Nicolas Mahut : «Elle est dans la tête de tous les joueurs»

Nicolas Mahut : «Elle est dans la tête de tous les joueurs»

21 novembre 2018 Non Par SoTennis

L’an dernier, Nicolas Mahut avait était écarté de la finale de la Coupe Davis. Fair-play, l’Angevin avait su se montrer digne pour acquiescer cette, douloureuse, mise à l’écart et pour soutenir ses coéquipiers. Aujourd’hui, avec la force de caractère qu’on lui connaît, le Français se sent privilégié, d’avoir une autre chance de disputer la finale, d’une compétition qu’il chérit tant.

Après cette qualification pour une nouvelle finale de Coupe Davis, au stade Pierre-Mauroy, est-ce que l’épisode de l’an dernier est définitivement rangé dans votre esprit?

C’est sûr que maintenant, j’aurai de meilleures ondes et un meilleur « feeling » avec ce stade. J’aurai de meilleures images en tête. Cet épisode, ce qui s’est passé l’an dernier en finale, fait partie de ma carrière, de mon parcours. Cela fait partie des déceptions. Aujourd’hui, je me sens privilégié de pouvoir vivre des moments comme on a pu vivre en demi-finale.

Sur le plan émotionnel, comment êtes-vous sorti d’un tel week-end?

Comblé, mais aussi très fatigué. Chaque rencontre de Coupe Davis, est épuisante nerveusement. C’est très intense. Lorsque l’on vit de telles émotions après une victoire et une qualification pour la finale, c’est plus facile de récupérer. On a eu le temps de savourer, mais nous nous sommes tous vite remis au travail afin d’être prêt pour ce dernier rendez-vous.

Lors de cette demi-finale, vous aviez disputé le double avec Julien Benneteau, jeune retraité. Comment prépare-t-on ce genre de match?

Notre grande force avec Julien (Benneteau) c’est que l’on se connaît très bien. On connaît nos qualités nos défauts… On avait une idée de qui ont allé affronter (la paire Feliciano Lopez – Marcel Granollers. Victoire 6-0, 6-4, 7-6), encore plus après le forfait de Rafael Nadal. C’était assez facile de se projeter. On avait la chance d’avoir aussi dans l’équipe Adrian Mannarino, qui avait fait beaucoup de séances d’entraînement avec nous, que ce soit à Roland-Garros, au CNE, ou à Lille, pour justement avoir la possibilité d’avoir le retour du gaucher. Ensuite, nous avons beaucoup travaillé des phases de jeu, des points pour retrouver le rythme, surtout pour Julien, qui n’avait pas joué beaucoup de double. Nous avions mis en place beaucoup de situations de jeu. De la volée, pour l’œil et les réflexes. C’est plus facile en se connaissant parfaitement.

En marge du Masters 1000 de Paris-Bercy, Yannick Noah, a dévoilé sa liste de joueurs présélectionnés pour disputer la finale de la Coupe Davis. Une liste où Julien Benneteau ne figurait pas. Comment avez-vous accueilli cette nouvelle?

Lorsque tu penses à ton groupe, tu penses à toutes les possibilités. Dans sa construction de groupe, Julien aurait très bien pu faire partie du groupe. Il avait fait une demi-finale exceptionnelle. Maintenant, j’imagine que Yannick a anticipé en se disant que dans son groupe, il y avait des joueurs comme Richard (Gasquet) (avant qu’il ne déclare finalement forfait), Jo (Tsonga), qui étaient susceptibles de jouer sur terre, en indoor. Je pense que c’est aussi à cela qu’il a pensé…

Concernant le choix de la surface pour la finale (la terre battue) comment l’équipe a-t-elle procédé ? A-t-elle plus pensé à choisir une surface par rapport à ses forces ou pour embêter l’adversaire?

J’ai toujours pensé que la surface devait être choisie en fonction de nos atouts, nos forces. Sur quelle surface l’équipe de France, et pas individuellement, peut être la meilleure. Parfois, le choix de surface s’impose. Par exemple, lorsque l’on joue une équipe comme la République Tchèque en 2014 (en demi-finales), oui la terre battue en extérieur (à Roland-Garros) s’imposait. L’an dernier, lorsqu’on a joué contre la Grande-Bretagne (en quart de finale) il était évident qu’on allait jouer sur terre battue également, car il y avait vraiment un décalage très important. Pour nous (l’équipe de France) le réservoir de joueurs est très important. Nous sommes capables de très bien jouer sur toutes les surfaces quels que soient les joueurs alignés.

 «On a beaucoup évolué dans ce domaine»

En double, est-ce que la surface a autant d’influence sur la valeur d’une équipe, qu’elle peut en avoir sur la valeur d’un joueur de simple?

Là , en indoor. On ne sait jamais vraiment si la terre va être rapide, lente, si ça va rebondir, si ça va être bas, quelle température il va y avoir… Cela joue un petit peu, mais beaucoup moins que pour le simple.

Lors de cette demi-finale, le samedi, les membres de l’ASEFT (association des supporters des équipes de France de tennis), ont arboré, en tribunes, un tee-shirt noir où figurait le hashtag #changeitback, en signe de désaccord au sujet de la nouvelle formule de cette épreuve. Près d’eux, en tribune présidentielle, certains élus fédéraux, auraient eu pour consigne de porter une chemise blanche, sans veste et l’écharpe bleu, blanc, rouge. Du côté des joueurs, sur le plan de la communication, comment cela se passe, avec les élus, le président  de la FFT?

