Roland-Garros achève sa métamorphose

Roland-Garros achève sa métamorphose

29 mai 2021 Non Par SoTennis

Le stade Roland-Garros, créé pour quatre hommes, les Mousquetaires, sous l’impulsion d’Émile Lesieur et Pierre Gillou, s’apprête à entrer dans une nouvelle ère. Six ans après le début des travaux de modernisation, le Nouveau Roland-Garros est bien sorti de terre au-delà des obstacles, des retards et des tourments. Gilles Jourdan, l’incontournable directeur des travaux de modernisation, décrit la dernière phase d’un chantier hors norme.

Depuis le 11 octobre 2020, date de la finale du simple Messieurs, chronologiquement, en termes de travaux, que s’est-il passé au sein du stade Roland-Garros ?

Depuis ce 11 octobre, nous avons repris les travaux qui avaient été suspendus pour l’édition 2020, qui s’était déroulée à l’automne. Avant cela, nous avions entamé une phase de travaux qui était prévue après l’édition 2020 à sa date initiale (Ndlr : fin mai début juin). Comme le tournoi est passé en octobre (Ndlr : en raison de la crise sanitaire liée à la Covid-19) nous avions moins de temps pour préparer et effectuer la dernière phase de travaux. Cette période, entre octobre 2020 et mai 2021, a été par conséquent beaucoup plus courte. Il a fallu que nous anticipions les travaux à mener avant l’édition 2020 notamment sur trois zones, celle des courts 6 et 8, celle du grand parvis nord et la zone d’animation située près des courts 2 et 3, pour pouvoir les livrer à l’occasion de l’édition 2021. Lors de la dernière phase, il y avait beaucoup d’aménagements extérieur (voirie, plantation…) de programmé, notamment au sein du jardin des Mousquetaires. Cela, nous l’avons attaqué dès la fin de l’édition 2020. Près de 85% seront réalisés lors du tournoi 2021. Il restera encore un petit 15 % d’aménagement extérieur, léger, lié à des plantations qui ne peuvent être réalisées qu’à l’automne. Ce sera donc fait à l’automne prochain. Mais aussi des travaux de pavage des allées, qui seront temporairement pour le tournoi 2021 en enrobée noire et que nous reprendront par la suite. Il restera des espaces verts fraîchement plantés et les pavés enherbés, où il faut que le système racinaire soit suffisamment profond pour que cela tienne. En cas, par bonheur, de public, cela risque un peu de souffrir, mais ce n’est pas très grave. Les statues des Mousquetaires ont reprit leur place avec une nouvelle scénographie, où Jean Borotra, Jacques Brugnon, Henri Cochet et René Lacoste, jouent ensemble en double.

Durant l’édition 2020 les travaux qui étaient en cours, notamment pour les courts 6 et 8 avait été interrompus et masqués lors du tournoi. Comment cela s’est déroulé après le mois d’octobre 2020  ?

Les fondations des tribunes avaient été réalisées. Sur cette zone-là, il n’y avait eu que deux, trois mois de travaux. Durant le tournoi, tout avait été effectivement masqué. Nous avions aussi démonté la grue. Dès le tournoi terminé, la grue a été réinstallée, les ouvriers ont été à nouveau là et nous avons poursuivi la construction des tribunes, les courts et les locaux techniques qui sont en dessous. Pour l’édition 2021, ces deux courts, éclairés, seront en fonctionnement sur le même modèle des courts situés juste en face, les 7 et 9, avec une capacité légèrement réduite concernant le court 6.

Une structure, légère, rétractable, va équiper le court Suzanne-Lenglen (qui accueillera lors des Jeux olympiques de Paris 2024 les épreuves de boxe) dont l’architecte est Dominique Perrault. Quel est le calendrier des travaux ?

Le début des travaux est programmé pour juillet 2021 et la fin pour février 2024, pour un coût qui s’élève autour des 30 millions d’euros.

Dix ans après le vote de l’Assemblée générale de la FFT de maintenir Roland-Garros sur son site historique et six ans après le début des travaux de modernisation du Nouveau Roland-Garros, comment définiriez-vous cette décennie écoulée ?

