Court Simonne-Mathieu

Court Simonne-Mathieu

24 mai 2019 Non Par SoTennis

Après bien des tourments et des polémiques, le court du jardin des Serres d’Auteuil, est prêt à accueillir ses hôtes. Entouré de quatre serres d’exposition, ce court semi-enterré, le troisième en termes de capacité (5 000 places), nommé court Simonne-Mathieu, est l’un des symboles du Nouveau Roland-Garros. Son architecte, Marc Mimram évoque la conception et la construction de cet édifice, mêlant sport et botanique.

Vous êtes l’architecte du court Simonne-Mathieu. Comment l’avez-vous pensé, ce court semi-enterré, situé dans le Jardin des serres d’Auteuil ?

Il fallait se mettre en dialogue avec les serres historiques dessinées par Jean-Camille Formigé, au XIXe siècle, et trouver une mixité entre nature et sport. C’est-à-dire entre le terrain de tennis, son environnement dans le jardin et le mettre en dialogue, par l’installation de serres créant une enceinte de serres botaniques sur les quatre côtés du terrain, afin de se mettre en dialogue avec les serres historiques. On s’est mis dans le gabarit exact de ces serres. C’est pour cela que les tribunes hautes sont au niveau des Serres, et que les tribunes basses sont inscrites dans le sol.

Ce court semi-enterré est cintré par quatre serres d’exposition, représentants les quatre continents, qui accueillent différentes plantes exotiques. Comment avez-vous imaginé cette structure ?

Ces serres sont des serres scientifiques. C’est-à-dire qu’elles ont des degrés d’hygrométrie très élevés et particuliers. Chacune des serres est dans un climat très différent, puisque ces serres sont là pour accueillir des plantes de continents différents. Nous nous sommes retrouvés dans une situation où l’on avait des serres très étanches, avec du double vitrage. Je ne voulais pas que cela soit uniforme, que cela soient de grands éléments continus, qui auraient fait une façade très lourde, par rapport aux Serres historiques. C’est pour cela que nous avons dessiné ce système d’écailles de verre, qui permet un reflet et des variations sous la lumière. Comme c’est orienté sur les quatre côtés, en fonction de la lumière et des mouvements du soleil, les écailles vibrent de manière différente. Je ne voulais pas que cela soit une bulle de verre, mais plutôt quelque chose qui soit attentif à la vibration du soleil. Avec notre bureau d’études, nous avons voulu installer les serres dans leur forme autonome, en dialogue avec les gradins. Lorsque vous passez dans la galerie située entre les serres et le court, les gradins sont dans une structure qui est en acier, dessinée d’une manière très particulière pour ce projet. Afin de laisser une très grande transparence. D’ailleurs, si vous regardez bien, il n’y a pas de contremarches, dans les escaliers menant aux gradins hauts. Ces contremarches sont en verre, de manière à ce que la lumière pénètre à l’intérieur de la galerie et jusqu’aux serres.

©SoTennis

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La modernisation du stade Roland-Garros a « intégré dans son processus une démarche environnementale forte. » Qu’en est-il de ce court Simonne-Mathieu ?

Ma première considération, sur le caractère écologique, a été l’économie de matière. Je suis très attaché à cette hypothèse, que l’architecture est un art de la transformation de la planète et par conséquent, il faut être le plus économe possible en matière. C’est pour cela que nous avons dessiné cette structure de manière à ce qu’elle soit plutôt un ouvrage de sol, avec des parties, basses, en béton, et avec tout ce qui est en élévation, les serres, les tribunes hautes, soit en acier et en verre de manière à ce que cela soit le plus économe en matière. C’était la première condition. C’est ce qu’on nomme l’énergie grise accumulée dans le bâtiment. Il faut que cette énergie gris soit la plus faible. Ici, on a très peu de considération énergétique au sens classique des bâtiments, puisqu’il n’est évidemment pas chauffé, à part les serres, qui le sont pour des raisons botaniques. Les économies d’énergie portent en règle générale sur trois caractéristiques. Les matériaux, la quantité de matériaux et l’isolation du bâtiment. Dans ce projet, l’énergie qui est produite, est celle pour les plantes des serres. Ces serres sont d’ailleurs extrêmement isolées. Quant au reste, nous avons essayé d’être le plus économe possible en matière.

Au cours de votre carrière vous avez pensé énormément de ponts et de passerelles. Pour ce projet, de court semi-enterré, entouré de quatre serres, avez-vous travaillé différemment ?

