Pierre-Hugues Herbert : «On m’a donné une fourchette entre 4 à 6 mois»
8 juillet 2022Blessé au genou gauche, Pierre-Hugues Herbert tente actuellement de panser ses maux. Contraint d’être immobilisé, le Strasbourgeois prend son mal en patience. Avec la placidité et l’authenticité qu’on lui connaît, l’ex-36e mondial évoque la délicate période qu’il traverse.
Le 17 juin dernier, lors de votre quart de finale au Challenger d’IIkle (Grande-Bretagne) vous avez, lors du troisième set, chuté entraînant une importante blessure à votre genou gauche. À ce moment-là est-ce que vous vous êtes tout de suite dit, cette blessure s’annonce grave ?
J’ai déjà chuté sur gazon, c’est une surface qui, au niveau du déplacement peut être traître à certains moments, mais là, j’ai vraiment chuté dans une position qui a fait que c’est vraiment mon genou (gauche) qui a tout pris. J’ai vraiment senti l’entorse. Lorsque j’étais au sol, j’ai ressenti une douleur extrême durant 45 secondes. Je me suis tout de suite dit : « Je me suis fait le genou. » À ce moment-là, je ne savais pas du tout de quoi il en ressortait. Il a fallu des examens et consulter des spécialistes pour vraiment obtenir le diagnostic complet. Oui, je sentais que je ne m’étais pas loupé.
Le 23 juin dernier, via votre compte Instagram vous avez, entre autres, annoncé que les ligaments de votre genou gauche avaient été endommagés mais sans rupture, éloignant une opération. Ce diagnostic, quand est-ce que vous avez pu l’obtenir ?
Déjà, il a fallu rentrer d’IIkle, ce qui était déjà une belle épreuve, du fait que j’étais en béquilles, chargé et que je ne pouvais rien porter. J’ai pris le train et le lendemain j’ai pu à Paris, effectuer des examens et consulter les spécialistes au milieu de la semaine d’après. Il s’est passé quasiment une semaine avant que je sois fixé sur le diagnostic.
Lors de ce diagnostic, vous a-t-on donné votre durée d’indisponibilité ?
C’est une question que les spécialistes n’aiment pas trop avoir, car c’est extrêmement difficile d’y répondre. Disons que l’on m’a donné une fourchette entre 4 à 6 mois. En sachant qu’on parle d’un retour à la compétition, avec un genou, pour jouer des matches de tennis à haut niveau.
Lorsque vous avez entendu cette durée d’indisponibilité, quelle a été votre réaction ?
Déjà, les trois spécialistes que je suis allé voir ne m’ont pas du tout conseillé la chirurgie. J’étais assez content d’éviter la chirurgie, car je vous avoue que j’ai eu peur d’avoir une blessure du genre ligaments croisés rompus. Les ligaments ont été partiellement déchirés, mais ils ont tenu bon. Ce qui fait qu’aujourd’hui, je compte sur une cicatrisation naturelle et une guérison sans chirurgie. C’est sûr que lorsque le diagnostic a été confirmé et que l’on m’a préparé à que cela soit très long, c’est-à-dire six mois, cela a été forcément un gros coup dur. Ces derniers temps n’ont pas été simples pour moi. Cela vient clore d’une certaine manière une période assez difficile. Cette période d’inactivité assez longue est quelque chose que je n’ai jamais connue. J’ai eu la chance d’avoir une carrière loin de grosses blessures. Mon plus gros éloignement de la compétition était trois mois. À l’époque, cela m’avait paru très très long… C’est forcément difficile à accepter et il va falloir la gérer cette période-là.
Durant ce genre d’épreuve, l’aspect mental prend le pas. Comment gérez-vous cette période d’inactivité sur ce plan-là ?
C’est sûr qu’en tant que joueur de tennis, je ne suis pas habitué à être immobilisé pendant une certaine période. Là, pour que les ligaments cicatrisent, cela va me demander six à huit semaines. Cela veut dire six à huit semaines dans une attelle à avoir peu de mobilité, à ne pas faire de sport. Déjà rien que cela, pour un sportif de haut niveau qui a l’habitude de se dépenser et d’être bien dans son corps, cela n’est pas forcément facile à gérer. Mais ce qui va être long, ce sont surtout les six mois d’inactivité au niveau des tournois et de mon métier. Néanmoins, si j’ai réussi, ces dernières années, à réaliser une carrière de joueur de tennis professionnel, à être au classement que j’ai pu être (ndlr: son meilleur classement en simple fut 36e en février 2019) et avoir le succès avec Nicolas que l’on a pu avoir, c’est en partie grâce au travail et à ma capacité, suite à des défaites difficiles ou à des périodes délicates, de n’avoir jamais abdiqué. J’ai toujours continué à y croire et à aller m’entraîner et faire le travail. Tout cela n’est pas grâce à un talent, mais à ma capacité à aller travailler au quotidien, même dans les moments les plus difficiles. Je sais que je ferai tout pour revenir à mon meilleur niveau.
Au niveau de votre rééducation, en ce qui concerne son rythme et sa durée, est-ce que cet aspect-là a-t-il pu être, déjà, évoqué ?
Il y aura forcément une grosse rééducation, car lorsqu’on immobilise un membre comme cela, il va falloir remuscler, réaseptiser et retrouver un genou stable. Mais là, dans un premier temps on ne parle pas du tout de rééducation, on parle de cicatrisation. C’est pour cela que la jambe (gauche) doit rester un maximum immobile, ce qui est une forme de contrainte.
