
Elliot Benchetrit : «C’est une opportunité géniale»
26 mai 2018Elliot Benchetrit, 19 ans, 302e mondial, s’apprête à disputer son premier Roland-Garros, où il a reçu une wild card pour le tableau principal. Avant d’affronter Gaël Monfils, au premier tour, le Niçois, à la frappe lourde et à l’analyse tactique fine, évoque ses récents résultats et son premier « Roland ».
Au 1er tour du récent tournoi Challenger de Bordeaux (BNP PARIBAS Primrose) vous avez battu Nicolas Mahut, puis atteint les demi-finales, après être sorti des qualifications. Comment l’avez-vous vécu ce tournoi ?
C’est assez dur de revenir tous les jours sur le court lorsqu’on bat un très bon joueur comme Nicolas Mahut au premier tour, en sortant des qualifications. On pourrait croire, après une telle victoire, que c’est la fin du tournoi. Lors des huitièmes de finale, c’était compliqué de débuter le match, face à un adversaire (le Tchèque Zdenek Kolar) qui m’avait battu très facilement lors de notre dernière confrontation (6-1 6-1, en 2017, lors d’un Future en Pologne). Il fallait vraiment trouver des solutions pour le gêner et j’ai été capable de le faire. Je suis satisfait de cela.
Aviez-vous prévu de le disputer ce tournoi ?
Non, je n’avais pas prévu de faire ce tournoi. J’avais disputé le Challenger d’Aix-en-Provence la semaine précédente. Après cela, j’étais extrêmement fatigué. Puis je me suis décidé à venir le vendredi matin, avant le début du tournoi où j’étais arrivé le vendredi après-midi, tout juste avant le début des qualifications. Même si j’avais joué beaucoup de matches, tout au long de cette semaine, je récupérais un peu plus chaque jour et je me sentais à l’aise. C’était plutôt au niveau mental où c’était dur d’enchaîner beaucoup de matches, face à des bons joueurs et avec du public…
Le 16 mai dernier, la FFT a communiqué la liste des wild cards attribuées notamment pour le tableau principal où vous figurez. Comment avez-vous accueilli cette nouvelle ?
Je m’y attendais un peu, d’en obtenir une soit pour les qualifs soit pour le tableau final, sans m’y attendre vraiment (sourire). Cela fait quelques semaines que je me prépare à obtenir cette invitation et de jouer Roland-Garros. Jouer le tableau principal de Roland-Garros, pour son premier tournoi du Grand Chelem c’est vraiment une opportunité géniale. C’est dû au fait que j’ai récemment battu de très bons joueurs, notamment sur terre battue. C’est un peu une suite logique à mes résultats. Néanmoins, c’est un événement complètement différent des tournois que je peux jouer le reste du temps. J’ai très bien vécu cette annonce, mais il y a désormais un peu de stress en même temps.
« Je me dis que c’est une opportunité, une chance et qu’il faudra faire de son mieux pour être prêt ce jour-là »
Comment comptez-vous aborder ce premier tournoi du Grand Chelem de votre carrière chez les « grands »?
Lors du Challenger de Bordeaux, j’ai commencé à m’organiser quant à me venue à Paris. Ce n’était pas vraiment évident d’être concentré là-dessus pour faire le mieux pour Roland-Garros et rester dans le présent pour jouer tous mes matches à Bordeaux à fond. J’ai de la chance d’avoir ma famille qui s’occupe de beaucoup de choses par rapport à cela. Roland-Garros va être mon premier Grand Chelem, qui plus est dans le tableau principal… Malgré tout, je ne me mets pas la pression. Je me dis que c’est une opportunité, une chance et qu’il faudra faire de son mieux pour être prêt ce jour-là. Sans oublier de se faire plaisir. Le tennis est un sport où l’on doit se faire plaisir pour être bon. Je vais essayer de suivre cette ligne.