Notre travail porte sur la qualité des structures. Vous évoquez des ouvrages d’art, les passerelles et les ponts, qui sont effectivement liés à cette approche-là. Une approche qui est très attentive à la matière afin que les structures soient les plus fines possible et jamais standards. Chacun de ces bâtiments ou de ces ouvrages est spécifique. Lorsqu’on aborde la question du court du jardin des Serres d’Auteuil, on est devant une autre considération, qui est le dessin de ces éléments structuraux. Ce qui me paraissait le plus important, c’était la question de l’ambiance et si possible, l’émotion que va procurer cette situation particulière d’être dans un court semi-enterré, au sein de Serres. Lorsque vous êtes au milieu du court, vous êtes dans une enceinte close, avec une fenêtre ouverte sur le ciel, qui est due aux quatre serres présentes autour. J’avais beaucoup parlé avec différentes personnes du monde du tennis, pour essayer de voir avec elles, quelles étaient les caractéristiques de l’ambiance, de l’atmosphère d’un court, pour un joueur et un spectateur. C’était cette qualité-là qui était, aussi, importante à prendre en considération. J’ai l’impression qu’il y aura là, une atmosphère particulière. Ce sera aux spectateurs et aux joueurs de le dire. Je crois que cette « contrainte » que l’on s’est donnée, d’entourer ce court de serres, lui procurera une atmosphère tout à fait unique et qui va mettre dans une relation très forte, le sport et la nature. Le sport est souvent fonctionnellement isolé, les jardins sont, évidemment d’une autre nature… Là, ce qui me paraît intéressant, c’est que l’on installe un dialogue entre les deux. J’espère qu’on aura réussi à le faire.

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En 2009, votre projet d’un nouveau court Central avec un toit rétractable qui devait s’ériger sur l’ancien site du stade George-Hébert, n’avait finalement pas abouti. À cette occasion et par la suite, pour ce court Simonne-Mathieu, vous étiez-vous rendu à Roland-Garros pour humer l’ambiance de ce tournoi ?

Bien sûr. Vous voyez, nous, nous construisons des arena, des salles de spectacle, où il y a du sport et du spectacle. La question qui se pose là, est la question de l’atmosphère. Quand on fait un court de tennis, j’ai eu cette chance de le faire pour Roland-Garros, ce qui est assez exceptionnel, c’est de (re)trouver cette atmosphère particulière. J’ai discuté avec des joueurs. Ils sont tous très attachés à Roland-Garros. Parce que c’est représenté par un sol. Comme si c’était un enracinement dans le sol, dû à la terre battue. On peut construire des terrains en terre battue partout dans le monde, mais, lors de ces conversations, la question de la terre battue n’était pas ailleurs qu’à Paris. Roland-Garros c’est Paris.

Un court de tennis peut parfois avoir une acoustique particulière, à l’image du court n°1, voué à être détruit après l’édition 2019, dans le cadre du Nouveau Roland-Garros. Le fait que ce court Simonne-Mathieu soit entouré de serres, en verre, lui donne-t-il une acoustique particulière ?

Tout à fait. Je suis assez mal placé pour la qualifier cette acoustique, mais nous l’avons modélisée. J’espère qu’elle va être agréablement particulière. Là, on le saura lorsque les 5 000 spectateurs de ce court auront pris place dans les tribunes, car ce sont eux qui absorbent. Le verre réfléchit les ondes. Il y aura deux acoustiques très différentes lorsque les gradins seront vides, car tout sera réfléchissant et une autre atmosphère lorsque les gradins seront occupés par les spectateurs. Personne n’a encore vu 5 000 personnes dans les tribunes de ce court. Je suis très impatient de le voir.

La construction de ce court a été émaillée par différents rebondissements judiciaires, par différentes polémiques… Aujourd’hui, quelle place occupe ce projet dans votre carrière ?

Il représente un très grand engagement. Je ne veux pas revenir sur de l’histoire ancienne. Cela a été très pénible, car elle a été très souvent fondée sur un mensonge. Celui qu’on allait « détruire les serres historiques ». Personne n’a eu l’idée de faire cela. Il y a eu une levée de boucliers de gens pensant que nous allions faire cela, alors que c’était faux. Malheureusement, le mot est devenu à la mode, mais nous étions dans la fake news. Maintenant, tout cela est derrière nous. Je crois que je serais très fier d’imaginer que l’on ait réussi à faire en sorte que le dialogue s’installe d’une manière plus ténue entre le sport de très haut niveau et la botanique. Ce court a été l’occasion d’offrir et d’installer plus de 1 500 m2 de serres botaniques. Ce qui n’avait pas été fait à Paris, je crois, depuis le XIXe siècle. C’est une belle rencontre. Celle du sport, de la nature de Roland-Garros et du jardin. Je crois que tout cela va fonctionner en harmonie. Désormais, lorsque je me promène, dans le Jardin des serres d’Auteuil, je vois des serres botaniques, tout en repensant à ce que c’était au préalable. Un lieu de stockage. Je me dis qu’on a rendu un service au jardin, comme on a rendu un service à Roland-Garros. Pour moi, ce combat-là, a une place très particulière.

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Ce court a été nommé Simonne-Mathieu en hommage à cette ancienne championne des années 1930 et à cette résistante. Comment l’avez-vous accueilli cette annonce ?

Pour être honnête avec vous, je ne connaissais pas Simonne Mathieu. J’ai lu sa biographie lorsque son nom a été donné à ce court. J’ai été très impressionné par sa biographie. Je suis très heureux que ce choix ait été fait. Cette femme a eu un rôle dans le sport et dans la résistance comme une forme d’engagement double. Elle a été forte dans le domaine du sport comme dans le domaine de la résistance. Je suis très honoré que l’on ait donné à ce court le nom de cette femme, qui me paraît être un exemple pour tous. Je suis désolé de ne pas l’avoir connu plus tôt.

Propos recueillis par E-A, lors d’un entretien téléphonique réalisé le 7 février 2019.