Une usine à champions

©IMGAcademy

Située sur la côte ouest de la Floride, cette académie de tennis a reçu depuis plus de 30 ans quasiment tous les champions d’hier et d’aujourd’hui, qui ont tous débuté là-bas la construction de leurs carrières. À plus de 80 ans, son fondateur partage toujours son temps entre son bureau, où photos et coupures de presse ornent les mûrs, et les courts, où les noms de ses célèbres hôtes figurent en bonne place. Nick Bollittieri est infatigable, il a fait de son académie, un lieu incontournable. À l’heure où la plupart de ses compatriotes retraités, se la coulent douce à l’ombre des palmiers, lui ne se voit pas encore ranger sa raquette d’aussitôt. Visite guidée dans une véritable usine à champions.

Alors que le jour ne s’est pas encore levé, Nick Bollittieri débute sa journée par son rituel quotidien. À la lumière des projecteurs qui illuminent son académie de tennis qu’il a fondé en 1978 à Bradenton en Floride, cet ancien Marines devenu prof de tennis, se dirige vers la salle de gym. À plus de 80 ans, le coach le plus respecté au monde, s’inflige une séance de musculation qui ferait pâlir plus d’un de ses élèves. Passionné, intransigeant celui qui a façonné le jeu d’André Agassi, de Monica Seles, de Maria Sharapova ou encore Kei Nishikori, s’est efforcé depuis plus de 30 ans à transmettre son fighting spirit, tout en s’appuyant sur une méthode quasi-militaire. Pas de sortie, extinction des feux à 22h, interdiction de téléphoner aux parent (sauf le week-end), rencontres familiales rares (une fois par trimestre). Chez lui les règles sont claires, pas de place à l’approximation. De son passage chez les Marines, il va imposer à ses hôtes la discipline et le sens du dévouement qu’il juge nécessaire, pour accéder au plus haut niveau. Si aujourd’hui son nom fait « l’unanimité » ce ne fut pas toujours le cas de ses méthodes, longtemps critiquées. « J’ai débuté cette aventure par des camps d’entraînement avec des jeunes joueurs de tennis qui souhaitaient sortir du lot. C’était l’idée. Pour cela j’ai dû les sortir de leurs familles, ce qui n’est pas logique car les enfants doivent grandir près de leurs parents. Mais dans ce cas, ce fut une bonne chose, pour les inciter à se dépasser» dixit Bollittieri. Mais l’octogénaire qui a fait ses preuves en matière d’enseignement, n’en reste pas moins un éternel insatisfait, et garde en tête l’une des clés de la réussite, qui et s’en doute l’amélioration. Pour cela il garde toujours un œil très attentif , sur le tennis d’aujourd’hui et de tout ce qui l’entoure, et n’hésite pas à distiller ses conseils sur et en dehors du court. « Pour faire un grand joueur il n’y a pas de recette miracle. Néanmoins un entraîneur doit apprendre énormément sur son élève, sur ses attentes, sur ses parents, et il doit être capable de sentir que leur rêve n’est pas atteignable, et les conséquences de tout cela. Il n’y a qu’un n°1 mondial, et pour y arriver il faut y dédier sa vie, du moins une partie, et avoir autour de soi une équipe qui soutien ce projet au quotidien» déclare-t-il.

Salle de musculation IMG Academy ©IMGAcademy

Sur plus de 70 hectares, la IMG Academies Bollittieri de son nom actuel, ne laisse rien au hasard, outre les 52 courts (en dur et en terre battue) figurant à perte de vue, des salles de gym, de récupération, un institut scientifique du sport… permettent aux élèves d’évoluer dans un environnement optimal, où la discipline et le dépassement de soi, sont les règles d’or de cet incontournable lieu. Pour faire venir ses pensionnaires, l’académie ne s’appuie pas uniquement sur sa réputation. Toujours enclin à rechercher la perle rare, différents niveaux offrent l’opportunité aux joueurs de venir perfectionner leur tennis tout en suivant un cursus scolaire. Mais au-delà d’accéder au plus haut niveau et de pourquoi pas occuper la première place mondiale, l’objectif premier des enseignants de l’académie et de permettre à ses jeunes d’apprendre avant tout sur eux-mêmes. Ni Roger Federer, ni Rafael Nadal ont emprunté le chemin d’une académie de tennis, pourtant ils sont arrivés à accumuler les titres les plus prestigieux. Pourtant, alors que le circuit féminin et masculin est de plus en plus concurrentiel, et où émerge certaines nations, n’ayant pas une « culture » tennistique très forte, mais arrivant à produire des joueurs de premier plan mondial, l’académie de Nick Bollittieri figure toujours comme une référence. Comme il aime le rappeler son succès repose avant tout sur des valeurs fortes, que sont l’abnégation et le travail. Intronisé en juillet dernier à l’International Tennis Hall of Fame, pour l’ensemble de son “oeuvre”, Nick Bollittieri n’est pas prêt de ranger d’aussitôt ses raquettes, malgré ses brillants résultats comme top entraîneur. Lui qui a grandi dans un quartier modeste des États-Unis, n’a pas oublié ce que sa grand-mère lui a inculqué, d’être ambitieux et de transformer ses rêves en réalité.

Propos recueillis par E-A