Françoise Dürr, sa plus belle victoire

23 mai 2017 Non Par SoTennis

Le 4 juin 1967, Françoise Dürr remportait le simple Dames des Internationaux de France. Les années ont passé, mais le souvenir de cette incroyable victoire, dont on fête le cinquantième anniversaire, résonne encore à Roland-Garros et dans l’esprit de «  Frankie ».

Françoise Durr remporte Roland-Garros 1967 / ©ChantalKuntz Tenniseum

Françoise Dürr remporte Roland-Garros 1967 / ©ChantalKuntz Tenniseum

En cette année 1967, alors que le Moyen-Orient s’apprêtait à être bouleversé pour un moment et que les Beatles déchiraient les passions, Françoise Dürr allait créer la surprise en remportant le tournoi de Roland-Garros, le plus haut fait d’armes de sa carrière. Née le 25 décembre 1942, elle devient championne de France juniors en 1959 et remporte les Internationaux de France juniors en 1960. C’est à l’âge de 20 ans qu’elle entame sa carrière internationale de haut niveau. Son style atypique, notamment en revers (à une main) qu’elle frappe poignet cassé avec l’index droit placé le long du manche de sa raquette, et sa marque de fabrique. Son service n’est qu’une simple mise en jeu, en revanche, son coup droit solide et sa volée lui procurent de nombreux points. Mais au-delà de ses qualités techniques, c’est surtout ses aptitudes physiques et mentales qui font de Françoise Dürr une redoutable adversaire. Avec un jeu de jambes unique, pour l’époque, un souffle inépuisable, elle maîtrise également parfaitement ses nerfs et sa détermination est inébranlable, tout comme sa concentration. Elle devient ainsi l’incontestable numéro un française des années 1960 et 1970.

Une victoire pour la vie

Lors de l’édition 1967, alors que Roy Emerson s’adjuge son deuxième titre à Paris, la grande surprise vient du tableau féminin. Dix-neuf ans après Nally Landry, Françoise Dürr permet à la France, de voir l’une de ses représentantes remporter Roland-Garros. Elle vient à bout successivement de Maria Bueno (l’idole de ses débuts) et l’Australienne Kerry Melville en quarts et en demi-finales. Le 4 juin 1967, devant près de 10 000 spectateurs, Françoise Dürr s’apprête à vivre LA victoire de sa vie. Son entraîneur de toujours, le hongrois Joseph Stolpa, ne lui a glissé qu’un seul conseil avant ce match. « Si tu es en finale, fais tout ce que tu peux, parce que tu n’y seras peut-être plus jamais ! » En finale, « Frankie », comme la surnomme les Anglo-saxons, débute en remportant les neuf premiers points pour mener rapidement 3-1 face à Lesley Turner. Mais l’Australienne qui s’est déjà imposée deux fois porte d’Auteuil, aligne à son tour quatre jeux de suite pour empocher le premier set 6-4. Mais Françoise Dürr, fidèle à son image, ne renonce pas. Elle fait le break à 3-2 dans le deuxième set qu’elle s’adjuge 6-2. Elle réalise un nouveau break dès le début du dernier set, mais perd immédiatement cette avance. Menée 4-2, 30-0, la Frenchie n’abdique pas. Solide dans les échanges, Françoise Dürr fait peu à peu craquer Lesley Turner. Elle parvient à égaliser à 4-4 avant de faire le break au meilleur moment pour l’emporter 6-4. « J’ai eu du mal tout au long du tournoi. Déjà, au premier tour, il me semble que j’avais battu avec difficulté une jeune Américaine (Glenda Swan), en trois sets. En quarts de finale, j’étais opposée à l’idole de mes débuts, Maria Bueno. Ensuite, j’ai dû battre Kerry Melville, une Australienne classée dans les 10 meilleures mondiales, qui avait éliminé au tour précédent Ann Jones, la tenante du titre. Jones était l’une de mes bêtes noires. J’étais donc très contente que Melville lui ait barré la route. Je pense que cela m’a beaucoup aidé. J’ai battu Kerry assez facilement en demi-finales avant d’affronter Leslie Turner en finale. C’était une fille coriace. J’avais donc établi une tactique : monter au filet dès que possible parce que, du fond, elle renvoyait tout, un peu comme Chris Evert, alternant coups droits croisés et coups croisés courts…. Au troisième set, j’étais menée 4-2, 30-0, et puis d’un coup, je me suis dit : « C’est quand même trop bête, tu es en finale d’un Grand Chelem, ça ne se renouvellera peut-être plus jamais, tu dois t’accrocher coûte que coûte… Et j’ai fini par gagner ce troisième set 6 jeux à 4… Je suis plutôt contente que cette idée m’ait traversé l’esprit : je n’ai plus jamais disputé de finale de Grand Chelem en simple… » Déclarait-elle il y a quelques années à Roland-Garros Magazine. Lors de cette édition 1967, en plus du simple, Françoise Dürr remporte également le double avec son amie Gail Sherriff.

Avec le temps

À l’époque, ces exploits n’avaient pas vraiment déchaînés les foules. La presse sportive d’alors suivait cette discipline comme elle traite, parfois encore aujourd’hui, le sport féminin, avec une certaine forme d’indifférence. Il aura fallu attendre l’an 2000 et le sacre de Mary Pierce, soit 33 ans après son triomphe, pour que sa victoire soit remis sur le devant de la scène à sa juste valeur. Classée n°3 mondiale, l’année de son titre à Roland-Garros, Françoise Dürr a par la suite poursuivi brillamment sa carrière, en passant professionnel en 1968, signant un contrat avec le promoteur George McCall et devenant l’une des figures de l’ère Open. Jouant encore jusqu’au début des années 80, où elle participait au circuit des plus de 30 ans. Au total, douze titres du Grand Chelem (un en simple, sept en double, quatre en double mixte) ornent son armoire à trophées. Longtemps, ils ont servi à tenir les livres, sauf sa coupe de Roland-Garros. De ce passé glorieux et trépident, Françoise Dürr en garde aujourd’hui un doux souvenir. Sans amertume et sans regrets. « Cette vie-là est passée… Déclarait-elle récemment à Roland-Garros Magazine. C’est bien, j’en ai profité. Moi, je suis contente. J’ai eu une belle vie, j’ai fait ce que j’ai toujours voulu. Quand on a vécu des moments aussi intenses, quand on regarde la statue de Suzanne Lenglen, on se dit : «   La vie est courte. » Alors il faut en profiter au maximum ! » Précieux relais entre le passé et l’avenir, Françoise Dürr, qui a cueilli la vie, a aussi fait pendant longtemps profiter les jeunes de son immense expérience. Notamment lors de son passage au début des années quatre-vingt-dix à la direction du haut niveau féminin (à la FFT) et comme capitaine de l’équipe de France de Fed Cup (de 1993 à 1996). Elle a aussi contribué à la création du circuit féminin (WTA) et milité pour la parité des gains en Grand Chelem. Cinquante ans après sa victoire à Roland-Garros, cet instant de gloire reste encore aujourd’hui très vif dans sa mémoire. « Quand je suis à Roland-Garros, j’ai l’impression que ma victoire est encore toute proche. » Une victoire, qui demeure la plus belle de sa vie.
Extrait de l’émission Sports Dimanche (4 juin 1967) avec Claude DARGET:
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