Au premier tour de Roland-Garros, le prize money est de 40 000€, soit plus que vos gains accumulés jusqu’à présent (33 623$) au deuxième tour 79 000 €. À quoi va vous servir le prize money que vous remporterez ?
J’étais en recherche de sponsors jusqu’à récemment. Lorsqu’on ne joue pas les Grands Chelems, c’est difficile de les attirer pour qu’ils aient une bonne visibilité. Les gains que je remporterai serviront à financer la suite de ma saison. Lorsque je vais vouloir aller jouer un tournoi un peu loin ou même plusieurs tournois de suite, qui coûteraient un peu d’argent et qu’une réflexion s’imposerait, dans ce cas, on se dira, « on a la chance d’avoir les gains de Roland-Garros. On va essayer de s’en servir au mieux pour la suite de ma carrière ».
Pour le moment, vous écumez les tournois Futures et Challenger. En 2015, il y a eu une revalorisation des dotations, notamment en Challenger. Pour vous, est-ce suffisant ?
Dans les tournois Futures, les deux seules personnes qui s’y retrouvent sont le vainqueur et le finaliste, lorsqu’elles ne sont pas accompagnées. Lorsque c’est le cas, il n’y a que le vainqueur qui s’y retrouve (concernant ses frais et ses dépenses pour jouer le tournoi) et encore… Les tournois Challenger sont mieux garnis, en termes de prize money. Mais lorsqu’on joue ces tournois toutes les semaines, ce n’est pas obligatoire de passer le premier tour ou de réaliser un quart ou une demi-finale. Pour des joueurs de « notre niveau » ce prize money en Challernger est interessant, mais il ne permet pas de vivre. Il nous permet de survivre. De remettre les gains remportés pour aller disputer d’autres tournois.
Quel a été votre parcours pour en arriver là ?
À partir de 15 ans, j’ai commencé à avoir un premier coach privé, puis un deuxième qui est encore mon coach actuel, Jean-Michel Péquery, avec nous avons dû arrêter au bout de deux ans de collaboration car il ne pouvait plus me suivre comme il le soufaitait. Par la suite, je suis allé m’entraîner six mois à l’académie de Patrick Mouratoglou, puis six autres mois à l’académie all in, de Thierry Ascione. Actuellement, je suis de retour à Nice, avec mon ancien coach et un nouveau, Paule-Antoine Quilichini, qui était avec moi notamment au Challenger de Bordeaux et qui voyage quasiment toutes les semaines avec moi. Cette structure d’entraînement me convient du fait que j’ai des coachs qui sont énormément investis pour moi. Le fait d’avoir une suite « logique » d’entraînement, m’a permis de progresser et de rattraper le « retard » que j’avais à 15-16 ans sur des joueurs comme Blancaneaux, Ugo Humbert ou Corentin Moutet…
Comment vous définiriez-vous ?
Je suis un bon vivant. J’aime bien rigoler, j’aime bien manger même limite parfois un peu trop. Sur le terrain, parfois, je parle un peu trop. Parfois, cet aspect-là me fait défaut, mais cela me fait du bien aussi. Mais je suis quelqu’un qui aime profiter de la vie et qui ne se prend par trop la tête avec le tennis, car c’est avant tout un jeu.
Avec vos récents résultats, est-ce que vos objectifs pour cette saison 2018 ont-ils changés ?
Mon objectif était d’être 600e mondial avant Roland-Garros. Actuellement, je suis aux alentours de la 340e place mondiale (au moment de l’interview (NDLR :302e cette semaine). Je ne suis pas dans le truc de me donner un objectif très spécifique, car je sais qu’avec ma personnalité, lorsque je vais arriver proche de cet objectif, je vais arrêter de jouer à fond. Je sais que ce n’est pas bon pour mon tennis. Je préfère ne pas me donner de limite. Je préfère me dire « si tu veux jouer tous les Grands Chelems les Masters 1000… Il va falloir progresser dans mon tennis et au classement mondial ».
Propos recueillis par E-A à Bordeaux le 17 mai 2018. Photos ©SoTennis.