En 2021, les travaux de modernisation du stade seront terminés. Il restera, ce qui est venu par la suite, en plus, le court Suzanne-Lenglen dont les travaux se termineront en 2024. Nous sommes contents d’avoir terminé. Il y a eu quelques moments difficiles, parce que le planning était contraignant. Il ne fallait pas se louper. Dix ans, c’est long ! Il faut maintenir la pression. En dix ans, il y a des techniques qui changent. Il y a même des besoins qui changent. Il y a par exemple quelque chose de très simple, comme la lumière chaude. L’éclairage traditionnel qu’on avait par le passé. Il n’y avait pas de led qui éclairait par exemple le stade. Ce truc-là est arrivé au début des années 2010. Il a fallu mettre des led, car on n’allait pas continuer à mettre de la lumière chaude. Il a fallu revoir le projet, sur ce point-là, pour les intégrer. La réglementation change aussi. La longueur met parfois dans l’embarras. Nous le savions dès le départ que le planning ne serait pas simple. Des travaux avec le tournoi au milieu, faire, défaire, refaire, cela a été le jeu des chaises musicales. Je le répète nous sommes contents que cela soit fini.

Lorsqu’on se plonge dans l’histoire du stade Roland-Garros, on peut s’apercevoir que pour ses travaux, cela a toujours été sportif. Vous en avez vécu quelques-unes de ces phases de travaux…

Je les ai toutes vécues. Le stade a été construit en 1928. Je n’étais pas là. Rien n’avait été « fait » jusque dans les années 1975. Je suis arrivé au sein de la Fédération française de tennis en 1977. Le court Central a été cassé et refait plusieurs fois. Ensuite, je suis parti ailleurs et puis je suis revenu pour ces travaux. C’est normal que cela soit tendu, parce que vous ne pouvez pas décider de ne pas organiser le tournoi une année. Sans cela, vous ne pouvez pas payer les travaux et vous avez à chaque fois une dizaine de mois pour les faire. Cela ne peut pas être tranquille. Le court Central, nous l’avons fait sur quatre phases (Ndlr: de 2016 à 2020). L’histoire du stade, c’est cela. Vous ne pouvez pas organiser le tournoi ailleurs pendant une année ou deux pour réaliser vos travaux tranquillement. Cela aurait été beaucoup plus facile. La pandémie est venue poser de nouveaux questionnements et de nouvelles contraintes. Lorsque la reprise des travaux, après l’annonce du confinement en mars 2020, a été possible, il a fallu intégrer les nouvelles règles sanitaires comme la distanciation sociale pour les ouvriers. Mais nous nous en sommes pas mal tirés, car il y a toujours cette magie des gens qui bossent pour Roland-Garros. Ils ont envie que cela se fasse. Les ouvriers ont réalisé du bon boulot dans des conditions qui n’étaient pas simples. Il faut leur tirer un coup de chapeau.

À titre professionnel et personnel, qu’est-ce qui représente pour vous ce stade Roland-Garros ?

C’est une longue histoire. Je pense que j’ai passé plus de temps ici que chez moi. Ici, j’ai été ramasseur de balles. Ici, j’ai fait les championnats de Paris. Je suis rentré au sein de la Fédération française de tennis à l’âge de 23 ans. J’ai travaillé 10 heures par jour, le week-end… Ici, c’est pratiquement ma maison. J’habite tout près de là. D’ailleurs, je me souviens, un jour, alors que j’avais quitté la FFT depuis près de cinq ans, je rentrais chez moi le soir, et j’étais limite à rentrer dans le stade pour aller éteindre les lumières laissées allumées. Cela représente beaucoup. C’est en effet ma carrière professionnelle. En tentant d’organiser un tournoi de tennis, j’ai eu une chance inouïe de participer à ce truc-là et de rencontrer des tas de gens. Lorsque je suis arrivé ici, pratiquement au même moment que Philippe Chatrier (Ndlr : Président de la Fédération française de tennis de 1972 à 1993), c’était un vieux stade. Ce fut un coup de chance d’arriver à ce moment-là pour tout développer. Cela compte vraiment beaucoup pour moi. Mais c’est fini ! À un moment, il faut partir. Ce sera le cas à la fin de cette année.

Propos recueillis par E-A lors d’un entretien téléphonique réalisé le 19 avril 2021.