Lucas Pouille : «Je savais que mon tennis n’était pas parti»

Lucas Pouille : «Je savais que mon tennis n’était pas parti»

24 mai 2019 Non Par SoTennis

Après un début de saison 2019 marqué par une demi-finale à l’Open d’Australie et le plaisir retrouvé de jouer, Lucas Pouille a été coupé dans son élan. La faute d’une grippe qui lui a fait perdre, du temps et quelques kilos de muscles. Énervé d’enchaîner les éliminations au premier tour, c’est en Challenger que l’actuel vingt-sixième mondial a renoué avec la victoire. Avec la sincérité et la placidité qu’on lui connaît, le Nordiste évoque ses derniers mois en forme de montagnes russes.

Votre début de saison a été marqué par une demi-finale à l’Open d’Autralie, mais une grippe est venue vous couper dans votre élan. Comment avez-vous vécu cette forme de rupture ?

Les mois de février et mars ont été très compliqués. Je pensais surfer sur la vague de mon tournoi à Melbourne. Je me sentais vraiment bien, j’avais de bonnes sensations. Je pensais vraiment avoir la capacité à enchaîner… La grippe m’est tombé dessus. C’était comme ça. Il y a des choses plus graves dans la vie… Ça ne m’a pas forcément aidé. La reprise sur terre n’a pas été évidente, avec toujours une recherche de confiance et de gagner des matches. Au premier tour à Monte-Carlo, ce n’était pas un cadeau d’affronter Stan Wawrinka (victoire du Suisse 7-5, 6-3). C’est l’un des joueurs face à qui on peut perdre en jouant bien. À Barcelone, face à David Ferrer, j’avais fait un moins bon match, où j’étais sorti du court énervé. J’ai continué à bien m’entraîner avec l’envie de retrouver le chemin de la victoire. Je savais que mon tennis n’était pas parti.

Cette grippe vous a délesté de quelques kilos de muscles. Avez-vous ajouté une nouvelle période foncière à votre programme ?

Oui et c’est pour cela que je n’avais pas jouer à Marrakech. Lorsqu’on perd du muscle et que l’on est un peu fatigué, il y a d’autres petites douleurs qui peuvent se joindre au reste. En février et en mars, je n’ai jamais vraiment eu la forme que je souhaitais, notamment à Indian Wells et Miami où je n’arrivais pas à enchaîner plus de deux heures d’entraînement, car j’avais mal un peu partout. Après le Masters 1000 de Miami, j’avais pris deux semaines pour essayer, à nouveau, de bien m’entraîner physiquement. Je suis revenu à mon poids que j’avais lors de l’Open d’Australie. J’étais en bonne forme physique, là n’était plus le problème. Ce fut une période un peu compliquée qui est derrière moi. Je regarde devant.

Durant cette période, quel a été le discours d’Amélie Mauresmo, votre autre coach (avec Loïc Courteau) ?

Son discours a toujours été le même et en même temps elle a l’expérience de ces moments-là. Elle en a connu, elle les connaît et elle sait ce que c’est de se sentir mal pendant une bonne période. De ne pas avoir la confiance que l’on aimerait avoir. Nous avons beaucoup parlé. Loïc Courteau (son autre coach) l’a vécu aussi à ses côtés (son entraîneur de 2002 à 2008). Les deux connaissent cela. Durant cette période, comme Loïc a pu le dire, je n’étais pas abattu ou triste ou las de ce sport… J’étais énervé car j’avais envie de retrouver le chemin de la victoire.

Vous faites désormais appel à une préparatrice mentale. Comment se déroule vos échanges avec elle ?

C’est plus par téléphone. Nous sommes déjà nombreux à voyager lors des tournois (sourire). Durant cette période délicate, ça m’a aussi aidé à avoir ses conseils. Auparavant, je ne « souhaitais » pas vraiment recevoir cette forme de soutien. Depuis le début de la saison j’ai cet accompagnement régulier et je trouve ça bien.

Pourquoi avoir disputé un tournoi Challenger, lorsqu’on est, à ce moment-là, 32e mondial ?

Je n’avais pas prévu de jouer cette semaine-là (du 29 avril au 5 mai 2019). J’avais plus prévu de m’entraîner, puis d’aller disputer le Masters 1000 de Madrid. Il y avait le choix de demander une wild card au tournoi d’Estoril, de Munich (des ATP 250) ou au Challenger de Bordeaux. L’envie de (re)venir à Bordeaux était là (sa première participation à ce Challenger date de 2015). J’avais envie de revenir disputer ce tournoi, qui est l’un des plus sympas sur le Challenger Tour. Ça me faisait plaisir de revenir jouer en France, avec comme priorité d’enchaîner les matches. Je ne me suis pas dit qu’en revenant en Challenger j’allais être sûr d’enchaîner les matches. Lors de mon entrée en lice, j’ai même sauvé une balle de match… L’idée a été de prendre humblement le début du tournoi. Le fait d’enchaîner les matches m’a permis de retrouver confiance.

