
Lloyd Harris : «Il a fallu beaucoup de cœur pour revenir»
27 mai 2025Entré dans le Top 50 en avril 2021, Lloyd Harris avait franchi les étapes vitesse Grand V. Quelques mois plus tard, après une victoire face à Rafael Nadal à Washington, le Sud-Africain atteignait son premier quart de finale en Grand Chelem, à l’US Open. Après une saison 2022 compliquée, où il a été contraint de se faire opérer au poignet droit puis du dos en octobre 2024, l’actuel 227e mondial, qui s’est extirpé des qualifications à Roland-Garros, s’apprête à affronter au premier tour Andrey Rublev. Avant cela, il a bien voulu évoquer son corps qui lui a souvent joué des tours.
Vous vous êtes qualifié pour le tableau principal de Roland-Garros en battant Marin Cilic, un ancien vainqueur en Grand Chelem. Comment avez-vous vécu ce match ?
Bien sûr, jouer face à un ancien gagnant en Grand Slam, dans un match des qualifications, ce n’est pas à quoi vous vous attendez. Je savais que ce serait un défi très difficile, et c’est ce qu’il s’est passé. Je menais, je faisais très bien les choses et tout d’un coup, il a récupéré son niveau. J’ai commencé à être plus agressif. J’ai vraiment dû m’améliorer et élever mon jeu pour remporter le dernier set.
Cette victoire est aussi un retour dans le tableau principal en Majeur après à nouveau des pépins physiques. Qu’est-ce que cela représente pour vous d’y figurer ?
C’est important de jouer sur la scène principale. Je pense que si vous jouez avec les meilleurs joueurs, c’est plus facile d’augmenter votre niveau et de continuer à jouer à ce niveau. Pour moi, c’est énorme de jouer contre les meilleurs joueurs du monde. C’est aussi important pour moi de retrouver mon niveau.
Notre dernière interview remonte à Wimbledon 2023. Depuis, vous avez été à nouveau blessé alors que vous sembliez retrouver le rythme du haut niveau. Comment avez-vous traversé avec ce coup d’arrêt ?
Les blessures ne sont jamais faciles. Malheureusement, j’ai eu deux très grosses blessures (ndlr : il fut opéré du dos en octobre 2024). Cela a pris du temps. Mais c’est une partie de la vie. C’est une partie du sport. Ce sont des choses que vous devez gérer si vous voulez essayer de revenir. Ce que les gens peuvent trouver difficile à comprendre, c’est que c’est très facile pour moi d’arriver à un point où mon corps est en bonne santé, mais de jouer au plus haut niveau d’un sport, c’est très difficile. Ce sont beaucoup de sacrifices, beaucoup de récupérations, beaucoup de temps investi. Mentalement, c’est très difficile. Mais j’ai des bonnes personnes autour de moi qui m’ont soutenu. Je pense que c’est la clé. Ils m’ont conduit, m’ont motivé à revenir. Ça a été énorme pour moi.
Quel rapport entretenez-vous avec votre corps ? Est-ce que vous vous inquiétez de la potentielle prochaine blessure?
C’est intéressant comme question. Je pense que je reste prudent. Je suis toujours dans une phase où ce retour sur le circuit, est très récent. J’ai toujours eu beaucoup de problèmes, même lors des dernières semaines. Il faut toujours composer avec la forme du moment et apprendre à s’adapter avec les douleurs du corps. C’est ce que mon équipe et moi apprenons. Comment gérer ce corps de la meilleure des façons. Parce que c’est comme si c’est un nouveau corps. Néanmoins, je pense que si vous pouvez ne pas avoir peur, c’est mieux.
De plus en plus d’athlètes, notamment dans le monde du tennis, ont ouvertement évoqué la santé mentale. Sur ce plan-là, comment cela se passe pour vous ?
Je pense que c’est un problème pour beaucoup de gens et qui se battent pour toujours voir la lumière. Avec des blessures ou pas. Vu de l’extérieur, le tennis peut paraître un sport léger. Sans vouloir me plaindre, mais au haut niveau, vous voyagez toute l’année et la plupart du temps, vous êtes loin de chez vous et de votre famille. Ça, c’est déjà difficile. Les blessures ajoutent plus de doutes, plus de questions, plus de douleurs. C’est toujours plus difficile à gérer. C’est sûr que ça peut vous faire ressentir plus de déception, plus de tristesse. Il a fallu beaucoup de cœur pour revenir. Mais je pense qu’il est important de faire face à la réalité et de la gérer le mieux possible.
En dehors du tennis, est-ce que vous avez d’autres centres d’intérêts pour vous aider, par exemple, à vous concentrer cet autre chose ?
Mon hobby, c’est le golf. J’aime vraiment jouer au golf. C’était un peu difficile lorsqu’il y a eu des blessures, car je ne pouvais pas y jouer. Je dois dire que ça m’a manqué. En réalité, lors des blessures, si je voulais retrouver la santé, c’était certes pour revenir sur le circuit et mieux apprécier mon temps passé sur le court, mais par dessus tout c’était et cela reste pour faire les choses de la vie de tous les jours. Dès que je peux, je passe du temps avec mes amis, car ce sont des moments rares.
À présent, quelle est votre vision de cette vie de joueur de haut niveau ?
Je ne pense pas qu’il y ait de secrets. Je pense que vous apprenez tout au long d’une carrière et aussi d’une vie. J’apprends encore sur la programmation (des tournois), sur la vie quotidienne d’un athlète et comment mieux faire les choses pour tenter de conserver la santé avec des phases de récupération. Mais c’est très difficile de dire que ma vision est désormais différente. Je dirais que mon angle de vue est différent. Quoi qu’il en soit, ce qui est sûr, c’est que c’est très difficile après une blessure. Il n’y a pas grand-chose à dire de plus.
Propos recueillis par E-A à Roland-Garros