Nicolas Mahut: «Le petit Nicolas, il serait fier du parcours accompli»

Nicolas Mahut: «Le petit Nicolas, il serait fier du parcours accompli»

28 octobre 2025 Non Par SoTennis

Clap de fin pour Nicolas Mahut. Associé à Grigor Dimitrov, le Français disputait le dernier tournoi de sa carrière à la Paris Defense Arena. Au moment de la balle de match, face à la paire Hugo Nys / Édouard Roger-Vasselin, l’Angevin n’a pu contenir son émotion.

Au moment de servir, lors de la balle de match vous aviez les larmes aux yeux. Elle restera à jamais gravée dans votre mémoire…

Déjà, l’avant match n’était pas terrible, terrible. J’avais dit à Grigor (Dimitrov) qu’il n’était pas impossible que je sois un peu émotif sur le match. Franchement, il a eu des mots incroyables. Depuis que je lui ai demandé de jouer avec moi, il a été fantastique. Grigor, quoi… Classe, humain. Il m’a dit que j’avais le droit, que personne ne m’en voudrait et que si les émotions arrivaient, il fallait les vivre, que c’était mon match. La préparation n’a pas été simple. Mon fils était là. Mon père a eu un AVC l’année dernière et c’était compliqué de se déplacer, mais le voir là… Il était là au premier match de ma carrière, il est là au dernier, c’est très symbolique. Oui, il y avait pas mal d’émotions. Après, le match, j’ai réussi à le jouer sans trop me projeter. Jusqu’à cette balle de match. Mais c’est toute la journée qui a été particulière. Elle est passée tellement vite, et en même temps c’était très long. Chaque fois que tu fais quelque chose, tu te dis que c’est peut-être la dernière fois. Même si j’avais envie de gagner le match, vous me connaissez. On vit les choses un peu différemment. Des choses anodines tout au long d’une carrière prennent une tout autre dimension sur cette journée. Au moment de la balle de match, tu réalises que, si tu comptes bien, tu perds un point et c’est fini (rires). En maths je n’étais pas excellent, mais je savais quand même qu’il valait mieux le gagner celui-là. À ce moment, les émotions sont arrivées et j’ai essayé de faire du mieux que je pouvais.

Pouvez-vous nous expliquer les poignées laissées à la fin du match sur le court ?

C’est une idée qui vient de David Ferrer qui avait laissé son bandeau sur la ligne médiane. Moi j’ai choisi ça parce que ça représente mon côté en double. Je ne sais pas combien de matches j’ai pu faire dans ma carrière, mais j’en ai fait zéro à gauche. C’était mon côté. C’était symbolique. Je suis reconnaissant à Cédric (Pioline) et à la FFT de m’avoir permis de jouer Roland-Garros et le Rolex Paris Masters. C’était important pour refermer le livre. On ne parle pas d’un chapitre, là, mais d’un livre. Le sentiment que j’ai, c’est le même que celui que vous avez quand vous venez de finir un super bouquin, vous le refermez, mais vous êtes encore avec tous les personnages, vous avez encore la tête dedans, mais il faut quitter tout ça. Moi, les personnages, ce sont mes coaches, mes amis, ma famille, ma vie… Forcément, il y a un petit moment difficile, et je le savais. Mais c’était important de le vivre pour passer sereinement à la suite. Ces poignées, c’était le symbole pour tout ça.

Avec ce record du match le plus long à Wimbledon, vous restez encore dans les annales du tennis…

Oui et non. Je n’étais pas suffisamment fort pour laisser mon empreinte dans l’histoire du jeu, mais j’ai trouvé un moyen de laisser mon nom inscrit dans celle du plus grand tournoi du monde. Ce n’est pas banal et j’en suis très fier. J’ai pu y retourner avec mon fils et me promener dans les allées. Il a pu voir que son nom sera là pour toujours. C’est une vraie fierté. Je peux raccrocher en me disant que je suis allé au bout. Je peux me retourner et être fier de ce que j’ai fait. Le petit Nicolas, il serait fier du parcours accompli. Ce fut chaotique, long… La longévité, ce n’est pas que la durée, c’est aussi essayer de s’améliorer dans le temps. Je n’avais certainement pas les qualités pour être un grand joueur, mais j’avais ça. J’ai toujours essayé de m’améliorer. Et ma carrière a filé tellement vite. J’ai croisé Carlos Alcaraz et il m’a félicité. Je lui ai dit que ma carrière avait duré 25 ans, mais que j’avais l’impression qu’elle avait filé en un claquement de doigts. Ça se voit qu’il prend du plaisir et je lui ai dit de toujours garder ça en tête car, même s’il a encore beaucoup d’années devant lui, ça va aller vite.

Est-ce vraiment votre toute dernière fois ?

Ce serait mal me connaître de penser le contraire. Quand j’ai pris une décision, je vais au bout. Il y a zéro chance de me revoir sur un court de tennis. Je me suis préparé à ça du mieux possible. J’avais peur du vide, oui. C’est pour ça que j’ai multiplié les activités. Ça me fait peur, je ne vais pas vous mentir. Mais mon corps dit stop et je suis prêt. C’était égoïste et important pour moi de finir en jouant. Mais la suite aura aussi du bon. Pendant 30 ans, la première chose que je regardais le matin c’était s’il faisait assez beau pour aller jouer. Demain, je vais simplement regarder si j’ai besoin d’un parapluie pour aller à la boulangerie. Ça peut être sympa, aussi.

Propos recueillis par E-A