Au final, vous sortez de cette spirale négative, en remportant votre premier tournoi Challenger à 25 ans…

On sait comment cela se passe au tennis. À Bordeaux, lors de mon entrée en lice, j’avais sauvé une balle de match, en ne jouant vraiment pas bien, mais en ayant une super attitude et en me bagarrant jusqu’à la fin. Cinq jours plus tard, je jouais très bien au tennis. Au final, ce n’était pas une question de niveau de jeu, ça, je le savais. Il fallait juste retrouver le chemin de la victoire et sortir de cette spirale négative. J’étais arrivé là, pas très confiant, sans victoire, en me posant des questions. J’avais fini sur une note positive. C’était une très belle semaine où j’étais monté en puissance au fil des jours. En étant concentré sur l’attitude, sur la bagarre, au final, j’étais parvenu à soulever le trophée du vainqueur. L’idée de faire des matches, peu importe où j’allais, c’était ce qu’on avait en tête et c’est ce qui s’est passé. J’étais content d’avoir enchaîné les matches et de reprendre de la confiance. Gagner mon premier Challenger à 25 ans reste anecdotique. J’ai préféré remporter mon premier titre sur le circuit ATP (à Metz en 2016).

Vous dites que lors de ce premier match à Bordeaux vous aviez mal joué. Est-ce difficile d’accepter de gagner sans bien jouer ?

Cela peut être frustrant parfois de ne pas avoir les sensations que l’on veut. Il faut se rendre à l’évidence, au cours d’une saison ou d’une carrière, on ne joue pas tous les matchs en ayant de bonnes sensations. On ne se lève pas tous les matins en se sentant pousser des ailes. Il faut dans ces conditions accepter de parfois d’avoir de mauvaises sensations et pour autant trouver la solution pour gagner. C’est ce que les meilleurs arrivent à faire. C’est ce qui fait la différence avec un joueur qui a fini sa saison entre 5 et 15 et un qui fait des bons résultats et un joueur qui a fini sa saison 20e mondial. C’est ce qui me manque un peu. C’est cette constance. Je suis capable de faire de très bonne semaine, d’aller loin dans les tournois, de battre de très bons joueurs, mais pour l’instant ce qui m’a manqué et c’est ce que l’on recherche, c’est de la constance toutes les semaines. C’est accepter aussi parfois de mettre la balle dans le court, accepter le rallye, accepter de batailler. Quand on est en confiance, on l’accepte facilement, lorsqu’on est un peu dans le dur c’est plus compliqué. Cette semaine à Bordeaux m’a fait du bien.

Votre seul objectif pour cette saison est-il toujours, comme vous l’aviez dit en fin d’année 2018 en évoquant cette saison, de ne pas avoir de regrets à la fin de l’année 2019 ?

C’est toujours le cas. Pour l’instant, je n’ai pas de regrets sur la manière dont je fais les choses. Au quotidien, j’essaie de donner le meilleur de moi-même et je sais que ces efforts finiront par payer…

Depuis l’an dernier le stade Roland-Garros a beaucoup changé, en particulier le court Philippe-Chatrier. Avez-vous suivi l’évolution de ces travaux ?

J’y suis allé pour la première fois, depuis l’an dernier, fin avril. C’est vrai que cela a beaucoup changé, tout n’était pas encore prêt. C’était compliqué de se rendre compte de ce que cela va donner. Il y avait beaucoup d’arbres à planter. Ce n’était pas encore aussi beau que ça va l’être. J’ai pu voir le court Simonne-Mathieu, qui est très beau et je pense qu’il va y avoir une atmosphère incroyable sur ce terrain, où j’aimerais bien jouer, même si j’adore le Central.

Ce Central, bien que le terrain reste identique, il a beaucoup changé aussi. Ses angles sont désormais pleins, les tribunes sont plus hautes, les sièges sont différents. En tant que joueur, comment cela se passe sur le plan des repères, lorsqu’on revient au sein d’un tel lieu, où tout a pratiquement changé ?

C’est un nouveau tournoi, même si la qualité du terrain reste identique. Lors de cette « visite », je n’avais pas vu l’intérieur du Central, mais c’est certain que les repères ne seront pas les mêmes que lors des précédentes années. Lors des entraînements, il va falloir « reprendre » ses marques, pour les aspects visuels et aussi le vent.

Votre compagne, Clémence (Bertrand), s’apprête à lancer sa ligne de vêtements, nommée « Blond Som Üs ». Comment ce projet est-il né ?

C’est elle qui en a eu l’idée en 2016. Cela lui donne beaucoup d’occupations, de challenges. Je suis avec elle pour la soutenir (ndlr :il est aussi associé). Elle va lancer cela fin mai, à l’occasion de Roland-Garros. Je porte ses vêtements, d’un style chic décontracté, que l’on peut voir sur mes réseaux sociaux. Au début, ils seront disponibles sur Internet via un site marchand du nom de la marque (www.blondsomus.com) et via un compte Instagram dédié.

Propos recueillis par E-A à Bordeaux.