Quand est-ce qu’est prévu votre prochain contrôle ?
Dans trois semaines et demie, avec une IRM de contrôle afin de voir où j’en suis au niveau de la cicatrisation.
Est-ce que vous échangez, en particulier, sur ce sujet avec votre partenaire habituel de double, Nicolas Mahut, lui qui a surmonté au cours de sa carrière diverses épreuves ?
Oui, nous avons pu échanger. Je pense qu’il a vécu des périodes similaires où il a été éloigné des terrains. C’est sûr qu’il a cette expérience-là…
Que vous inspire cette citation de l’écrivain sénégalais, Oumar Sangaré : « Si longue et si noire que soit la nuit, il vient toujours une heure où enfin le jour se lève »…
C’est certain qu’au cours d’une vie, il y a des périodes un plus morose, un plus grise, un peu plus sombre. Dans toutes les épreuves, il y a toujours un moment où le soleil se lève. Il ne faut pas s’apitoyer sur son sort. Il faut essayer de traverser ces moments du mieux que l’on peut et d’essayer, finalement, d’en ressortir grandi et de garder la tête haute. C’est une belle citation, avec la métaphore du jour et de la nuit.
Dans ce contexte, comment occupez-vous vos journées ?
J’ai eu une première semaine où je souffrais lorsque je bougeais à peine le genou. J’étais avec des béquilles et je ne pouvais vraiment pas faire grand-chose. C’est une semaine où j’ai extrêmement subi. Là, depuis que j’ai pu commencer à marcher avec l’attelle, je dirais que j’ai retrouvé une certaine forme de liberté, même si je ne peux pas tout faire. J’ai la chance d’être à la maison, d’avoir une femme, un enfant, ce qui rythme mes journées. Cela faisait trois mois que je n’étais pas rentré à la maison. J’ai quand même un peu d’activité, même si cela ne ressemble pas à une journée d’entraînement que l’on peut avoir lorsqu’on est joueur de tennis, mais je m’occupe comme je peux.
En ce moment, regardez-vous à la télévision le tournoi de Wimbledon, ou cela vous fait trop mal à voir cela ?
Je regarde les matches. Pas tous, mais je choisis mes matches. J’ai un peu regardé, en double, le tournoi de Nicolas (Mahut) avec Edouard (Roger-Vasselin). J’ai suivi aussi le parcours de David Goffin (ndlr : qui est l’un de ses amis), celui de Tatajna Maria qui a réalisé un tournoi phénoménal. J’essaie de suivre le tournoi et ce qui s’y passe.
Jouez-vous toujours de la guitare ?
Oui, oui, je joue toujours de la guitare. D’ailleurs, je casse la tête à ma femme, à m’entraîner sur des chansons et à toujours répéter les mêmes parties. Là, j’essaie d’apprendre une chanson de Téléphone, New York avec toi. J’adore la musique, le fait de pouvoir jouer des chansons que je trouve assez extraordinaires, avec ma guitare et les retranscrire à ma manière, c’est un réel plaisir personnel que j’ai. C’est sûr que cela me fait plaisir, durant cette période un peu plus compliquée où je suis à la maison, d’avoir ma guitare et de passer un moment à tenter de me perfectionner.
L’ATP a annoncé le 21 juin dernier, que le coaching serait autorisé sous certaines conditions à partir du 11 juillet et testé en Grand Chelem lors du prochain US Open. Est-ce la fin d’une vaste hypocrisie ?
Cela va sans doute légaliser certaines choses qui étaient courantes lors de tournois et on va arrêter d’en faire un grand tabou. C’est vrai, où était la limite entre l’encouragement et le coaching ? Est-ce possible de mettre vraiment une limite ? Et puis surtout, à quel moment un arbitre, aujourd’hui, sur sa chaise est capable de juger ce qui va sortir de la bouche d’un entraîneur à un moment clé d’un match ? C’est assez compliqué. À titre personnel, j’ai été coaché plein de fois durant mes matches, alors que ce n’était pas forcément autorisé. Je ne pense pas être celui qui en a le plus abusé. J’ai le souvenir d’être allé voir un match à Roland-Garros et d’avoir entendu Toni Nadal hurler depuis sa tribune. C’est vrai que cela va enlever peut-être cette pression et tout ce qui a pu se dire autour du coaching et laisser la place au jeu. Cela va être une autre facette du jeu. L’échange entre un coach et son joueur. Cela peut être aussi intéressant.
Jeudi 7 juillet, deux courts de tennis, rénovés, portant votre nom et celui de Nicolas Mahut, ont été inaugurés à Angers. Des courts mis à disposition des enfants du quartier de la Roseraie, lors des vacances scolaires. Qu’est-ce que cela vous fait d’avoir un court à votre nom ?
Je suis hyper flatté, pour être tout à fait honnête. Hyper fier et très heureux de partager cela avec Nicolas, à Angers, sa vie natale. C’est une vraie fierté, car avoir pu partager tous ces moments et ces succès avec Nicolas, c’est une vraie chance et avoir pu partager cela avec le public, c’est une chance encore plus grand. Cela me fait extrêmement plaisir d’être associé à un projet solidaire et j’ai hâte de découvrir ces terrains.
Propos recueillis par E-A lors d’un entretien téléphonique réalisé le 7 juillet 2022.