Le questionnement d’Amélie Mauresmo
1 juin 2022Mercredi, lors d’une conférence de presse, qui avait été reportée, Amélie Mauresmo, directrice du tournoi de Roland-Garros a dressé un premier bilan de cette édition 2022. Notamment concernant les soirées de soirée et la programmation.
L’une de vos priorités était d’améliorer le confort des joueurs. À quel point c’est compliqué pour vous de les obliger à jouer si tard, dans des conditions humides, froides et contre leur volonté, parce que j’imagine que peu de joueurs vous ont réclamé de jouer en nocturne ?
C’est sûr que ce n’est pas simple. Je suis dans ma première année. J’apprends beaucoup de choses, en termes de programmation notamment, sur le tournoi. C’est certain que l’horaire des matchs du soir, cela peut effectivement poser des questions de ce point de vue-là. Ce sont des questions que je me pose aussi, pour être honnête. Je crois que le bilan, on le fera à la fin. On peut se dire que ce sont 10 matches. Est-ce qu’on se dit 10 matches, avec le jour de repos normalement après, pour revenir le surlendemain, finalement ça passe ou pas ? Voire, pour Rafa, revenir encore deux jours après. Je n’ai pas la réponse pour l’instant. En étant dans le tournoi, c’est plus un peu jour après jour. On se posera la question, je pense, à la fin du tournoi, au moment de faire le bilan, de faire du débrief, de se poser, voir les choses qui ont bien fonctionné, les choses qui ont moins bien fonctionné, les remises en question, etc. Ce sera sur la table, oui. Au final, ils ont fini vers quelle heure hier ? Vers 20 heures, 20 heures 15 ? En gros, pour hier, on aurait pu gratter une demi-heure, à peine, en fait. On sait que Roland-Garros finira de toute façon plus tard que, historiquement, où c’était la nuit qui mettait fin à tout cela.
Ce match Djokovic vs Nadal, cela aurait pu finir à 2 ou 3 heures du matin, on est en semaine. Quel est l’intérêt ? Vous allez sans doute me répondre que vous prenez le tournoi en cours, mais ça fait partie des interrogations…
Là, je ne vous réponds pas ça, parce que si vous n’avez pas vu l’intérêt pour les gens qui étaient dans le stade hier soir… Je ne sais pas à quelle heure a fini le match ? 1 heure 15 ou 1 heure 30. C’était plein. Seulement une poignée de personnes est partie. Personnellement, les sessions de soirée, quand vous êtes dans le stade, pour moi, l’intérêt est évident. C’était plein tous les soirs. Il y a eu le match, je pense, entre Tsitsipas et Musetti où là les gens sont partis un peu plus tôt, c’était en semaine aussi. Tous les autres matchs, il est vrai qu’ils n’ont pas été très longs, il y avait du monde, il y a un vrai enthousiasme de pouvoir travailler la journée et avoir cette espèce de bouffée d’oxygène en fin de journée, en soirée, parfois tard. Et, en plus, hier soir, pour le coup… Enfin, moi, j’ai trouvé que c’était dingue, mais je ne suis peut-être pas objective.
Comment avez-vous vécu la fameuse décision à prendre pour savoir si c’était nuit, jour ? On sait que c’était très tendu, qu’il y a eu des pressions multiples. Comment vous êtes venue cette idée de génie ?
On le sait, c’était difficile, tout le monde le voyait venir, tout le monde le savait. J’ai l’impression qu’il n’y avait pas de bonne solution dans cette histoire. Effectivement, pour le coup, toutes les autres prog, pour moi, c’était assez clair ce qu’il fallait faire. Là, c’était plus flou. Beaucoup de discussions, d’échanges, plein de sujets, plein de pression évidemment sur ce point-là puisque tout le monde attendait de savoir la décision qui allait être prise. On a tout mis dans la balance. Encore une fois, on apprend, on a essayé de prendre certains diraient la meilleure décision possible, d’autres la moins mauvaise. À vous de choisir. On était dans le gris plus que dans le blanc ou le noir, clairement. Je ne sais pas si ça répond à votre question. En gros, on a fait ce que l’on a pu.