J’avais été mis au courant que les membres du club des supporters allaient se mettre en noir, pendant le double. Ils ont souhaité nous prévenir, pour ne pas nous perturber. Je n’avais pas fait attention à la tribune présidentielle… Nous, joueurs, nous avons parfois le sentiment de ne pas être impliqués ou concertés dans les décisions. Nous, joueurs ou anciens joueurs, nous n’avons pas envie de prendre leur place (aux élus). On a envie de pouvoir s’impliquer et d’aider les dirigeants. Mais j’ai l’impression que souvent, on ne tire pas dans le même sens. Pour cette décision-là (la réforme de la Coupe Davis), j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer à plusieurs reprises. Tout le monde connaît ma position et mon avis. Je trouve dommage que l’on n’arrive pas à travailler plus ensemble et à s’entendre plus. C’est dommage qu’il n’y ait pas plus d’échanges entre les dirigeants et les joueurs. Aujourd’hui, c’est vrai que les relations ne sont pas très fluides.

Que faudrait-il faire pour qu’elles le soient?

Il y a des choses, où ils sont, bien entendu, extrêmement compétents et mieux placés pour décider. Après, il me semble que sur ce sujet-là (la Coupe Davis), qui nous touche particulièrement, je crois que nous, joueurs, on a une certaine expertise et une connaissance de la Coupe Davis, en l’ayant joué. Je trouve dommage qu’il n’y ait pas eu plus d’échanges entre les dirigeants et les joueurs. Il ne faut pas rentrer dans une « guerre ». Ce qu’il faut, c’est que l’on arrive à être ensemble pour le bien du tennis. L’importance, c’est que le tennis français se porte bien. C’est mon seul souhait. Que l’on puisse avancer. Ces derniers temps ça n’a pas toujours été très simple. Aujourd’hui, je suis joueur de tennis, mon rôle, c’est de jouer au tennis, de représenter l’équipe de France, lorsqu’on fait appel à moi. Je ne suis pas là pour diriger le tennis français.

Après votre double, en demi-finale, vous avez échangé quelques mots, en tribunes, avec les jeunes joueurs champions d’Europe (des 14 ans et moins, des 16 et moins et des 18 ans et moins), invités par la Fédération française de tennis. Qu’est-ce que vous leur avez dit?

Pour nous, la Coupe Davis a toujours été importante. Je crois que nous avons une culture dans notre formation en France, on est éduqué comme cela. Chaque joueur, qui a un jour tenté d’être professionnel, a rêvé de porter ce maillot-là. Parce que la Coupe Davis fait partie de notre ADN de sportif. Quand je vois que les Français des catégories 14,16 et 18 ans ont tous gagné et qu’ils étaient présents, lors de cette demi-finale, à Lille, avec le survêtement de l’équipe de France, je leur aie dit que les prochains, c’étaient eux. Malheureusement, ce qui est difficile pour eux, c’est qu’ils ont assisté à une rencontre exceptionnelle, dans un stade exceptionnel, et que ça, ils ne le verront jamais. Quelque part, j’avais un peu de peine pour eux, parce que la Coupe Davis, telle qu’on la connaît, ils la connaîtront jamais. J’étais triste pour eux.

Au lendemain de la qualification pour cette nouvelle finale de Coupe Davis, Lucas Pouille avait déclaré : « La force de notre groupe, c’est d’être capable de se dire les choses ». Partagez-vous cette vision-là ?

Je rejoins complètement Lucas là-dessus. Je trouve que l’on a beaucoup évolué en tant qu’équipe ces dernières années. Le fait de pouvoir se dire les choses sans que les joueurs se vexent ou autres, je pense qu’en tant qu’équipe on a beaucoup évolué dans ce domaine.

L’équipe de France s’apprête à affronter en finale la Croatie, face à qui vous aviez perdu en 2016, au stade des demi-finales. Comment la définiriez-vous cette équipe?

C’est notre dernière défaite en Coupe Davis. À titre personnel, c’est une défaite qui me fait encore mal. C’est un mauvais souvenir. C’est une équipe de combattants. Que ce soit Cilic, Coric, Dodig. Lorsqu’ils alignent leur équipe, ils sont très performants. Néanmoins, ils ont moins de réservoir que nous. S’ils ont un pépin, c’est plus difficile pour eux de l’être. Nous, à chaque rencontre, on a eu des blessés, des contretemps… On a su à chaque fois relever le défi !

Cette finale de Coupe Davis, sera la dernière sous ce format. Sur le plan émotionnel, comment allez-vous gérer cet aspect-là, notamment dans votre préparation?

Je pense qu’elle est dans la tête de tous les joueurs. De savoir que c’est la dernière rencontre de Coupe Davis sous ce format-là, tel que nous, on l’entend, en plus en France, bien sûr que cette dimension-là, il faudra la prendre en compte. Malgré tout, je ne souhaite pas jouer le match de la rencontre trop vite, dans le sens où le Masters 1000 de Paris-Bercy et le Masters de Londres n’ont pas été joués comme préparation pour cette finale. Jouer Bercy (quart-de-finaliste) et le Masters (finaliste) pour les gagner, a été la meilleure préparation pour être bon pour cette finale. Il va falloir que nous soyons tous à notre meilleur niveau, si on veut gagner la rencontre, et garder le Saladier d’argent à la maison !

Propos recueillis par E-A