositions, pour accueillir trois sports collectifs.)

Pour l’instant, pour nous, le sujet n’est pas à l’ordre du jour. Nous avons œuvré pour que notre sport puisse accueillir les finales de l’épreuve olympique de tennis. Je lis ce qui s’écrit, ce qui se dit ou ce qui se commente, mais je n’ai pas de commentaires à faire là-dessus.

Sur ce sujet, avez-vous eu des garanties ?

Je ne commente pas sur ce sujet !

Le court Suzanne-Lenglen, quant à lui accueillera les épreuves de boxe. Il est prévu de l’équiper d’une couverture légère et rétractable. Un appel d’offres en juillet 2019 avait été lancé. Où en est-on aujourd’hui ?

L’appel d’offres a abouti. Nous avons retenu un projet. Ce projet a été de façon, un peu privilégié, présenté à nos riverains, vous savez ceux qui pendant de nombreuses années s’étaient opposés à cette modernisation. Ils ont accueilli cela avec beaucoup de satisfaction, notamment concernant la qualité architecturale. Nous présenterons le projet pendant Roland-Garros. Je peux d’ores et déjà vous dévoiler que c’est l’architecte Dominique Perrault qui a été retenu pour réaliser ce projet, dont la livraison est prévue pour le 31 décembre 2023.

©DominiquePerrault

Dans ce cas-là, différents recours sont-ils à envisager ?

Il y a des recours possibles, mais nous sommes placés sous le régime de la loi olympique avec des procédures dites accélérées. Pour l’instant, nous n’avons pas d’inquiétudes de ce côté-là.

Son coût s’élève-t-il bien à 18 millions d’euros ?

Le coût est supérieur, mais nous dévoilerons tout cela lors de la présentation du projet.

Qui va en assurer le coût ?

Il y aura une participation des organisateurs, mais l’essentiel du coût sera supporté par la Fédération française de tennis.

Ce stade Roland-Garros a pour vocation d’être ouvert à l’année. Cela veut dire quoi, un stade ouvert à l’année ?

Cela veut dire qu’il y aura trois usages principaux. Déjà, il y aura la possibilité à des clubs de venir jouer sur la partie Ouest du stade, la partie où se jouent les qualifications, et de créer ce que l’on veut appeler le Roland-Garros tennis club, qui est un espace qui permettra à des clubs de vivre cette expérience-là. La deuxième vocation, c’est d’y accueillir différents événements sportifs, comme, pourquoi pas, la phase finale de la coupe Davis, ou culturels, en utilisant nos installations. Enfin, le troisième volet, c’est une ouverture sur la ville, sur les entreprises, sur le monde associatif, sur l’économie, avec notamment la création d’un festival interculturel organisé au mois de septembre.

Ce stade Roland-Garros est en travaux depuis 2015. Différentes phases successives ce sont déroulées. À l’issue de cette édition 2020 ces travaux vont reprendre. Que reste-t-il encore à réaliser ?

Il reste à réaliser les aménagements de l’entrée principale qui se situe sur l’avenue de la porte d’Auteuil, plus quelques aménagements aux abords. Tout cela ne pourra pas être fait dans une période qui va du mois d’octobre 2020 jusqu’au mois d’avril 2021. Ce qui veut dire que nous allons être amenés à dissocier la dernière année du chantier, qui était prévu entre le mois de juin 2020 et le mois d’avril 2021. Nous sommes obligés de diviser cette dernière période en deux périodes, afin de pouvoir absorber le retard pris à cause du report de cette édition de Roland-Garros. L’achèvement total sera donc pour l’édition 2022, c’est comme cela qu’il faut le comprendre.

Propos recueillis par E-A lors d’un entretien téléphonique réalisé le 24 septembre 2020