Il y a eu beaucoup de spectateurs qui étaient heureux pendant le match mais, qui après se sont plaint pour rentrer chez eux, qui visiblement, ont dû payer le prix cher en taxi ou je ne sais comment ils ont fait…
Il n’y avait plus de métro.
Oui, ils se plaignent sur les réseaux sociaux. L’organisation peut-elle faire quelque chose, par exemple, organiser des navettes ? Et que l’organisation met-elle en place aujourd’hui ?
C’est un point qui est clé et qui sera clé, probablement dans le futur. Là, on n’a pas prévu de choses particulières. C’est clair qu’il faut que l’on s’organise autrement. Est-ce avec la ville de Paris, pour peut-être pousser plus loin le système de métros tout simplement, ou de bus, de façon globale ? Là aussi, il faudra avoir une réflexion, parce qu’effectivement, si on continue, et si on continue dans cette direction, que les gens puissent éventuellement quitter le stade assez tard, il faudra qu’on ait une organisation. Mais c’est vrai, on n’a pas les moyens, nous, aujourd’hui, d’organiser quelque chose pour 15 000 personnes qui sortent du stade.
Pour l’instant, il n’y a rien ?
Non, pour l’instant, il n’y a rien.
Delphine Ernotte, la présidente de France Télévisions, a eu des mots durs envers le tournoi à la suite de la décision de programmer le quart de finale de Nadal et Djokovic en nocturne sur Amazon Prime.
J’ai rencontré Delphine Ernotte hier (mardi). Mais entre le temps où j’ai demandé à la voir et le moment où nous nous sommes vues, elle avait donné son interview. En ce qui me concerne, je fonctionne en face-à-face et pas par presse interposée. De notre entrevue, il ressort une meilleure compréhension des deux côtés. Mais je dois préciser que tout ce qu’elle a dit n’était pas vrai. Pour ce match, il n’y avait pas de bonne solution. Tout était bien plus flou que pour les autres jours. Il y a eu beaucoup de discussions, de pression et d’attentes. Nous étions dans le gris, bien plus que dans le blanc ou noir. Nous avons essayé de prendre ce qui était la meilleure solution. Ou la moins pire, c’est selon…
Il n’y a eu qu’un seul match féminin en session nocturne. Est-ce que c’est un problème ?
En tout cas, je n’ai pas de regret à ce sujet. Avec un seul match programmé en nocturne, c’était compliqué de proposer un match féminin compte tenu des oppositions en première semaine. Dans l’ère dans laquelle nous sommes en ce moment, et en tant que femme, aussi en tant qu’ancienne joueuse, je ne me sens pas mal ou je ne trouve pas ça injuste de dire qu’aujourd’hui, il y a plus d’attrait pour les matchs masculins. Mon objectif, lorsque j’ai commencé la programmation au jour le jour, c’était d’essayer de voir, et depuis les premiers tours, lorsque le tableau est tombé, quels seraient les matchs du tableau féminin qui pourraient être présentés en session de nuit. Vous voyez les oppositions, les confrontations ou les stars que l’on pouvait identifier comme étant en session de nuit. Voilà, il y a tous ces paramètres à prendre en compte. Cela a été difficile. Sincèrement, j’ai essayé de me pencher dessus presque tous les jours. Avec toute l’équipe, on a vraiment essayé cela, on s’est concentré là-dessus. Je l’admets, cela a été difficile, et cela a été difficile de trouver le match de la journée pour plus qu’une seule journée. C’est assez intéressant car, comme je le disais, comme on n’a qu’un seul match en session de nuit, c’est difficile de faire ce choix.
Propos recueillis par E-A